La passerelle flambant neuve reliant l'île Seguin à la future gare Pont-de-Sèvres à Boulogne-Billancourt est prête à être mise en service selon la Société du Grand Paris. Les riverains eux ne l'entendent pas de la même oreille. Ils dénoncent des "défauts de conception". Le torchon brûle.
"La passerelle est aujourd’hui achevée, mais le recours déposé par des riverains en 2019 contre le permis de la gare du Pont de Sèvres, qui inclut la passerelle, empêche temporairement son ouverture", indique la Société du Grand Paris (SGP), interrogée par France 3 Paris Île-de-France. En face, l'association pour le cadre de vie des riverains du Pont-de-Sèvres (ACVPS) refuse d'être considérée comme étant la source du conflit. "Ils disent que cette passerelle ne peut pas être ouverte à cause de nous, mais elle est toujours en travaux", affirme son président David Alloyeau qui vit dans la résidence Le Trident, juste en face de la fameuse passerelle.
"La passerelle est aujourd’hui achevée, mais le recours déposé par des riverains en 2019 [...] empêche temporairement son ouverture"
Société du Grand Parisinterrogée par France 3
L'association pour le cadre de vie des riverains du Pont-de-Sèvres (ACVPS), composée essentiellement des copropriétaires de la résidence Le Trident, s'oppose depuis plusieurs années à la Société du Grand Paris (SGP) sur l'emplacement de la future gare du Pont-de-Sèvres du Grand Paris Express à Boulogne-Billancourt. "Nous subissons depuis 2015 les poussières, les camions et toutes les nuisances sonores des travaux 24h sur 24". En 2016, les habitants de la résidence Le Trident soulignaient déjà "des travaux incessants depuis quinze ans" dans leur quartier, lors de la contestation d'un projet de téléphérique cette fois-ci, devant leur résidence.
Des "défauts de coulage" sur la passerelle selon les riverains
Or, si la gare a été le principal sujet de discorde, l'apparition en août 2021 d'une passerelle – de 108 mètres de long enjambant la Seine – face à leur résidence est désormais le sujet de toutes les crispations. "Imaginez quand les gens seront éméchés la nuit en rentrant de l'île Seguin, vocifère le président de l'association des riverains. On va se taper des canettes de boissons dans nos jardins. Cela va être la folie".
En revanche, pour l'association pour le cadre de vie des riverains du Pont-de-Sèvres, "il y aurait eu des défauts de coulage au niveau des pieux de la partie de la passerelle qui se trouve au niveau des quais", affirme David Alloyeau. "À la suite d'un test de charge effectué en fin d'année 2022, des soucis de construction auraient été constatés sur cette passerelle", affirme-t-il avant d'ajouter : "mais je m'en remets aux personnes qui ont fait ces tests de sécurité pour nous assurer que cette passerelle n'a pas de défauts de construction et que tout est opérationnel pour pouvoir supporter une charge de plusieurs personnes qui vont sortir en même temps de la Seine musicale par exemple".
En 2019, un recours contre le permis de construire de la gare du Pont-de-Sèvres avait ainsi été déposé auprès du tribunal administratif de Cergy-Pontoise. Le tribunal administratif jugeait alors en octobre dernier que le permis de construire pour la construction de la future gare du Pont-de-Sèvres à Boulogne-Billancourt "méconnaissait les dispositions du plan de prévention des risques d’inondation de la Seine", rapportait ainsi Actu Hauts-de-Seine. Depuis, la passerelle trône au-dessus de la Seine, sans que les usagers de l'Île Seguin ne puissent l'emprunter.
"Les travaux de la gare, eux, se poursuivent, et le génie civil va s’achever fin août pour rentrer dans la phase d’aménagement et d’équipement de la gare"
Société du Grand Parisinterrogée par France 3
Le tribunal administratif avait ainsi accordé à la Société du Grand Paris (SGP) un sursis à statuer d'une durée d'un an. Une régularisation doit ainsi être effectuée avant mi-octobre prochain. "Nous sommes toujours dans ce cadre-là et nous ne commentons pas la procédure, a ajouté la Société du Grand Paris (SGP). Les travaux de la gare, eux, se poursuivent, et le génie civil va s’achever fin août pour rentrer dans la phase d’aménagement et d’équipement de la gare".
