Trois ans après sa condamnation pour le meurtre de sa femme, un détenu du centre pénitentiaire de Poitiers-Vivonne a été retrouvé pendu dans sa cellule mardi 5 septembre au matin. Il venait d'appeler sa sœur pour lui confier sa peur de mourir. La piste du suicide est privilégiée.
Mardi 5 septembre 2023, un détenu du centre pénitentiaire de Poitiers-Vivonne a été retrouvé pendu dans sa cellule à neuf heures du matin. Peu de temps auparavant, Anouar Matoussi, condamné en mars 2022 pour le meurtre de sa compagne, avait appelé sa sœur qui devait lui rendre visite dans la journée : "Il m'a dit 'il ne faut pas venir, je vais mourir aujourd'hui, tout le monde veut me tuer', il n'était pas bien", nous a-t-elle raconté.
Un homme très perturbé
Son avocate, que nous avons contactée, confirme que l'état de cet homme d'une quarantaine d'années était très préoccupant : "Il n'allait pas bien depuis plusieurs jours", confie Maître Julia Courvoisier. Elle explique avoir été appelée par la famille du détenu et avoir envoyé un courrier électronique à la direction à 8h50 du matin : "A 8h30, un surveillant est passé et tout allait bien, mais à 9 heures, ils l'ont retrouvé pendu", regrette-t-elle.
La famille d'Anouar Matoussi va déposer plainte. "L'objectif, c'est d'avoir accès à ce qui s'est passé en détention, au rapport d'autopsie, savoir s'il y a une responsabilité, individuelle ou collective", détaille l'avocate, alors qu'elle avait été alertée dès jeudi dernier des troubles du détenu."Il était en crise, il entendait des voix, il était persuadé qu'il allait être tué", rapporte-t-elle, tout en soulignant que lors de son procès, son évaluation psychologique n'avait pas mené à une altération de sa responsabilité pénale.
Sa sœur déplore qu'il n'ait pas obtenu d'aide au sein du centre pénitentiaire : "Cela fait trois, quatre jours qu'il n'est pas bien, pourquoi n'ont-ils pas fait venir un médecin ? Pourquoi n'a-t-il pas eu de surveillance continue ?" s'interroge-t-elle.
Joint par téléphone, le représentant de la CGT pénitentiaire explique. "Un autre détenu nous avait alerté qu'il n'allait pas bien. On comptait le surveiller, aller voir si ça allait bien mais quand on est arrivé, c'était déjà trop tard."
Trois suicides en un mois
Ce décès survient moins d'un mois après les suicides de deux détenus, survenus le 9 et le 14 août derniers, au sein de la prison et de la structure d'accompagnement à la sortie, la SAS de la Pierre Levée qui dépend de l'établissement pénitentiaire.
Pour l'avocate Julia Courvoisier, qui représente plusieurs personnes à Poitiers, c'est la source d'une grande inquiétude, et d'un sentiment d'impuissance : "Cela fait longtemps que je connais cette prison, à l'origine, il n'y avait pas trop de soucis, mais après la fermeture de la prison à Bordeaux, il y a eu des délestages, une surpopulation, des soucis de blattes", déplore-t-elle. "Dans le cas de M. Matoussi ça pose clairement la question de la prise en charge psychiatrique."
On voit les conditions se dégrader, et en tant qu'avocate, on commence à avoir peur pour ses clients.
Maître Julia CourvoisierFrance Télévisions
Le représentant de la CGT penitentiaire tire lui aussi le signal d'alarme. Déplorant à la fois les fermetures de lits dans les hôpitaux psychiatriques et le manque de surveillants dans les prisons de l'Hexagone, il constate : "On est de moins en moins de surveillants pour gérer des situations de plus en plus compliquées."
Les surveillants sont épuisés et les détenus, tendus. On fait comme on peut.
Représentant de la CGT pénitentiaireFrance Télévision
Sollicitée, la direction interrégionale des services pénitentiaires n’a pas donné suite à nos demandes.
Ce vendredi, le procureur de la République de Poitiers Cyril Lacombe indique qu'une enquête a été ouverte. "Les investigations auront pour objet de découvrir les causes du décès, et notamment si la piste du suicide se confirme." Une autopsie sera effectuée. Des auditions seront également réalisées dans l'entourage du détenu et au sein de l'établissement pénitentiaire.