Catastrophe ferroviaire de Brétigny-sur-Orge : la SNCF condamnée pour homicides involontaires

L'accident avait fait sept morts, 70 blessés physiques et 220 blessés psychiques. Jugée coupable d'homicides et de blessures involontaires, la SNCF vient d'être condamnée à 300 000 euros d'amende. SNCF Réseau et un ancien cheminot ont, en revanche, été relaxés.

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Neuf ans après le déraillement d'un train en gare de Brétigny-sur-Orge, le tribunal d'Evry a rendu son jugement ce matin en présence d'une quarantaine de parties civiles. En suivant les réquisitions du parquet.

La SNCF a été jugée coupable d'homicides et de blessures involontaires. La cour estimant que la dégradation progressive de l'éclisse, élément d’aiguillage à l'origine de l'accident, détectée depuis 2008, était liée à une désorganisation, une succession de négligences, une carence de contrôles et de suivi, "une défaillance fatale". "Cette négligence du suivi du cœur est en lien certain avec le déraillement", a déclaré la présidente du tribunal. Si la SNCF avait correctement réalisé ces visites de contrôle, elle aurait "constaté l'état avarié" du cœur "et procédé à son changement". SNCF Réseau (ex- RFF) et l'ancien cheminot, Laurent Waton qui avait effectué la dernière tournée de surveillance huit jours avant le drame, ont en revanche été relaxés.

"La SNCF est condamnée, c’est un soulagement"

Une décision saluée par Maitre Alexandre Varaut, avocat d’une vingtaine de parties civiles. " Ce que le tribunal dit ce matin dans son jugement, c’est que l’accident n’aurait pas dû avoir lieu. Il était évitable. Il est la conséquence, non pas de la fatalité, mais d’une accumulation d’erreurs de surveillance. Il stigmatise des contrôles opaques, insuffisants. Il évoque des documents probablement falsifiés. C’est un jugement sévère. Nous sommes passés de la responsabilité morale qu'évoquait le président de la SNCF à une responsabilité pénale. La SNCF est condamnée, c’est un soulagement pour toutes les victimes que je représente et pour qui c'est l’aboutissement d’un chemin de plusieurs années."

Un peu plus tôt dans la matinée, Jean-Luc Marissal, le vice-président de l’association d’entraide et de défense des victimes de la catastrophe de Brétigny espérait toutefois la condamnation de RFF (SNCF Réseau). "Par rapport à tout ce qu’on a entendu pendant le procès, il n'est pas entendable que l’on puisse dissocier les responsabilités de la SNCF et de RFF. Ils travaillaient ensemble, ils avaient des réunions d’instance ensemble. Cet accident grave qui s'est produit, c'est la conséquence des deux parties, pas simplement de la SNCF."

Une des pires catastrophes ferroviaires depuis 25 ans 

Ce vendredi 12 juillet 2013, à 17h10, alors que le train Corail n°3657 à destination de Limoges traverse la gare de Brétigny-sur-Orge à 137 km/h, une éclisse en acier, sorte de grosse agrafe de 30 cm de longs joignant deux rails, se détache, pivote pour se coincer dans l’aiguillage. Le cheminot décide alors d’actionner le système de freinage d’urgence et les signaux d’alerte. Mais il est trop tard. A l’arrière, les trois derniers wagons se sont désolidarisés. Les voitures 4 et 5 se sont couchées et continuent de glisser sur près de 200 mètres dans un vacarme assourdissant de métal et de vitres pulvérisées. La voiture 6, elle, balaye tout sur son passage, fauchant les voyageurs qui attendent sur le quai. Il faudra de longues heures aux 300 pompiers pour désenclaver les victimes.

Dans cet accident, l’une des pires catastrophes ferroviaires que la France a connu depuis 25 ans, sept personnes âgées de 19 à 82 ans trouvent la mort. 70 autres dont des enfants sont blessées. 220 voyageurs sont pris en charge en état de choc.

Une enquête de sept années s'en est suivie pour étudier les causes de l'accident, et finalement aboutir à un procès pour blessures involontaires et homicides involontaires.

Pendant huit semaines, du 25 avril au 17 juin, le tribunal a tenté d'éclaircir les responsabilités éventuelles de la SNCF (poursuivie comme héritière pénale de SNCF Infra, chargée de la maintenance au moment de l'accident), de SNCF Réseau (ex-Réseau Ferré de France, gestionnaire des voies) et d'un ancien cheminot, Laurent Waton, jeune directeur de proximité qui avait réalisé la dernière tournée de surveillance.

Cinq semaines ont été consacrées aux débats techniques. Le tribunal a également longuement entendu les témoignages brisés de nombreuses parties civiles. Comme celui de Stephen C., qui a décrit en larmes "la recherche interminable" de son petit frère Vincent, fauché sur le quai de la gare. S'en sont suivies "les années les plus éprouvantes de (sa) vie", à devoir mettre de côté son deuil pour "gérer" ses parents effondrés, avant de lui-même "craquer".

 

Peine maximale demandée contre la SNCF

 

A l'issue des débats, le procureur avait demandé de condamner la SNCF à la peine d'amende maximale.

Avec cette catastrophe, en banlieue parisienne, "c'est toute une conception du service public qui s'est effondrée", avait déploré en juin dernier le procureur, fustigeant "une entreprise dans le déni", qui n'assume pas d'avoir "banalisé l'urgence" au détriment de la sécurité des usagers. Lui reprochant une "attitude défaillante", le ministère public l'a accusé "d'avoir bâclé et de ne pas avoir voulu passer de temps sur les opérations de maintenance". Pour le procureur, la SNCF aurait dû, par exemple, anticiper un changement de l'appareil de voie mis en cause, réduire la vitesse maximale de circulation des trains. Retenant douze fautes, le parquet avait requis une amende de 450 000 euros à son encontre.

En revanche, le parquet avait demandé la relaxe pour l'ancien cadre cheminot et pour le gestionnaire SNCF Réseau (ex-RFF), estimant que les fautes qui leur sont reprochées n'étaient pas caractérisées.

Les trois prévenus avaient demandé de leur côté leur relaxe, en adressant plusieurs fois leurs pensées aux victimes. La SNCF s'était notamment défendue en décortiquant les causes du pivotement de l'éclisse à l'origine de la catastrophe, soutenant que le désassemblage avait été soudain, provoqué par un défaut de l'acier. Et donc imprévisible. L'accusation y avait vu au contraire un processus lent de dégradation et avait reproché à la SNCF d'avoir "créé le contexte à l'origine de l'accident".

Condamnée ce mercredi pour homicides et blessures involontaires à une amende de 300 000 euros, une peine plus lourde que les 225 000 encourus, du fait de l'état de récidive légale de l'entreprise en matière d'homicides involontaires, a expliqué la présidente du tribunal, précisant que la SNCF avait réalisé un chiffre d'affaires de 34,8 milliards d'euros en 2021, la SNCF a désormais 10 jours pour faire appel. 

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