Catastrophe ferroviaire de Brétigny-sur-Orge : les victimes, entre soulagement et amertume

Le jugement à peine rendu, certaines victimes de l'accident de Brétigny-sur-Orge envisagent déjà de faire appel. Regrettant que seule l'entreprise ferroviaire ait été condamnée, et que la responsabilité de SNCF Réseau ait été écartée. Un droit que se réserve également la SNCF.

C'était une condamnation qu'elles attendaient depuis 9 ans. Celle de la SNCF, déclarée responsable de la mort de leurs proches, des blessures physiques et psychiques de 428 personnes.

Ce mercredi au tribunal d'Evry, une quarantaine de parties civiles étaient présentes dans la salle d'audience à l'annonce du jugement dans la catastrophe de Brétigny-sur-Orge. Un jugement accueilli sans surprise et dans le silence. "Au sein de l'association de victimes, on avait envisagé plusieurs scénarios, et ce n’est pas celui que l’on espérait", reconnaît à la sortie Thierry Gomès, président de l'Association Entraide et Défense des Victimes de la Catastrophe de Brétigny. 

Car si la cour a reconnu la SNCF coupable par l’absence de suivi et de contrôle par les agents de voie, d’une fissure détectée en février 2008 dans le métal d'un des cœurs de traversée situé à 150 mètres en amont de la gare de Brétigny-sur-Orge ; si le tribunal a formellement écarté l’hypothèse d’un défaut du métal qui aurait pu, brutalement, provoquer le désassemblage des éclisses, et retenu la thèse d'une lente dégradation du cœur sur plusieurs mois, elle écarte toutefois la responsabilité des deux autres prévenus.

SNCF Réseau, ex-RFF, et le dirigeant du secteur ferroviaire de Brétigny-sur-Orge sont acquittés, provoquant l'amertume de nombreuses parties civiles. "Ce que l’on souhaitait a minima, c’est que la SNCF et RFF soient tous deux condamnés", regrette Jean-Luc Marissal, vice-président de l'association des victimes. "RFF n’est pas condamné, c’est dommageable. En tant que victimes, on ne peut pas le comprendre au vu des débats que nous avons eu pendant toutes les audiences. On ne pouvait pas les dissocier."

Une déception partagée par Thierry Gomès. Ses parents sont décédés dans l'accident, fauchés alors qu'ils attendaient leur train sur le quai de la gare de Brétigny-sur-Orge. "On l’a bien vu durant le procès qu'il y avait beaucoup de complémentarité entre les deux structures notamment dans les délégations qui avait été établies. Maintenant, il y a un code de procédure. Nous allons prendre le temps de voir la meilleure stratégie pour le bien des victimes."

"L'incurie" de la SNCF

L'avocat de l'association, Gérard Chemla, se satisfait toutefois des mots prononcés par la présidente du tribunal dans son jugement. Des mots forts à l'encontre de la SNCF, sonnant comme un réquisitoire. "Elle a expliqué qu’on était dans un système d'incurie en terme de gestion de la maintenance, et que la traçabilité insuffisante n’était pas un problème matériel ni administratif mais ne visait qu’à cacher l’insuffisance des contrôleurs. Cela a été exprimé de façon très dure. Je pense qu’elle aurait pu être encore plus dure. J’aurais aimé qu'elle évoque notamment les mensonges de la SNCF." 

Pour Lauriane Welter, les yeux rougis à la sortie de l'audience, pas de soulagement non plus. Le 12 juillet 2013, la jeune-femme voyageait dans le train Corail Intercités n°3657 Paris-Limoges. Elle se trouvait dans le wagon 4, celui qui a déraillé en premier, avec sa petite nièce âgée de cinq ans. Elle n'a pas été blessée physiquement mais reste traumatisée par l'accident.

Il n’y a rien qui sera à la hauteur de ce que j’ai vécu et de ce que ce jour-là m’a pris. Pour ma part, il y a des choses qui sont irréversibles. Et ça, on ne pourra jamais le quantifier.

Lauriane Welter, victime

La jeune-femme se dit cependant soulagée que la responsabilité de la SNCF soit "enfin officialisée". "Ce qui était très important pour moi, c’est qu’il y ait des  condamnations. Et c’est le cas."

Nathalie Montez, elle, n'est plus jamais remontée dans un train. "On espère que ça servira d’exemple, et qu’il y aura des mesures pour protéger les gens qui prennent le train (...) Ca a été reconnu par le tribunal qu’il y avait eu négligence, qu'il n’y avait pas eu de transparence au niveau de l'entretien. Il y a des millions et des millions de personnes à prendre le train. Il faut absolument qu’ils soient en sécurité sans penser aux catastrophes possibles. On espère aussi vraiment que c’est un chapitre qui va se clore, qu’il n’y aura pas d’appel de la SNCF." 

Une possibilité que se réserve la SNCF. L'entreprise a fustigé par la voix de son avocat Emmanuel Marsigny le jugement rendu par le tribunal d'Evry : une condamnation pour homicides involontaires en récidives et blessures involontaires avec une amende de 300 000 euros et la confiscation de certains scellés. "Aucune vérité scientifique ne se dégage de ce jugement. Le tribunal, dans cet accident causé par le retournement d’une éclipse, un événement unique dans l’histoire ferroviaire française, imprévisible, transforme une hypothèse en vérité judiciaire. Vous comprendrez qu’en regard de la problématique et des enjeux de ce procès, la question se pose de savoir s’il est possible, d'accepter qu’une hypothèse soit jugée crédible par rapport à une autre."

Les différentes parties ont dix jours pour faire appel. 

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