Le cinéaste Robert Guédiguian présente ce soir à Poitiers, en ouverture du festival du film d'écoles de cinéma (PFF), son nouveau long métrage "La Villa", sorti mercredi sur les écrans. L'auteur de "Marius et Jeannette" est l'invité du journal de France 3 Poitou-Charentes à 19h.
Pour ses 40 ans, le Poitiers Film Festival (PFF) ne pouvait rêver meilleure ouverture : la présentation, vendredi soir, en présence de Robert Guédiguian, de son nouveau film "La Villa". Sorti en salles mercredi, le film s'attache aux retrouvailles d'une fratrie près de Marseille. Profondément mélancolique, le film se révèle bouleversant et l'un des plus beaux de l'année.
"J'aime cette idée d'ouvrir le festival avec une personnalité importante du cinéma français, explique Aldric Bostffocher, directeur du TAP Castille et du Poitiers Film Festival. Outre le fait qu'accueillir Robert Guédiguian va ravir les cinéphiles poitevins, j'avais aussi dans l'idée que nos réalisateurs étudiants du monde entier, invités du festival, vont découvrir quelque chose du cinéma français. Cette idée-là me plait, d'autant que le film est extrêmement réussi."
Blague "au bord du précipice"
Robert Guédiguian incarne un cinéma à la fois politique, profondément humaniste et où l'on blague "au bord du précipice". Pour "La Villa", le réalisateur marseillais renoue avec les lumières du sud de la France. Cette fois, elles sont hivernales.
Dans une callanque, une fraterie se retrouve autour du père, frappé d'un malaise cardiaque alors qu'il admirait la vue depuis la terrasse de sa maison. Créateur d'un restaurant ouvrier, l'homme a élevé avec sa femme leur fille et leurs deux fils, sur ce bord de mer, auprès d'autres familles dont les pères ont construit leurs maisons de leurs mains.
Robert Guédiguian s'est une nouvelle fois entouré de ses acteurs fétiches. Angèle (Ariane Ascaride) est devenue une actrice en vue à Paris. Joseph (Jean-Pierre Darroussin), cadre en entreprise, vient de perdre son emploi et sent que son histoire d'amour avec sa jeune fiancée s'étiole. Armand (Gérard Meylan) a repris le restaurant du père et est resté à ses côtés. On les retrouve éprouvés par le malaise du père, sa mort prochaine, mais aussi, chacun, à un moment où leur vie est sur le point de basculer. Il y a aussi Jacques Boudet, autre fidèle de Guédiguian, en vieux voisin amoureux de sa femme, tous les deux bien décidés à ne pas accepter la trop grande générosité de leur fils unique devenu médecin.
Valeurs mises à rude épreuve(Avec Guédiguian), j'avais l'idée que nos réalisateurs étudiants du monde entier allaint découvrir quelque chose du cinéma français (A. Bostffocher)
Sur ce bord de mer, Guédiguian convie les souvenirs et met les valeurs de ses personnages à rude épreuve.
En quelques plans précis et sobres, il convoque les bouleversements les plus intimes et place d'emblée le spectateur au plus près de ses personnages. Avec une économie de moyens digne des grands cinéastes, il livre des indices sur les drames qui habitent chacun d'entre eux. Celui d'Angèle, par exemple, en tout début de film est révélateur du dispositif que déploie Guédiguian dans son 20ème long métrage. Lorsqu'elle franchit le pas de la chambre de son père, elle a ce regard vers le balcon où l'on aperçoit un vieux tricyle d'enfant abandonné et ce regard vers le vieil homme allité. Le plus simplement du monde, cet échange de regards et ce vélo d'enfant entraperçu convoquent une absence et révèle l'abîme dans le coeur d'Angèle. Ce tricycle est celui d'une enfant disparue dans des circonstances dramatiques. Pour cette raison, elle n'était pas revenue auprès de son père depuis 20 ans.
Robert Guédiguian emmène le spectateur sur la piste de la nostalgie et de la fin d'une époque, lorsque "c'était mieux avant", pour ensuite mieux placer ses personnages à l'épreuve de leurs idéaux.
Ainsi, à son arrivée, Angèle s'exclame lorsqu'elle découvre ce bord de mer déserté : "Mais qu'est-ce qui s'est passé ici ? Il y avait du monde avant !" Les photos au mur témoignent : des familles vivaient là, des enfants jouaient et se baignaient sur ce bord de mer. "C'est l'argent, c'est ça, s'interroge-t-elle ? " Car tout autour, tout le monde a vendu. Sauf le père et les voisins les plus proches.
Autre pièce amenée au puzzle de l'intrigue : régulièrement, des militaires patrouillent dans la callanque, à la recherche de migrants qui se seraient échoués. Lorsque soudainement ils surgissent dans l'histoire, les drames des uns et des autres sont déjà tous clairement exposés, presque réglés. L'histoire pourrait se conclure là mais Guédiguian choisit de relancer le moteur de la fiction. Simplement, semble-t-il, pour constater que les valeurs constitutives de ses personnages sont belles et bien vivantes et ancrées. Face au monde contemporain, le procédé témoigne de l'humanisme de l'auteur de "La Villa" et devrait ne laisser aucun spectateur tout à fait intact.
La séance, à 20h vendredi, sera suivie d'une rencontre avec le cinéaste. Elle promet d'être riche en débats.