REPORTAGE. "J'ai dû refuser 25 familles", aux Restos du Cœur, l'émoi des bénévoles

Les Restos du Coeur de Bagneux dans les Hauts de Seine ont rouvert à l'occasion de la nouvelle campagne d'hiver. En manque de fonds, l'association se résigne à refuser des familles et distribue moins de repas. Et pourtant pour les bénéficiaires, les Restos du Coeur restent indispensables.

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"Ils m'ont sauvée !" Laurence, 56 ans, se remémore cette journée il y a deux ans, ce rendez-vous au Restos du Cœur de Bagneux "avec une infirmière qui passe de temps en temps". "Grâce à elle, j'ai fait un test et j'ai appris que j'avais du diabète ( ...) j'ai été voir le médecin, j’ai un traitement et quelque part, ça m'a sauvé la vie".

Ce mardi matin, Laurence attend tranquillement à l'entrée du petit centre caritatif de Bagneux, son caddy à portée de main. Aujourd’hui, les Restos du Cœur reprennent leur distribution alimentaire mais c'est aussi pour beaucoup de familles, encore le moment de s'inscrire aux Restos.

Pour la troisième année consécutive, Laurence, ex-employée de mairie compte sur l'association pour assurer, dit-elle, "les fins de mois". "J'ai un demi-salaire et une petite prime d’activité, soit environ 800 euros, mon loyer est à 700 donc il me reste 100. J'ai ma prime d'activité qui passe dans les mutuelles et les fins de mois sont dures", conclut Laurence qui espère obtenir prochainement un reclassement professionnel dans le secteur où elle travaillait auparavant.

Patricia - un prénom d'emprunt - a une fille de 11 ans et elle aussi attend son tour. "Avec l'inflation, sans les restos du Cœur, je ne saurai pas faire ( .. ) je n'ai plus rien au milieu du mois ". Patricia comme Bernard, âgé d'un peu de trente ans, se sont mis au chaud à l'intérieur du centre caritatif. Ce matin, ils sont venus pour la première fois aux Restos. Une absolue nécessité pour Bernard. "Je n'ai pas du tout de revenu, j’ai cherché du travail et je n'en ai pas trouvé et je viens ici pour manger", glisse-t-il dans un filet de voix.

L'inquiétude des bénévoles

L'an dernier, les Restos du Cœur de Bagneux ont inscrit dans la liste de leurs bénéficiaires 450 familles avec ou sans enfants. Au bilan de cette première journée de reprise, il devrait y en avoir autant cette année, "mais c'est encore un peu trop tôt pour le dire", estime prudemment Tassadite, une bénévole qui s'engage pour les Restos depuis maintenant sept ans.

"Le mardi, on reçoit les petites familles et le vendredi, les familles de six à sept personnes", raconte-t-elle. Pour la distribution alimentaire le mardi, "on accueille plus de 100 personnes" en trois heures, calcule-t-elle. L'association ouvre ses locaux le jeudi soir pour les étudiants "de plus en plus nombreux", constate-t-elle.

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"J'ai déjà refusé 25 familles"

Éric Dangotte, le responsable du centre où se relaient 45 bénévoles fait bonne figure, "toujours de bonne humeur" selon ses collègues. Mais le responsable de ce centre est en vérité préoccupé. Comment va se dérouler cette nouvelle campagne d'hiver qui vient tout juste de commencer et qui va durer seize semaines ? "Du côté des dons, c'est tout juste suffisant", confie-t-il. Cette année, en raison des problèmes financiers que subissent les Restos du Cœur, de nouveaux critères d'admission et de dotations ont été instaurés. Et Eric Dangotte est obligé à contrecœur de faire observer ces nouvelles règles.

"Les gens retirent moins de repas, par exemple, une personne seule emmenait neuf repas auparavant et maintenant à partir de cette campagne, elle n'emmènera que sept repas pour la semaine", déplore-t-il. "Pour une famille avec deux enfants qui ont plus de trois ans, ils emmenaient 18 repas, ils en emmèneront plus que 12 pour une semaine", ajoute-t-il.

Et surtout, l'association se voit obligé de refuser des familles. Le logiciel utilisé par l'association qui permet de savoir si famille est éligible ou non à l'aide alimentaire est intraitable. Globalement, les familles "qui ont des revenus au-dessus du RSA sont automatiquement refusées".

"J'ai déjà dû refuser 25 familles depuis le 15 octobre", regrette ce responsable. "Ça fait du mal aux bénévoles et ça fait du mal aux bénéficiaires ( .. ) c'est pour moi, une évolution contraire à ce que voulait Coluche", souffle Eric Dangotte.

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