Du béton imprimé en 3D, une solution environnementale pour des chercheurs franciliens

Le CNRS et l’École des Ponts ParisTech s’associent au spécialiste français de l’impression 3D, XtreeE basé à Rungis dans le Val-de-Marne. Objectif : construire dans le respect de l'environnement et transformer le secteur du BTP.

À l’Ecole des Ponts Paris tech, au sein du laboratoire Navier, une tête d’impression 3D spécifique au béton fibré est développée par la star-up francilienne, XtreeE, pour concevoir des structures complexes. Victor De Bono, doctorant suit de très près l’élaboration de ce nouveau matériau qui pourrait transformer le secteur de la construction et l’accompagner dans une transition écologique.

Aujourd’hui, je cherche à démontrer qu’on peut construire avec un matériau innovant et plus vertueux pour l’environnement

Victor De Bono, doctorant en Génie-Civil

 

À la recherche de nouveau matériau

Réfléchi, comme une alternative au béton armé, qui est sujet aux microfissures, et demande une préparation laborieuse et chronophage, le béton fibré, contenant des fibres courtes, est une méthode qui semble bien établie, bien que son coût de production reste élevé et sa mise en œuvre laborieuse.

Les fibres utilisées sont de différentes natures. Des types de fibres, en carbone, polymère et verre. Le but étant de pouvoir concevoir des systèmes constructifs en structures imprimées renforcées, tels que des structures complexes, des pièces d’assemblage, des couvertures légères, des planchers et franchissements optimisés.

"Aujourd’hui, je cherche à démontrer qu’on peut construire avec un matériau innovant et plus vertueux pour l’environnement" explique Victor de Bono.

Sa thèse, débutée en septembre 2020, intitulée, "Etude du processus de renforcement par fibrage continu du matériau béton imprimé et des comportements mécaniques ainsi obtenus" œuvre à l’industrialisation du secteur de la construction.

Ces travaux de recherches se focalisent autour d’un nouveau type de matériau imprimé en 3D renforcé par des fibres longues, à la fois résistant, offrant une grande liberté de forme et plus respectueux de l’environnement.

Victor de Bono, parisien, âgé de 33 ans, navigue entre le RER C et Le RER A. Il partage son planning et ses recherches entre les locaux de Xtree, situé à Rungis, et ceux de la plateforme Build’in, implanté dans le laboratoire Navier sur le campus de Marne-La-Vallée. "Nous faisons nos tests aux deux endroits. Les tests d'industrialisation, à grandes échelles et d'impression de prototypes de systèmes constructifs sont faits chez XtreeE. Les tests de caractérisation des matériaux fibrés ou non sont faits au laboratoire Navier pour être au plus près de tous les équipements nécessaires", détaille-t-il.

 

Jean-François Caron, directeur de recherche au ministère de l’Environnement et de la Transition Ecologique, à l’Ecole des Ponts ParisTech et directeur de reherche au Laboratoire Navier, suit de très près les travaux de recherches, menés par son doctorant Victor De Bono qui a fait sa rentrée, plus tôt que les autres étudiants.

L’équipement d’un robot qui manipule un système d’impression bi-composant, est précieux pour ses recherches autour d’un nouveau matériau de bétons imprimés structurels.

"Nous avons souhaité travailler avec XtreeE, car ils viennent du même monde de recherches que le nôtre, et c’était plus simple, pour travailler plus vite, d’avoir des ingénieurs et des architectes comme interlocuteurs", reconnaît Jean-François Caron.

Avec son équipe pluridisciplinaire composée d’architectes, d’ingénieurs, de chercheurs en matériaux, XtreeE accueille régulièrement des stagiaires d’écoles d’ingénieurs et d’architecture. Dès sa création, XtreeE a multiplié les partenariats, avec des instituts de recherche et universités en France et dans le monde. La recherche ne cesse d’évoluer et les réflexions sont suivies de test dans leur entreprise Rungissoise.

"Leurs machines permettent de construire hors site toutes sortes d’éléments, comme des murs, des poteaux, du mobilier à grande échelle. Une révolution dans le monde de la construction et qui pourrait répondre aux attentes environnementales et sociales", avance Victor De Bono, heureux d’évoluer entre les deux sites.

Transformer le secteur de la construction 

Le but est de tenter de faire évoluer le monde de la construction qui est très en retard et plus du tout en phase avec les exigences et attentes environnementales, sociales et humaines

Romain Duballet, cofondateur et directeur général de XtreeE

L’impression 3D et les robots ont radicalement transformé la fabrication de béton, permettant d’incorporer un pourcentage beaucoup plus élevé de fibres que les bétons fibrés classiques.

