Le combat des proches de Tiphaine Véron disparue au Japon il y a trois ans, continue. Sa famille ne veut pas baisser les bras. Cette semaine, une fresque est peinte sur un mur de Poitiers.
Ce mercredi, les yeux de Tiphaine Véron sont apparus sur un mur de Poitiers. C'est l'artiste graffeur poitevin Rebeb qui a été sollicité pour la réalisation de cette fresque qui sera située sur un mur mis à disposition par la SNCF (48 boulevard du Grand cerf - entre le CNFPT et Europcar).
Je suis très émue car c'est le regard de Tiphaine qui était pudique et réservée. Son visage est doux et bienveillant sur sa ville qu'elle adore. C'est aussi une façon de montrer que cette disparition reste mystérieuse. On ne voit que son visage, tout le reste est caché, comme si on ne voyait qu'une partie d'un iceberg. Où est-elle ? Qu'est-elle devenue ? …
Pour réaliser cette fresque, l'artiste Rebeb s'est inspiré de cette photo
Une jeune fille se volatise à Nikko
Le matin du 29 juillet 2018, deux jours après son arrivée au Japon, l'auxiliaire de vie scolaire de 36 ans, épileptique, s'est volatilisée à Nikko, paisible cité touristique au nord de Tokyo, entourée de collines et de bois aux sanctuaires réputés. A l'hôtel "Turtle Inn", les enquêteurs retrouveront passeport, valise et son programme de visites "minutieusement préparé depuis six mois", rendant peu probable suicide ou disparition volontaire.
En trois ans, les recherches menées à Nikko par ses proches, arpentant rivière et sentiers avec des secouristes privés et des chiens, (70.000 EUR financés par leurs deniers et des dons) n'ont rien donné, pas plus que les enquêtes judiciaires. "Aucun élément précis n'a permis de faire avancer l'enquête", dit le parquet du tribunal de Poitiers où l'information judiciaire se heurte au "manque de collaboration" du Japon et à des investigations "trop parcellaires" selon la famille. En plein "désarroi", ils ont fait appel il y a un an à l'avocat parisien Antoine Vey, ex-associé d'Eric Dupond-Moretti, pour relancer l'affaire au Japon. Samedi, en visite à Tokyo pour les JO, Emmanuel Macron a évoqué l'affaire avec le Premier ministre japonais Yoshihide Suga. "Il a demandé que l'enquête se poursuive, que la justice fasse son travail", selon l'Elysée, demandant "toute la coopération des autorités exécutives et judiciaires japonaises".
Plus les mois passent, plus l'éventualité d'un meurtre me paraît évidente. Ou alors elle est vivante, mais dans quelles conditions ?
"Quand tout a été fait, vous devez abdiquer, il y a une sorte de fatalisme. Nous ce n'est pas le cas, rien n'a été fait, donc on se bat, on n'abandonnera pas", assure le frère de la touriste, Damien, paysagiste de 40 ans, qui anime l'association Unis pour Tiphaine. Avec une cagnotte en ligne parrainée par la comédienne Fanny Ardant, il espère récolter 60.000 EUR pour le financement des frais d'enquête.
"Puzzle" incomplet
"Les enquêteurs japonais ont objectivement cherché à faire de cette affaire une non-affaire", assure Me Vey, déplorant que l'hypothèse criminelle n'ait "jamais été véritablement explorée". "Aujourd'hui, il est impossible de trancher définitivement en faveur d'une thèse plutôt qu'une autre car les recherches ont été effectuées de manière très éparpillées, (...) Nous sommes face à un puzzle dans lequel il y a beaucoup trop de pièces manquantes", estime l'avocat. Il pointe "des auditions de témoins inexistantes ou incomplètes, des pièces manquantes ou non traduites". "Surtout des données téléphoniques sont absentes sans que l'on comprenne pourquoi elles n'ont pas été collectées, alors qu'elles permettraient de géolocaliser les téléphones de Tiphaine et des protagonistes sur la zone", déplore-t-il.
Concrètement on attend qu'il y ait une enquête criminelle qui soit ouverte au Japon. Et on attend que le contenu du dossier japonais arrive en France. On attend nous, d'avoir accès à des rapports d'expertise sur le Luminol (essais qui ont eu lieu dans la chambre de Tiphaine et qui ont révélé des traces de sang). On attend aussi qu'il y ait un accès aux données téléphoniques, mais aussi à des auditions et des témoignages.
Pour tenter de lever "ces zones d'ombres", une nouvelle commission rogatoire internationale va être adressée au Japon pour qu'il réalise de nouvelles investigations. L'avocat en a fait la demande à la juge d'instruction de Poitiers le 31 mars. En parallèle, l'avocat a recruté un enquêteur aguerri pour creuser "un climat criminogène" à Nikko. Une mission confiée à l'ex-gendarme reconverti dans le privé Jean-François Abgrall qui avait permis de confondre Emile Louis et d'arrêter le "Routard du crime" Francis Heaulme.
"Plusieurs découvertes macabres" et d'autres éléments troublants comme un panneau mettant en garde contre la présence d'agresseurs sexuels, près d'un temple repéré par Tiphaine, "semblent contredire la réputation particulièrement sûre de Nikko", relève l'avocat dans sa demande à la juge.
La famille et son avocat se donnent un an, "et si tout est fait, à un moment, il faudra savoir s'arrêter", une pensée "terrible" pour Damien.
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Timelap - fresque Tiphaine Veron