Quatre ans après la mort de sa fille dans un accident de la route, le long calvaire d'une mère en attente d'un jugement

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Elsa, 20 ans, est décédée lors d'un choc frontal dans l'agglomération poitevine, un soir de fête de la musique en 2019. Quatre ans après les faits, Le conducteur de l'autre véhicule est jugé pour homicide involontaire. Une douloureuse attente pour la mère. Reportage d'Antoine Morel et Romain Burot ©France télévisions

En juin 2019, Elsa, 20 ans, décédait dans un choc frontal avec un automobiliste sous l'emprise de l'alcool et de stupéfiants. Après quatre longues années d'attente pour la famille de la victime, le procès s'ouvre ce 21 septembre à Poitiers.

Plus de 4 ans après les faits, le procès se tient enfin ce 21 septembre 2023, à Poitiers. Une attente interminable pour la famille d'Elsa, et notamment sa mère Raphaëlle Padiolleau. "Cela fait quatre ans que je ne suis pas un soir avant de m'endormir à me dire que le jour du procès, j'aurai plein de choses à dire", ressasse-t-elle.

Le 22 juin 2019, sur la rocade poitevine, le véhicule de sa fille de 20 ans est percuté de plein fouet par un automobiliste sous l'emprise de l'alcool et de stupéfiant roulant à contre-sens. Elsa meurt sur le coup. Son compagnon est blessé grièvement. Plus qu'obtenir justice pour sa fille, Raphaëlle Padiolleau espère que ce genre de drame n'arrive plus. Pour elle et le Collectif justice pour les victimes de la route dont elle fait partie, cela passe également par le qualificatif d'homicide routier au lieu d'homicide involontaire.

"On laisse un petit peu ces victimes sur le bord du chemin"

Depuis cette nuit du 22 juin 2019 et la mort d'Elsa, Raphaëlle Padiolleau vit un calvaire. À tel point qu'au début, elle n'osait pas reprendre la route ou sa fille a trouvé la mort. "Je n'y suis pas arrivé pendant longtemps, très longtemps, au moins deux bonnes années, se souvient-elle. Je l'ai reprise quelques fois. Mais je me rends compte que reprendre cette rocade où a eu lieu l'accident, ça fait très mal. Donc j'apprends aussi à me préserver du malheur. Je me dis que ce n'est pas compliqué de changer de route pour éviter d'être mal pendant plusieurs heures."

Et la lenteur de la justice n'aide rien. Le procès, souvent attendu par les familles de victimes pour faire le deuil et avancer, s'ouvre seulement quatre ans après les faits. La mère de famille l'assure, elle "n'attend rien du procès, à part un verdict sévère", car "les réponses" elle "les connait". En colère, Raphaëlle Padiolleau espère tout de même être confrontée à l'accusé. "Il va falloir qu'il entende", déclare-t-elle.

Son avocate, Me Patricia Coutand, déplore aussi une lenteur des procédures : "Peut-être qu'on s'y est habitué et on ne devrait pas parce que quand on perd un proche, on se trouve confronté à une très longue attente." Plus encore, Raphaëlle Padiolleau dénonce le traitement des familles de victimes. "On a toujours eu l'impression qu'on considérait beaucoup plus l'état d'esprit de l'homme qui a tué notre fille que nous. Parce que quand on entend dire : "Attention, cet homme pourrait se suicider." Moi, qui est venu me demander ? Qui s'est posé la question si je pouvais mettre fin à mes jours à force d'avoir du chagrin ? Personne", constate-t-elle, très touchée.

Son avocate va totalement dans son sens. "Les parties civiles, les victimes, ont des droits sur le papier, mais ont, en pratique, qu'une place dans le processus judiciaire qui est proche de rien du tout. C'est-à-dire qu'elles ne rencontrent pas l'auteur, elles ne sont pas systématiquement convoquées et donc on laisse un petit peu ces victimes sur le bord du chemin. Ce qui pourrait être acceptable si ça durait quelques mois, sauf que là ça dure des années et c'est très difficile à porter", déplore Patricia Coutand.

La création de l'homicide routier, une solution ?

Pendant cette longue attente, Raphaëlle Padiolleau à trouver du soutien auprès du Collectif justice pour les victimes de la route, qu'elle a intégré. Le collectif s'est même porté partie civile. "Ils ont été d'un grand soutien. On se supporte et on a le même combat de justice", explique la mère.

Âgé de 35 ans, le prévenu est poursuivi pour homicide involontaire, conduite sous l'emprise de produits stupéfiants et d'alcool, vitesse excessive et absence de contrôle technique. Il encourt 10 ans de prison et 150 000 euros d'amende pour homicide involontaire. Un terme que n'accepte pas Raphaëlle Padiolleau. "Pour moi, ce n'est pas un homicide involontaire, l'homicide involontaire, c'est le soleil qui tape dans le rétro, ou une plaque de verglas, mais certainement pas quand on roule trop vite et qu'on a des traces de cocaïne, de cannabis dans le sang et en sens inverse. Il faut que la justice prenne ses responsabilités et applique les lois", pointe-t-elle.

Je voudrais qu'avec ce procès, chacun prenne conscience qu'on ne peut pas faire n'importe quoi quand on a un volant entre les mains.

Raphaëlle Padiolleau

Mère d'Elsa et partie civile

Une revendication que défend également le Collectif justice pour les victimes de la route et qui a eu sa résonance. En juillet dernier, suite à plusieurs drames sur la route en l'espace de quelques heures, la Première ministre Elisabeth Borne a annoncé la création de l'homicide routier. Mais outre le nom, la peine encourue est la même. Une mesure "symbolique" assumée par le gouvernement qui veut œuvrer pour la reconnaissance des victimes.

"Cet homicide routier, c'est un grand pas en avant. Pour certains, c'est juste un mot, mais c'est aussi tout ce qui en découle derrière", considère Raphaëlle Padiolleau. Il en va de même Patricia Bénard, militante du Collectif justice pour les victimes de la route, au moment de l'annonce de la mesure : "Ce mot "involontaire", c’était impensable pour nous. Quand une personne tue, c’est quand même un assassin de la route. Sous l’emprise de l’alcool et de stupéfiants, pour moi, c’est volontaire. Vous prenez ces substances parce que vous le voulez."

Du côté des juristes, ce changement, souvent perçu comme davantage politique, est un petit peu inquiétant. "En droit, il faut distinguer ce qu'on a voulu faire, ce qu'on a voulu commettre comme faits, et ce qu'on n'a pas voulu commettre. Ce glissement est contraire aux principes généraux du droit pénal : l'intention compte, donc elle doit être sanctionnée différemment de la situation où, même s'il y a eu multiplication de fautes, l'intention de tuer n'existait pas", alertait auprès de France Inter, Me. Jérôme Gavaudan, président du Conseil national des Barreaux.

Depuis le drame qui a touché sa fille, Raphaëlle Padiolleau ne l'entend pas ainsi. Tout en concédant elle-même conserver beaucoup de haine, elle demande "des verdicts beaucoup plus sévères, avec de lourdes peines", mais souhaite surtout qu'"Elsa ne soit pas morte pour rien". "Je voudrais qu'avec ce procès, chacun prenne conscience qu'on ne peut pas faire n'importe quoi quand on a un volant entre les mains. On ne doit pas laisser quelqu'un qui a bu prendre le volant, alerte-t-elle. Il y a des choses sur lesquelles on n'a pas la main, mais ça on peut faire quelque chose. On peut empêcher quelqu'un de conduire quand il a bu."

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