"Le développement d’un tel matériau permettra de bâtir des structures plus résistantes à la traction, à l’usure et aux chocs, au feu ou encore à l’abrasion, tout en mettant à profit la plus grande liberté de formes et la diminution de la quantité de matière que permet l’impression 3D dans la conception d’ouvrages", explique Romain Duballet, cofondateur et directeur Général de XtreeE, directeur du Master Spécialisé Digital Building Design à l'Êcole des Ponts ParisTech.

Pourquoi cette réflexion autour d’un béton fibré intéresse les différents acteurs publics comme privés ? "Le but est de tenter de faire évoluer le monde de la construction qui est très en retard et plus du tout en phase avec les exigences et attentes environnementales, sociales et humaines", explique Romain Duballet.

Construire avec un matériau moins carboné, renforcé par des fibres pour réduire d’autres matériaux nocifs pour la santé des travailleurs du BTP actuellement, est un bénéfice rajoute-t-il. Beaucoup de champs se croisent à travers ces recherches, car les enjeux semblent multiples pour transformer le secteur. L’enjeu de la santé est à prendre en compte, comme celui du réchauffement climatique. "Aujourd’hui, le but est de trouver de nouveaux matériaux moins polluants, mais aussi de montrer que l’innovation permet d’entamer la transition écologique qui manque dans ce secteur de la construction", rappelle Victor Bono, doctorant en Génie-Civil.

Il faut industrialiser le monde de la construction qui est en retard et le transformer dans une démarche sociétale et environnementale. "La productivité dans la construction n’a pas augmenté depuis les années 60 et ses méthodes de construction n’ont pas été modifiées", alerte Jean-François Caron.

Un constat également partagé par l'Observatoire de la Construction Tech, qui estime que la productivité de la construction française "sous-performe" celle des autres secteurs d'activité. "Une contre-performance en partie liée à 'la structure du secteur (français) et à son mode de fonctionnement', la construction comptant nombre de petites entreprises et utilisant des méthodes difficiles à reproduire à l'échelle industrielle", explique l'étude.

À la conquête d’un marché à rebâtir

Pour leurs recherches, l’école d’ingénieurs a choisi de collaborer avec le spécialiste français de l’impression 3D hors site à grande échelle, basée à Rungis, dans le Val-de-Marne, XtreeE qui développe et déploie sa technologie à travers le monde.

La star-up est née en 2015 à la suite d’un projet de recherche avec l’école d’architecture de Paris Malaquais d'où est issu Romain Duballet.  Dès sa création, la jeune entreprise multiplie les partenariats, avec des instituts de recherche et universités en France et à l’international. La recherche ne cesse d’évoluer et les réflexions sont suivies de test dans leur entreprise Rungissoise.

Ils ont équipé le Laboratoire Navier, une unité mixte de recherche de l’Ecole Nationale des Ponts et Chaussées (ENPC), de l’Université Gustave Eiffel et du Centre National de la Recherche Scientifique (CNRS), située sur la cité Descartes de Marne-la-Vallée.

Au sein du laboratoire, Victor De Bono œuvre pour le projet Build’in, lauréat du projet Sésame Filière France 2030, qui accueille une plateforme de recherche expérimentale en construction numérique dédiée à l'invention de nouvelles manières de construire. Trois robots de grandes dimensions, dont celui qui manipule un système d’impression bi-composant, permettent aux chercheurs d’expérimenter des solutions pour moderniser et industrialiser le monde de la construction. XtreeE est co-financeur, comme la Région et l’Etat des recherches actuellement menées.

Jean-François Caron a monté le projet à la sortie du Covid en 2020 en répondant au plan de relance du gouvernement de 100 milliards d’euros qui s’articulait autour de trois priorités : l’écologie, la compétitivité et la cohésion.

Construire hors site : la bonne solution ?

Pour s'adapter aux évolutions démographiques, sociales et à la révolution numérique, qui nécessitent de construire plus vite, avec des matériaux moins carbonés, le secteur de la construction doit s'inspirer des méthodes utilisées dans l'industrie automobile

Jean-François Caron, directeur de recherche du ministère de l’Environnement et de la Transition Ecologique, à l’Ecole des Ponts ParisTech et directeur du Laboratoire Navier

L’objectif de ces essais est de préparer la mise en production de cette solution qui est prévue pour l’année 2024. "Pour s'adapter aux évolutions démographiques, sociales et à la révolution numérique, qui nécessitent de construire plus vite, avec des matériaux moins carbonés, le secteur de la construction doit s'inspirer des méthodes utilisées dans l'industrie automobile" conseille Jean-François Caron.  

