Face aux sécheresses répétées, les solutions se multiplient pour cultiver sans puiser trop d'eau. A Loudun, un atelier de poterie produit des ollas, des jarres d'irrigation enterrées, dont la technique millénaire séduit de plus en plus, tant les particuliers que les agriculteurs ou les communes.
Depuis quelques années, les arrêtés qui encadrent l'usage de l'eau sont devenus presque habituels en été, et même dès les premiers beaux jours dans certains départements. Au jardin ou dans les champs, il faut se montrer inventif pour garder les végétaux bien hydratés. Après une ruée sur les récupérateurs d'eau au printemps, les jardineries constatent une forte augmentation de la demande d'ollas, des jarres d'irrigation enterrées.
Les ollas, ou oyas, "pots" en espagnol, sont une technique millénaire. Ces jarres en terre cuite sont enterrées dans le sol à proximité de végétaux et remplies d'eau, et grâce à la porosité de l'argile, l'eau va se diffuser dans le sol par capillarité, et atteindre le système racinaire des plantes. De cette manière, elle permet une distribution de l'eau plus lente, plus efficace, et évite le stress hydrique.
A Loudun, Laurent Jamet produit des ollas dans son atelier familial depuis bientôt neuf ans. L'idée est née quelques années plus tôt, en fréquentant des fêtes des plantes : "Ce sont des clients qui m'ont demandé ça, des gens qui font de la permaculture, qui sont vraiment au top à ce niveau là", se souvient-il. "Le premier qui me l'a demandé j'ai trouvé qu'il était farfelu, le deuxième aussi, et puis le troisième, je me suis dit que le farfelu c'était moi, il fallait que j'essaye."
Nous avions déjà rencontré Laurent Jamet pour un Itinéraire Bis, le 7 mai dernier.
Il s'est alors lancé dans une longue phase de recherches entre 2012 et 2014, afin de trouver la forme et les contenances idéales pour ses jarres d'irrigation, et surtout la bonne matière. Il travaille avec quatre terres différentes, toutes régionales, de l'argile dont la provenance n'excède 200 kilomètres autour de Loudun : "Je voulais ma propre recette pour l'adapter à notre climat à l'européenne", explique-t-il.
En s'intéressant aux origines des ollas, il a décidé de créer sa propre recette, pour les rendre plus pérennes. "A l'époque, il y a 3 ou 4 000 ans, c'était généralement des femmes ou des enfants au milieu du village qui façonnaient ça avec de la terre, c'était juste cuit approximativement autour d'un feu de bois", raconte-t-il.
C'était éphémère, quand elles avaient servi une fois, deux fois, c'était cassé et on en refaisait d'autres, alors que nos pièces sont non gélives, elles ne gèlent pas, on peut les laisser en terre et le but c'est que dans dix ou quinze ans, elles existent encore.
Laurent JametPotier
Dans son atelier, la demande pour les ollas augmente d'environ 50% chaque année. Plus de 45 000 jarres ont été produites en 2022, et déjà 30 000 depuis le début de l'année. Afin de faire face à la hausse des commandes, l'entreprise est passée de trois à huit salariés.
Les ollas de Laurent Jamet suscitent l'intérêt de nombreuses villes, comme Paris, Lyon, Nantes, ou encore Thouars.
Un gain de temps et d'eau pour les collectivités locales
Dans cette commune des Deux-Sèvres, le partenariat avec la poterie Jamet a déjà plusieurs années. Dans les jardins et certains espaces verts ou fleuris, 38 ollas ont pris le relais pour irriguer les plantes. "L'année dernière a été très très sèche et on a eu de très très bons résultats", se réjouit Stéphane Blondeau, encadrant technique du chantier d'insertion de Thouars pour les espaces verts. "On a fait très peu d'arrosage."
Dans le jardin médiéval de la commune, quatre ollas sont installées dans des bacs de plantes. Elles sont remplies une fois par semaine et permettent de réduire la consommation d'eau par trois. L'économie d'eau se couple ainsi à un gain de temps considérable pour les employés des espaces verts. En 2022, dix nouvelles ollas ont été achetées par la mairie pour environ 500 euros. Yann Coutarel, le responsable du service des espaces verts estime que cette somme sera rentabilisée en un ou deux ans.
Pour la ville de Thouars, cet investissement s'inscrit dans un plan global de fleurissement durable. Elle bénéficie du label "4 fleurs" dont l'un des critères est le respect des ressources naturelles et de la biodiversité. Le recours à un mode d'irrigation plus économe était donc une évidence : "On est obligés d'évoluer", déclare Yann Coutarel. "Aujourd'hui en termes de ressources en eau, on est contraints fortement avec la sécheresse qui s'accumule et qu'on va avoir au fil des ans. L'objectif c'est de pouvoir répondre aux besoins de la plante en n'amenuisant pas nos ressources en eau."
Les particuliers s'y mettent aussi
Entre restriction d'usages de l'eau et désespoir face un potager assoifé qui ne produit plus rien, les particuliers aussi investissent massivement dans ces jarres d'irrigation.
Dans une jardinerie près de Poitiers, il ne reste plus que quelques ollas fabriquées à Loudun, en attendant le prochain réassort.
Au rayon jardinage, les achats en lien avec l'eau, comme les récupérateurs d'eau et les réservoirs, ont le vent en poupe. Jean-Marie Giroire, vendeur, estime que les ventes d'ollas ont augmenté de 25 à 30% en un an, malgré le prix qui peut parfois sembler dissuasif, entre 21 euros pour une jarre de 50 centilitres et 195 euros pour 35 litres. "Les gens font quand même l'investissement sur ce genre de petit réservoir, c'est d'abord un gain de temps, mais également un arrosage beaucoup plus adapté, les plantes le supportent mieux que des arrosages au jet d'eau ou à l'arrosoir, où c'est beaucoup plus pénible à faire et où on a beaucoup d'évaporation", explique-t-il.
Des ollas faites maison
Les ollas sont un allié de taille pour garder vos plantes irriguées en toutes circonstances, même pendant vos vacances. Elles peuvent être installées en pleine terre, ou dans des jardinières ou des pots.
Il est possible de fabriquer soi-même une jarre d'irrigation, voici quelques conseils.
Prenez un pot de fleur en terre. Pour choisir la taille, sachez que l'eau se diffuse sur un diamètre 1,5 fois supérieur à celui du pot. Pensez bien à boucher le fond de ce pot, avec un bouchon en liège par exemple, pour que l'eau ne s'évacue pas trop vite. Plantez ensuite le pot dans votre jardin, jusqu'à son col, pour que l'eau se diffuse au même niveau que les racines. Remplissez-le et puis recouvrez-le avec une soucoupe, pour éviter l'évaporation, et la prolifération des moustiques.
Pour garantir une pleine efficacité à votre système d'irrigation, effectuez un paillage de végétaux broyés afin de conserver toute la fraîcheur de la terre.