Cette tour est un point névralgique de Poitiers. Rendez-vous syndical régulier des manifestations... ou lieu d'agacement. Pendant longtemps, la circulation routière y a été fort compliquée. Mais avez-vous vraiment pris le temps de regarder ce monument ? Et vous êtes-vous demandé ce qu'il cachait ?
Dans cet article, je vais vous parler de ce carrefour qui est un passage obligé et quotidien pour de nombreux Poitevins. Chaque jour, plus de 30.000 véhicules passent au pied de la Porte de Paris. Je suis de ceux-là. Jusqu'à quatre fois par jour en moyenne, depuis bientôt 10 ans. Ça fait 14.600 fois. A la louche. (Oui j'ai calculé de tête, évidemment...).
Plus sérieusement, voilà qui m'a laissé le temps de me demander à quoi ressemblait cet endroit il y a quelques centaines d'années (déformation d'historienne). Et ce qu'il pouvait bien y avoir à l'intérieur...
Car il y a un accès. Par là !
Que cache donc cette tour ?
Je commence par un coup de fil à la mairie de Poitiers. Ma curiosité est la bienvenue. Le temps de mettre la main sur les clés, et les bonnes personnes, nous nous retrouvons le lendemain au pied du monument. C'est la canicule, il est 14h, plein soleil, ils me maudissent tous.Quelques habitants... à plume !
Les verrous sautent, et nous voilà lancés à la queue leu leu dans l'ascension des escaliers. À l'ombre, et au frais. Ça crisse sous les chaussures. Mes interlocuteurs m'avaient prévenue, il y a beaucoup de crottes de pigeons. Je découvre vite d'ailleurs que ce lieu, habituellement désert humain, leur sert de nurserie.Arrivés au sommet, après une nouvelle grille, nous voici de nouveau au soleil, avec un souffle d'air rafraîchissant. Mis à part quelques employés municipaux chargés d'installer les décorations de Noël ou d'accrocher quelques pots de fleurs au printemps, peu de Poitevins ont eu la chance de profiter de cette vue. Tout le monde dégaine son portable pour se fabriquer un petit souvenir...
Un bon point de vue pour replonger dans le passé.
Dernier vestige médiéval
Nœud routier stratégique de notre époque, ce lieu l'était tout autant au Moyen-Âge. Christophe Belliard, archéologue pour la ville de Poitiers, nous détaille l'architecture de l'endroit.Cette tour est un élément de l'enceinte fortifiée de la ville. Sa construction date du XIIème siècle. Des remparts sans cesse rénovés par la suite.Le Clain jouait un rôle majeur dans la fortification de la ville
- Christophe Belliard, archéologue pour la ville de Poitiers
Le maire Jean Macé (début XVème siècle) a beaucoup oeuvré à leur entretien, il est à l'origine de l'enceinte de réunification, permettant d'englober les faubourgs... et d'exclure les lépreux. Ceux-ci étaient cantonnés dans des habitations troglodytes à quelques mètres de là, de l'autre côté de la voie ferrée actuelle. En remerciement, son blason figure en haut de cette dernière tour encore debout.
Parmi les épisodes historiques marquants de cette époque, citons le siège de Poitiers par Coligny... Un tableau de François Nautré y est consacré. Il est exposé au Musée Sainte-Croix de Poitiers. Le détail de cette oeuvre, ci-dessous, permet de se faire une idée plus précise de l'allure de cette zone de la ville. On y distingue notamment un château fort de confluence, assis sur la Boivre et le Clain.
La Porte de Paris est en fait l'un des derniers vestige de cette enceinte médiévale. Une tour de guet, nommée Tour du Cordier... Un chemin de ronde situé sur le haut des remparts menait dans une petite salle. Depuis cet espace, les escaliers permettent de monter à son sommet, ou de descendre pour quitter les lieux (la porte actuelle). Sur certains côtés, on aperçoit d'ailleurs les anciennes maçonneries des remparts aujourd'hui manquants.
Ces fortifications seront démantelées à partir de 1591. Les historiens font toujours des recherches sur ce sujet... Ils travaillent par exemple sur le document ci-dessous pour établir dans le détail les anciennes emprises des bâtiments médiévaux.
Un nœud téléphonique
Il existe un autre "secret" de ce lieu et il n'est pas à rechercher dans un passé aussi lointain. Le premier indice est visible au sol, dès l'entrée dans les lieux.PTT, pour Postes, Télégraphes et Télécommunications, le sigle historique de La Poste et France Télécom (aujourd'hui Orange) jusqu'en 1991...
1974, c'est l'année d'installation, à l'abri de cette épaisse muraille, d'un central téléphonique. Dans cet espace, trois grands tableaux garnis de câbles rouge et blanc. Et au bout de chacun de ces fils, un abonné ! C'est le bon vieux cuivre de nos téléphones fixes !
Dans le jargon, cela s'appelle un sous-répartiteur, nous explique Frédéric Ardouin, adjoint au Directeur département réseau et intervention d'Orange, à Poitiers. Les techniciens interviennent d'ailleurs régulièrement dans ce lieu pour des réparations, de la maintenance ou des raccordements. Des boîtiers de fibre optique complètent le dispositif.
Un trafic plus fluide
Il y a peu de temps encore quand les Poitevins parlaient de La Porte de Paris, c'était surtout pour ses bouchons. Ce carrefour de quatre boulevards, six si l'on compte l'Avenue de Nantes et la route de Paris, était réputé pour être l'un des points routiers de France le plus complexe à réguler.Pas très étonnant dès lors qu'il ait fallu aux services municipaux huit ans de réflexion pour repenser son organisation. Après quelques jours d'ajustement et d'acclimatation des automobilistes, les résultats sont probants. Et l'objectif de garantir un temps de trajet stable à chacun est atteint.
Même une onde verte est possible parfois... Plus le temps de rêvasser sur le passé ou les secrets...