La construction hors-site permettrait de réaliser 50% à 70% de gains de productivité par rapport aux chantiers classiques, grâce à la diminution des délais et à la réduction des risques de malfaçon d’après Capgemini.

Autre argument : le gain de temps. L’impression 3D permettrait de passer d’un chantier de deux semaines à seulement trois ou quatre jours.

Autre avantage, l’impression 3D nécessite moins de matériaux que les constructions classiques. Après avoir conçu une maison sur un ordinateur, l’imprimante 3D connaît la quantité exacte de matériaux nécessaires. Ce procédé diminue l’impact environnemental, car il ne produit que peu de déchets, contrairement aux déchets présents sur un chantier classique. De plus, cette technologie permet plus de créativité en autorisant des formes plus originales.

La réalisation en juin 2022, à Reims d’un programme de cinq maisons individuelles pour Plurial Novilia, démontre que la maîtrise de l’impression 3D, séduit déjà, les bailleurs sociaux engagés dans la transition écologique. Tout a été fait sur place à Rungis, et livré en convoi exceptionnel sur le chantier pour l’assemblage. L’impression en 3D hors site pourrait devenir le fer de lance de la modernisation, et donc de l’industrialisation du secteur de la construction sans totalement remplacer les méthodes traditionnelles.

La technologie laisse entrevoir de nombreux programmes de construction en impression 3D. Une course aux défis semble s'annoncer, comme ce projet pharaonique en Arabie Saoudite, The Line qui a l’ambition d’accueillir 9 millions d’habitants et complètement penser conçu en 3D par un logiciel d'architecture.

Dubaï a déjà annoncé que 25 % de ses bâtiments seraient imprimés en 3D d’ici 2030. XtreeE est dans la boucle et ne compte pas s’arrêter là, car les projets ne manquent pas. Grâce à sa technologie solide, protégée d’une dizaine de brevets internationaux, l’avant-gardiste français de l’impression hors site se déploie au niveau planétaire. Entourée de robustes partenaires, comme Vinci, le Groupe Saint-Gobain ou encore, Holcim, l’entreprise ouvre trois nouvelles usines en Suisse, au Japon et aux Etats-Unis, portant à 12 le nombre de ses sites. De quoi révolutionner le paysage de la construction et réduire l’impact carbone au niveau du réchauffement climatique.

"Nos machines robotisées, comme le numérique, ne sont pas des outils pour paupériser ou dégrader le monde de la construction, mais pour l’améliorer" explique Romain Duballet.

L’innovation au cœur de la transition écologique

La technologie d'impression 3D répond à des enjeux multiples rajoute Romain Duballet. L’innovation permet notamment des économies d’énergie, de matériaux et de déchets. "En construisant hors site, tous ces paramètres sont mieux contrôlés et c’est aussi la sécurité en ayant des chantiers plus propres et plus sûrs pour les ouvriers. Notre démarche est, avant tout, une démarche écologique et sociale", rappelle Romain Duballet.

L’intégration de nouvelles technologies, comme des robots, contribuera à améliorer la productivité des entreprises et à prévenir des accidents de travail. Par exemple, un robot peut être utilisé pour se rendre dans les zones plus dangereuses à la place des travailleurs. La robotique est là pour se déployer au service des hommes, encore une fois, pas pour les remplacer, insiste Jean-François Caron.

Le but étant d’accompagner la transformation de la filière construction par le numérique et d’inclure tous les partenaires de la construction.

Ces recherches et ce partenariat avec XtreeE semblent inspirer d’autres professionnels de l’environnement. L’Ademe vient de lancer un appel à projets, le CRHOS ( Développement de la Construction et de la Rénovation Hors Site). Son objectif est d’accompagner le développement de la construction et de la rénovation hors site en France, en finançant des projets d’industrialisation, d’usines de préfabrication, de Recherches et Développements, et de démonstrateurs.

Sollicitée pour donner son avis sur ces recherches entreprises par ce trio de chercheurs, l’Ademe n’ a pas souhaité répondre, à l’instar d’associations pour l’environnement.

 

 

 

 

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