"Nous sommes toujours dans ce cadre-là et nous ne commentons pas la procédure"
Société du Grand Parisinterrogée par France 3
Pour le maire (LR) de Boulogne-Billancourt Pierre-Christophe Baguet, le recours n'a que peu de chances d'aboutir. "Ils ont à chaque fois été déboutés. Tout le monde est enthousiaste par rapport à cette gare. Sauf eux, qui de toute façon attaquent tout ce qui bouge !", clame-t-il, interrogé par nos confrères du Parisien.
"Notre résidence s'est affaissée, ce n'est pas rien"
Au-delà de l'impact visuel de cette passerelle sur leurs logements, les résidents s'inquiètent des conséquences des travaux sur leur immeuble. "Notre résidence s'est affaissée, ce n'est pas rien. Des fissures ont été constatées. À terme, ce sont des vies que l'État détruit", clame David Alloyeau. Pour l'heure, si les copropriétaires sont en train de chiffrer les dégradations "déjà de l'ordre de plusieurs millions d'euros", l'État "doit prendre ses responsabilités".
"Des fissures ont été constatées. À terme, ce sont des vies que l'État détruit"
David Alloyeauprésident de l'association pour le cadre de vie des riverains du Pont-de-Sèvres (ACVPS)
"En 2015, quand on a présenté le projet de la gare du Pont-de-Sèvres, la passerelle vers l'île Seguin n'existait pas, assure David Alloyeau. Elle est arrivée en catimini à partir de 2016-2017". L'association pour le cadre de vie des riverains du Pont-de-Sèvres (ACVPS) assure avoir proposé plusieurs projets alternatifs dès la présentation du projet, dont "de déplacer la gare de 500 mètres". "Cette gare, ils auraient très bien pu la mettre sur le centre de l'île Seguin, note David Alloyeau. Imaginez ceux qui mettront plus de vingt minutes pour aller du métro jusqu'à l'île Seguin".
"En 2015, quand on a présenté le projet de la gare du Pont-de-Sèvres, la passerelle vers l'île Seguin n'existait pas"
David Alloyeauprésident de l'association pour le cadre de vie des riverains du Pont-de-Sèvres (ACVPS)
Un projet "à 90% dans le sens" de la SGP
Lors de la présentation du projet d'une passerelle, l'association avait notamment soulevé "les difficultés pour un permis de construire en ce sens où cette passerelle n'avait pas eu d'autorisation et ne faisait pas partie de l'étude d'impact initiale du projet". Pour David Alloyeau, la Société du Grand Paris a "joué avec le feu" en ajoutant cette passerelle au projet de la gare du Pont-de-Sèvres. Il assure malgré tout ne pas vouloir constamment "bloquer tous les projets" mais déplore un manque de concertation de la part de la SGP. "Ce projet a quand même été à plus 90% dans le sens de la Société du Grand Paris, constate-t-il. Nous avons simplement subi".
"Ce projet a quand même été à plus 90% dans le sens du Grand Paris, constate-t-il. Nous avons simplement subi"
David Alloyeauprésident de l'association pour le cadre de vie des riverains du Pont-de-Sèvres (ACVPS)
L'ACVPS estime qu'une issue – notamment pour une indemnisation des résidents – peut encore être trouvée "dans la concertation et le dialogue" mais pas dans un échange "tous les six mois". "Cette gare sera ouverte, il n'y a pas d'inquiétude là-dessus. Nous n'avons par contre pas connaissance des dégradations futures qui interviendront à la mise en service de cette gare", s'inquiète-t-il, notamment des futures vibrations liées au passage du métro.