Vendredi 15 février, Nathalie Kosciusko-Morizet annonce sa candidature à la primaire UMP pour désigner un candidat à la mairie de Paris. Portrait d'une ambitieuse atypique au parcours très classique.
NKM. Trois initiales qui donnent une allure de destin à une trajectoire politique. C'est l'apanage des noms difficiles à écrire et prononcer. Il faut les simplifier. Mais qui se cache derrière ces trois initiales ?
Difficile de cerner Nathalie Kosciusko-Morizet à l'image de ses tenues vestimentaires extravagantes et classiques à la fois. Dans son camp, elle est respectée, mais guère aimée. C'est une scientifique, polytechnicienne, dans un monde de juristes et d'économistes. C'est un bébé Chirac adopté par Nicolas Sarkozy.
Voilà le paradoxe NKM : une politique toujours en léger décalage et pourtant toujours au cœur du dispositif.
Une réputation de froide ambitieuse
Selon certains généalogistes, Nathalie Kosciusko-Morizet descendrait de Lucrèce Borgia. Une légende sulfureuse faîte de manœuvres politiques. Les gènes ont-ils survécu aux sauts de génération?
"Quand je suis entrée en politique, on m'en a dit plein de mal. Elle avait une réputation de mante religieuse", confie Chantal Jouanno, au moment de la campagne présidentielle. "Mais en fait, c'est quelqu'un que j'aime bien", résume Mme Jouanno, qui sera peut-être candidate face à (ou avec) elle aux élections municipales.
Plus certainement, elle descend d'une famille polonaise. Venant de l'est de l'Europe, cela suffit à gagner une réputation de froideur. "Elle n'est pas du genre à taper dans le dos de tout le monde", reconnaît Phillipe Dallier, sénateur UMP de Seine-Saint-Denis. "Elle est froide mais c'est pour mieux tempérer son caractère volcanique", témoigne Marie-Anne Montchamp, ancienne députée du Val-de-Marne.
"C'est vrai, elle est froide et puis il y a son phrasé particulier né de son éducation", ajoute Mme Jouanno.
L'ascension d'une "fille de" en Île-de-France
NKM a la politique dans le sang. Bleu, le sang mais aussi rouge et blanc. Son arrière grand père a été maire socialiste de Boulogne dans l'entre-deux-guerres. Son grand-père résistant fut un diplomate important et son père est maire UMP de la ville de Sèvres dans les Hauts-de-Seine. Mais, il a plus fait une carrière de haut-fonctionnaire que d'homme politique.
"Son ascension, elle la doit plus à ses compétences scientifiques et au fait qu'elle a investi les questions d'environnement à l'UMP où il n'y avait personne, qu'à mon petit poids politique", explique François Kosciusko-Morizet.
NKM a en effet suivi ses études à Polytechnique avec une spécialisation en génie rural des eaux et forêts. Un service militaire dans la Marine. Elle s'occupe ensuite de diverses missions liées à l'environnement dans des ministères avant d'être repérée.
Devenue députée de l'Essonne, elle devient célèbre en défendant la Charte de l'environnement à l'Assemblée nationale. Le grand public découvre ce visage délicat et ses tenues désuètes ou futuristes, c'est selon. NKM est sans doute l'une des rares politiques à pouvoir répondre à une interview en plateau avec de longues mitaines de laine sur les avant-bras. Un parfum de jeune fille sage se dégage alors de cette violoncelliste émérite qui ne déteste pas peindre non plus à l'occasion. "Un visage de madone préraphaélite", lit-on souvent dans la presse. "Et pourtant, je suis bien de mon temps", réplique-t-elle en se tapotant le bras pour prouver à son interlocuteur qu'elle est faite de chair.
En 2004, elle devient conseillère régionale d'Île-de-France et poursuit son apprentissage politique. Chiraquienne de réputation, elle ne fait pas encore partie du paysage sarkozyste
2007-2012 : Une femme seule
Membre du gouvernement en 2007, comme Secrétaire d'Etat à l'écologie, Nathalie Kosciusko-Morizet accède aux hautes fonctions. Mais elle reste un électron libre, n'appartenant à aucun courant de l'UMP. Elle va connaître le prix de la solitude.
