Cédric Cannone, sourd de naissance, a fait le chemin Paris-Milan pour défendre la cause de ses semblables. En 1880, dans la ville lombarde, la langue des signes a été interdite, freinant la démocratisation de ce langage avec les mains.
Le 30 juillet dernier, par une belle journée d’été, Cédric Cannone est arrivé en héros à la gare de Poitiers. Des ballons, une grande banderole et une acclamation silencieuse. Cédric Cannone est sourd de naissance, tout comme son comité d’accueil. Et la banderole proclame : "Langue des signes dans la Constitution = citoyen à part entière".
Le Pictavien de 46 ans a parcouru 2 100 km, pendant 73 jours, entre Paris et Milan. Un périple qu'il a effectué en aller-retour avec ce message politique. "J’ai besoin d’être écouté", confie celui qui a témoigné dans le livre « Le silence du girafon ». Une enfance où on l’a forcé à d’abord apprendre à parler comme un entendant avant qu’il ne découvre la langue des signes. "Tout ce que j’ai pu entreprendre a été entravé. Maintenant, je veux que les choses avancent."
Ce ras-le-bol l'a poussé à lancer cette impulsion militante et l’a mené jusqu’à Milan. Le choix de la ville lombarde n'est pas un hasard. "En 1880, à Milan, la langue des signes a été interdite pour favoriser une éducation oraliste (méthode pour enseigner la langue orale aux sourds) qui forçait les sourds à parler. L'accessibilité n'est pas parfaite encore aujourd'hui et la société n'est pas prête à nous la donner", relate Clarisse Joubert, trésorière de l’association des sourds de Poitiers. "Pour les sourds, ça a été quelque chose d’horrible !"
"Si je ne parle pas, personne ne s'adapte à moi"
Et depuis cette interdiction, peu de choses ont changé. La langue des signes est trop peu présente, au goût des personnes sourdes, dans le milieu scolaire, voire au-delà. "Dans mon travail, si je ne parle pas, personne ne s’adapte à moi. C’est toujours moi qui dois faire l’effort", se plaint Christophe Couteau, président de l’association des sourds de Poitiers. Cédric Cannone a choisi d’être leur porte-voix à tous, à l'aide de ses mains et ses jambes.
Le froid, la pluie, les nuits sous la tente, ce voyage n’a pas été de tout repos. Mais il n’a rien lâché, soutenu par les encouragements des gens qui le suivaient sur les réseaux sociaux. Aujourd’hui, il ne retient que le meilleur. "J’ai reçu beaucoup de cadeaux. On m’a offert des nuits d’hôtel. J’ai eu des échanges très riches, j'ai eu de très jolis souvenirs", confie-t-il. Sur le chemin, il a réussi à rencontrer un député européen, avant d’être accueilli à Milan chaleureusement par les associations locales de sourds.
Ouvrir la société à la langue des signes
Sensibiliser les politiques, c’est son bâton de pèlerin. Il a déjà eu des contacts avec Sacha Houlié, le député — non-inscrit — de la 2ᵉ circonscription de la Vienne. Il a également écrit à Emmanuel Macron, dont il espère une réponse. Le 14 septembre prochain, il donnera une conférence à Bordeaux où il espère bien rencontrer le maire et le député de la ville. "J'aimerais qu'encore plus de monde se rallie à la cause et je ne lâcherais rien. Je souhaite que le gouvernement ait un œil sur nous et que l'on puisse discuter, qu'ils prennent conscience de notre existence, la communauté sourde", conclut Cédric Cannone.
Car pour toutes les associations des sourds de la Vienne, la langue des signes reconnue dans la Constitution serait un grand pas vers l’égalité et l’accessibilité. Aujourd’hui, les amis de Cédric Cannone partagent avec lui son sentiment : la société est encore trop fermée à ce handicap.
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