Telle une fenêtre sur la capitale, "la Grande Arche" trône au milieu des gratte-ciels du quartier d’affaires de Paris depuis maintenant trente ans. La Malédiction de la Grande Arche de Jean-Marie Montangerand retrace l’histoire d’un monument qui a subi tout ce qui peut caractériser la vie politique française : affrontements et revirements politiques persistants.

Monument indissociable de l'axe historique de Paris, peut-on imaginer la Défense sans son arche ? Le CNIT de Bernard Zehrfuss – connu pour plusieurs bâtiments industriels et des ambassades – ou encore les tours Majunga et Cœur Défense de Jean-Paul Viguier, figurent parmi les nombreux édifices du quartier d’affaires réalisés par des cabinets d’architectes reconnus. 

Mais au beau milieu de ceux-ci, un illustre inconnu y signera son unique chef d'œuvre : "la Grande Arche". Aujourd’hui, le célèbre monument qui parachève l’axe historique – ancienne voie royale – est devenu l’un des symboles emblématiques de la capitale. Inaugurée un 14 juillet et la même année que la chute du mur de Berlin, "la Grande Arche" détonne, tout comme son initiateur, le Danois Johan Otto von Spreckelsen.

Comme il n’y avait pas de cube dans Paris, j’ai décidé d’en proposer un.

Johan Otto von Spreckelsen

architecte danois dans "La Malédiction de la Grande Arche" sur France 3

François Mitterrand fait le pari de l'inconnu

"La tour Eiffel, le centre Georges Pompidou, l’Arc de Triomphe… Ce qui est drôle avec ces bâtiments, c’est qu’ils n’ont aucun rapport avec Paris". Spreckelsen, alors surnommé "Spreck", assume sa volonté d’un monument résolument atypique afin qu’il dénote parmi d’autres bien connus. "Comme il n’y avait pas de cube dans Paris, j’ai décidé d’en proposer un", indique l’architecte.

Le 7 juillet 1982, un concours international d'architecture pour la construction d’un "geste architectural" est lancé par le gouvernement Pierre Mauroy. L’ambition : couronner la perspective de l’axe historique à la "Tête Défense", l’extrémité nord du quartier d’affaires. Le jury est composé de grands noms de l'architecture mondiale, l'Américain Richard Meier ou encore Richard Rogers qui a conçu le centre Pompidou.

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L'inconnu danois Spreckelsen remporte le concours international d'architecture pour la construction de la Tête Défense. ©France 3 Paris Île-de-France / Kuiv Productions

Quatre projets, dont l’arche de Spreckelsen – le projet n°640 – sont sélectionnés par le jury du concours le 24 avril 1983, parmi 400 projets anonymes du monde entier.

Or, le règlement du concours stipule que le président de la République aura le dernier mot parmi ces quatre projets lauréats. "Pour d’autres que des Français, c’est particulièrement stupéfiant", explique Laurence Cossé, écrivaine et auteure du livre La Grande Arche

Pour d’autres que des Français, c’est particulièrement stupéfiant. [...] On leur répond qu’ici, c’est une monarchie.

Laurence Cossé

auteure du livre "La Grande Arche", dans la "La Malédiction de la Grande Arche" sur France 3

Si les architectes étrangers, qui désirent "faire le travail jusqu’au bout", n’en reviennent pas, ils obtiennent tout de même un classement, en deux groupes de deux. Néanmoins, c’est bien le président de la République François Mitterrand qui décidera quel sera le projet lauréat. "On leur répond qu’ici, c’est une monarchie."

L’autre lauréat jouissant des faveurs du jury… mais pas de l’Élysée

"Les deux projets lauréats ont deux réceptions complètement différentes. C’est le lièvre et la tortue", juge Loïse Lenne, architecte et enseignante-chercheuse à l’École nationale supérieure d’architecture de Bretagne.

Elle identifie comme étant "le lièvre", le projet n°210 de deux architectes français déjà bien connus : Jean-Paul Viguier et Jean-François Jodry. "Dès le début, il reçoit presque l’unanimité des votes des membres du jury. On a un projet qui est très dessiné, avec des perspectives en couleur, énumère Loïse Lenne. On sent une grande maîtrise et une habitude de travailler des grands projets"

Dès le début, [le projet de Viguier et Jodry, ndlr] reçoit presque l’unanimité des votes des membres du jury.

Loïse Lenne

architecte et enseignante-chercheuse dans "La Malédiction de la Grande Arche" sur France 3

Quant à lui, le projet n°640 de Johan Otto von Spreckelsen n’attire pas les foules avec quatre votes pour. "Je pense que cela était lié à la qualité des planches qui sont présentées. [...] On a de ce côté des dessins très poétiques, évanescents", décrit Loïse Lenne. Des plans qui séduisent l’Élysée.

Bien qu'il n'ait ni d'associé, ni d'agence, le projet de l'architecte danois obtient les faveurs du président de la République François Mitterrand le 25 mai 1983. "Mais le jury sait que c'est quelqu'un qui n'a jamais construit à cette échelle là", ajoute-t-elle.

→ Le documentaire La Malédiction de la Grande Arche, réalisé par Jean-Marie Montangerand et produit par Blanche Tivolle, est diffusé dans la case La France en Vrai ce jeudi 14 décembre sur France 3 Paris Île-de-France et sur la plateforme france.tv/idf.

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