Le Poitiers Film Festival (PFF) a retenu cette année un court métrage d'école d'un étudiant de l'EESI : "Les enfants du béton" de Jonathan Phanhsay-Chamson. De culture chinoise par sa mère, le réalisateur a grandi en banlieue parisienne et confronte son vécu aux discours sur l'identité nationale.
Jonathan Phanhsay-Chamson n'a pas fait un film dans "le canon classique". "Les enfants du béton" est une animation au graphisme très singulier : elle a été réalisée au fusain. Le film, un documentaire, interroge les débats et les polémiques autour de l'identité nationale alors que le réalisateur était encore adolescent.
Dans la note de présentation du film sur le site vimeo, le cinéaste né d'une mère chinoise s'interroge : "Suis-je Français ou bien Chinois? J'ère dans mes questions identitaires."
Trailer - Les enfants du béton / The children of concrete from Cho Chamson on Vimeo.
Du journalisme au cinémaJonathan Phanhsay-Chamson s'imaginait devenir journaliste et espérait s'emparer des thématiques qui lui tiennent à coeur : les banlieues et l'intégration.
"J'avais envie de m'exprimer", confie-t-il.Je ne voulais pas laisser ceux qui ont le pouvoir des mots médiatiques dire qui je suis (J. Phanhsay-Chamson)
Pour lui, le point de départ ont été les émeutes d'octobre 2005 lorsque deux adolescents, Zyed Benna et Bouna Traoré, sont morts électrocutés dans l'enceinte d'un poste électrique alors qu'ils cherchaient à échapper à un contrôle de police à Clichy-sous-Bois (93).
"Quand Nicolas Sarkozy a mis l'identité nationale en débat, dans les banlieues, ça nous a politisés. Ca nous a demandés : qu'est-ce que c'est qu'être Français ou plutôt, qu'est-ce que c'est qu'être un bon Français! On ne nous avait jamais ramené à cela, à une double identité!"
Face au sujet dont il s'empare, la position de l'artiste se révèle alors pour lui beaucoup plus épanouissante.
"J'ai beaucoup lu le traitement des banlieues par les média. J'ai pu constater la différence entre la réalité présentée et la notre. J'avais face à moi différents discours : ceux d'universitaires, de commentateurs, de mes proches également mais je ne voyais pas comment traiter tout ça." Il ajoute : "Aux Beaux-Arts, j'ai trouvé une liberté totale."
Dans son court-métrage, il a conservé une matière journalistique, les témoignages, qu'il met en forme avec son regard de cinéaste.
"J'ai interviewé plein de gens, j'ai accumulé beaucoup de choses et c'est ensuite que j'ai sélectionné ma matière et créé mes images."
Prises de vue réelle
"Au départ, je voulais faire mon documentaire en prises de vue réelle, mais mes images m'ont complètement déprimé. On les avait tellement déjà vues, à la télévision. Je n'arrivais pas à me les approprier. C'est pour cette raison que je me suis démarqué et que j'ai choisi une autre technique : le fusain."
Ce choix graphique apporte au film sa singularité visuelle.
Le jeune réalisateur choisit alors de confronter les paroles de personnalités politiques (Nicolas Sarkozy, par exemple) ou très présentes dans les média (Eric Zemmour) à celles de ses proches (sa mère, son cousin). Elles se font face et révèlent la domination d'une parole sur l'autre.
Son travail tend à questionner la parole dominante dans les média.
"Je ne voulais pas laisser ceux qui ont le pouvoir des mots médiatiques dire qui je suis, les laisser aller à la réduction identitaire."
Le film a été terminé il y a seulement quelques mois, en juin 2017, lorsque l'auteur était encore étudiant à l'Ecole européenne supérieure de l'image (EESI) à Poitiers. Jonathan Phanhsay-Chamson a depuis intégré l'Emca à Angoulême où il poursuit sa scolarité.
Avec sa sélection dans la compétition So French au Poitiers Film Festival (PFF), son court métrage enregistre sa onzième sélection en festival.
"Le film commence sa carrière!", confie Jonathan Phanhsay-Chamson.
Il présentera "Les enfants du béton" lors de la séance publique de 21h, mercredi 6 décembre, au TAP théâtre (PDF).