En 2008, elle dénonça un "concours de lâchetés et d'inélégance entre Jean-Louis Borloo et Jean-François Copé" ne s'estimant pas assez soutenue lors d'une discussion à l'Assemblée sur les OGM. Cela lui coûta son secrétariat d'Etat à l'écologie et la constante inimitié du président de l'UMP d'aujourd'hui. "On lui a fait subir tout ce qu'on peu faire subir à une jeune femme brillante", témoigne une collègue de l'époque.
Elle se relance au secrétariat de l'économie numérique. Cela lui permet de trancher avec son image de jeune fille en fleurs pour devenir une star du web 2.0 politique. Elle, qui aujourd'hui ne se sépare jamais de son iPad et connaît toutes les applications qui la renseignent en temps réel des embouteillages sur son trajet quotidien entre Paris et Longpont dans l'Essonne.
Longpont, à côté de Longjumeau son fief électoral conquis de haute lutte, aux municipales de 2008 avec seulement 39 voix d'avance. Plus de "fille de", plus de jeune femme éthérée. Elle a gagné ses galons de guerrière électorale. Elle n'est toujours pas aimée au sein de l'UMP, mais elle est du moins respectée.
Le devant de la Seine
En 2012, Nicolas Sarkozy la choisit comme porte-parole de sa campagne présidentielle. Cela fait grincer des dents. Christian Vanneste exprime alors grossièrement ce que beaucoup pensent tout bas. "Nathalie Kosciusko-Morizet a un petit côté aristo, je ne crois pas que c'est ce qui convient actuellement à Nicolas Sarkozy", commente l'ancien député UMP du Nord. "Elle est maire de Longjumeau, ce n’est pas une ville particulièrement bourgeoise que je sache", lui rétorque alors Philippe Dallier.
NKM est récompensée pour sa puissance de travail mais c'est aussi un choix politique. "Dans cette campagne, il faudra tenir un discours d'ordre public et un discours de protection sociale. Pour cela, il faut avoir plusieurs octaves. Et Nathalie qui est une bonne musicienne, les possède", commente Marie-Anne Montchamp, toujours à l'époque.
Elle représente la jambe gauche du candidat, ayant écrit un livre contre le Front national. Un alibi à la campagne droitière ? Durant la campagne, elle a joué le jeu du porte-parolat, même si le ton de la campagne de l'entre deux tours l'a un peu gênée. La preuve de son arrivisme et de son absence de conviction pour ses détracteurs, le témoignage de sa loyauté et de sa solidité dans le combat pour ses partisans.
Orpheline de Chirac et de Sarkozy, elle peut se lancer dans le combat personnel. L'occasion lui en est fourni par la campagne pour la présidence de l'UMP. Trop isolée et n'ayant pas de réseaux, elle n'arrive pas à recueillir le nombre de parrainages requis. "Voici mon trésor", fanfaronne-t-elle néanmoins en déposant ses signatures au siège de l'UMP.
Elle active ses nouveaux soutiens et les rassemble dans un club politique "La France Droite", se mettant à distance "du duel de testostérone" entre Copé et Fillon.
La cacophonie du vote lui permet de revenir rapidement dans le jeu politique. Elle devient l'une des figures de proue des non-alignés qui réclament un nouveau vote.
Mais plutôt que de participer à un nouveau vote qui promet de nouvelles dissensions, elle préfère se lancer dans le combat parisien. Une élection difficile mais qui lui permettra de garder une visibilité médiatique et la reconnaissance des militants pour une battante des joutes électorales. "Avec ce combat là, elle va cocher la case courage", commente Xavier Bertrand dans Paris Match.
Elle sait déjà qu'elle va devoir affronter les critiques de parachutage et de candidature tremplin de la part de ses amis de l'UMP et de la gauche. Car, son objectif est aussi de participer à la primaire UMP de 2016 pour la présidentielle. Attention à l'overdose d'ambition.
"Mante religieuse" pour ses ennemis ou "fourmi", comme elle se définit elle-même. C'est aux électeurs parisiens de choisir le surnom. Car, il est désormais difficile pour NKM de se cacher derrière ses initiales.
Récit de Daïc Audouit