Depuis l'été dernier, la volonté de la mairie de Courcouronnes (Essonne) de détruire le bâtiment de l'architecte Chemetov fait couler beaucoup d'encre. Le tribunal de grande instance de Paris vient d'autoriser cette démolition.
Le tribunal de grande instance de Paris a autorisé la démolition de l'immeuble du célèbre architecte Paul Chemetov, à Courcouronnes (Essonne), estimant qu'elle est "légitime et proportionnée", dans un jugement communiqué vendredi par son avocat.
Prévue pour la fin de l'été, la démolition de cet immeuble en équerre sorti de terre en 1984 s'inscrit dans le projet d'aménagement d'un éco-quartier de 850 logements à Courcouronnes, porté par la communauté d'agglomération Evry Centre Essonne (CAECE) et validé en 2009. Mais depuis un an, ce projet de rénovation urbaine était au coeur d'un bras de fer entre le bâtisseur - concepteur du ministère des Finances à Bercy - et le maire de la ville, Stéphane Beaudet. Les juges ont tranché jeudi. Ils estiment que si l'immeuble décrié de M. Chemetov est "une oeuvre de l'esprit protégeable au titre du droit d'auteur" (..) sa démolition est "légitime et proportionnée au regard du droit moral de l'architecte", s'agissant d'"un immeuble à vocation utilitaire et non pas purement esthétique".
L'immeuble de Chemetov est "un verrou" qui enclave le quartier, "brise la perspective" et n'"assure plus des conditions de vie sereines à ses habitants" face à la hausse du trafic de drogue et des incivilités dans les parties communes, justifient encore les juges. En ces termes, le tribunal a suivi les arguments avancés par la CAECE, propriétaire des lieux, lors de l'audience du 26 avril devant la 3e chambre civile. Et a rejeté les propositions alternatives de l'architecte qui avait défendu une démolition seulement partielle pour éviter "le gâchis d'argent public".
Au cours de la procédure, le bâtisseur avait aussi dénoncé une volonté de "faire table rase du patrimoine du XXe siècle". Mais l'esthétisme et la fonctionnalité de cet imposant immeuble en L, dont les lourds piliers rappellent ceux de Bercy, sont sujets à divisions. Le ministre de la Ville, François Lamy, en visite récemment dans la commune, était allé jusqu'à admettre ne pas avoir été "ébloui" par la "qualité architecturale" de l'immeuble en L.
L'été dernier, plusieurs architectes de renom (Jean Nouvel, Dominique Perrault) s'étaient insurgés contre la destruction dans une pétition intitulée: "Faut-il démolir le patrimoine du XXe siècle?" A l'époque, le maire de Courcouronnes avait dénoncé un "corporatisme puant".