Dans la forêt départementale des Grands Avaux (Essonne), nichée dans le Parc Naturel Régional du Gâtinais, se trouve le Rocher du Duc. Un important abri dans le grès qui recèle des gravures datant de la Préhistoire. Un art rupestre aujourd'hui en danger.

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Des petits quadrillages comme des jeux de morpions qui se répètent inlassablement. Au Rocher du Duc, dans l'un des 2 500 abris gravés du sud de l'Île-de-France, des dizaines de gravures datant du Mésolithique sont inscrites dans le grès.

Dans les cavités de ces chaos rocheux, des sillons de taille variable, gravés au silex. "Il s'agit sûrement d'un rituel. Ces motifs géométriques sont très répétitifs. Ils n'avaient aucune vocation pratique et devaient être faits par toute sorte de personnes", souligne Boris Valentin, archéologue.

Un art rupestre qui renferme aujourd'hui encore des mystères. "Il est impossible de dater les gravures. Nous pourrions seulement établir une datation à partir des dépôts qui sont présents dessus. Ce qui nous permettrait de formuler des hypothèses, et de dire que les gravures sont antérieures à la date du dépôt", poursuit Boris Valentin. "Nous fonctionnons par recoupement, et nous savons qu'au 8e millénaire avant J.-C., des gens ont habité et fréquenté ces petites grottes du bassin francilien", indique l'archéologue.

Très fragiles, ces figures abstraites sont la trace des derniers chasseurs-cueilleurs du temps du Mésolithique, soit une période allant de 9 500 à 5 500 avant J.-C. Mais depuis plusieurs années, ces témoignages du passé sont menacés. Ils connaissent de nombreuses altérations, victimes notamment du vandalisme.

Une forêt plus fréquentée et dégradée

"Au Rocher du Duc, il y a des souillures irréversibles, comme des traces de peinture. De la prévention aurait sûrement permis d'éviter cela", constate Boris Valentin qui est également professeur d'archéologie à Paris 1 Panthéon-Sorbonne et responsable scientifique du programme collectif de recherches sur les abris ornés, lancé en 2017.

D'autres dégradations sont également constatées. Ces chaos, très prisés des grimpeurs, voient leurs gravures s'effacer à force d'être utilisé comme prises d'escalade. Quand il n'est pas imité par des pasticheurs.

"Il y a du sable dans les rainures, ce n'est pas normal. Cela signifie que des gens sont venus toucher les gravures qui s'effritent", constate sur le terrain Sylvain Lenoble, le trésorier du GERSAR (Groupe d'études, de recherches et de sauvegarde de l'art rupestre). Avant de poursuivre : "Je pense qu'il y a des gens qui dégradent, sans savoir qu'il s'agit de gravures préhistoriques. Mais beaucoup de gens savent aussi qu'ils abîment les lieux quand ils inscrivent leur nom par exemple".

Des actes de vandalisme constatés depuis plusieurs années. "Ces dégradations datent d'avant même la création du Parc Naturel Régional du Gâtinais en 1999", confie le président et fondateur du parc Jean-Jacques Boussaingault. "Certains sont classés monument historique, ce qui n'empêche pas les gens de les abîmer", poursuit-il.

Depuis trois ans, le phénomène s'accentue. Ce qui s'explique notamment par la hausse des fréquentations en forêt départementale depuis la fin de l'épidémie de Covid. Selon l'Office national des forêts (ONF), 100 millions de visites ont lieu dans les forêts franciliennes chaque année.

Bientôt une nouvelle signalétique

Pour sauvegarder cet art rupestre, plusieurs acteurs locaux ont décidé de se réunir pour réfléchir à une meilleure préservation des lieux. Un projet coordonné et piloté par la DRAC et intitulé "Dans les pas des derniers chasseurs-cueilleurs d'Île-de-France".

En ce début d'année scolaire, les différents participants se sont donné rendez-vous directement sur place, au Rocher du Duc. Après avoir un temps pensé à installer une grille pour empêcher l'accès à l'intérieur de l'abri, ils se sont finalement mis d'accord et ont opté pour l'installation d'un panneau préventif qui contiendra des informations scientifiques et historiques mais également des recommandations à destination des usagers. Il devrait être mis en place dans les prochains mois. 

"Nous avons une force de frappe pour réaliser des aménagements sur cet abri de belle qualité. Il faut que nous trouvions le moyen de rendre ce panneau pédagogique, informatif et réglementaire", prévient Matthieu Daudé, le référent de l'équipe des gardes-animateurs au conservatoire départemental des Espaces naturels et sensibles de l'Essonne.

"Le panneau va inciter les gens à ne pas rentrer dans l'abri, ou à y rentrer sans commettre de dégâts. L'ambition est de transmettre la bonne parole. Dans la plupart des cas, nous constatons que lorsque le public est averti, il fait attention par la suite", se réjouit Boris Valentin.

Pour l'archéologue, il faut pouvoir préserver et valoriser ce patrimoine. Deux enjeux loin d'être incompatibles grâce à la création il y a quelques mois d'une visite virtuelle du Rocher du Duc, disponible gratuitement sur le site du Parc Naturel Régional du Gâtinais et financée par la région Île-de-France.

De nouveaux "gardiens symboliques"

Pour sensibiliser à la préservation du patrimoine, de nombreuses visites sont organisées avec les scolaires. Entre 2020 et 2022, 2500 enfants ont participé à des activités de médiation. "Soit presque un enfant par abri !", se réjouit Boris Valentin. "En s'adressant aux plus jeunes, nous voulons leur faire prendre conscience de l'importance de ce patrimoine, pour faire de chacun d'eux des gardiens symboliques des abris ornés".

"La sensibilisation doit être faite à longueur d'année. C'est pourquoi nous menons des actions dans les écoles, mais aussi via des expositions avec la création d'une maquette 3D que nous mettons à disposition des communes pour sensibiliser le public local. Ou encore avec la mise en place d'un sentier pédagogique sur l'art rupestre", détaille le président du parc Jean-Jacques Boussaingault. Découverts entre le XIXe et la fin du XXe siècle, ces abris gravés attirent aujourd'hui les archéologues venus du monde entier.

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