INTERVIEW. Le Guide du Routard fête ses 50 ans. Rencontre avec Philippe Gloaguen, son cofondateur

À l'occasion de ses 50 ans, Le Guide du Routard propose une édition spéciale, un tour du monde des 50 plus beaux voyages à faire dans sa vie. Entretien avec son cofondateur Philippe Gloaguen qui raconte le succès de cette aventure qui dure depuis un demi-siècle.

Ce guide de 360 pages des 50 ans du Routard présente les plus beaux voyages en Europe et dans le monde, à faire absolument dans une vie. Tout est classé par continent et pays, c’est un vrai tour du monde.

Ce livre est une compilation de vos plus beaux voyages ?

Philippe Gloaguen : Effectivement, c’est un best-of des 160 guides que nous publions chaque année. Pour les 50 du Guide du Routard, nous avons publié un gros livre qui s’appelle les 50 voyages à faire dans sa vie. C’est une sélection des plus belles destinations dans le monde, choisies par l’ensemble de la rédaction du Guide du Routard : comme découvrir les merveilles d’Islande, aller au bout du monde en Patagonie, ou encore plonger au cœur des temples d’Angkor, sillonner les parcs nationaux de l'Ouest américain, ou rester en Europe, et partir à la recherche des légendes écossaises ou de quelques îles secrètes en Grèce…

Chacune des 50 destinations est accompagnée d'informations essentielles et d'un carnet de route, qui sont les fondamentaux du Guide. Nous dévoilons de petites, voire des microrégions. Des endroits un petit peu perdus, méconnus, en Amérique du Sud, en Colombie et ailleurs, mais à chaque fois, ce sont des coups de cœur que nous avons gardés et que nous avions envie de publier.

C’est, aussi, un livre à la fois de textes et de splendides photos sur nos destinations de cœur, qui sont les chouchous de la rédaction du Guide du Routard.

Quelles sont vos 50 destinations favorites et quelle est votre préférée ?


Philippe Gloaguen : Moi, j'ai fait effectivement ces 50 destinations et, pour ce qui est de mon chouchou, j'ai eu une destination que j’aime beaucoup, c’est la vallée de Peristrema, en Cappadoce au cœur de la Turquie, parce que c’est une destination qui est authentique. Vous avez plein de petits chemins qui vont faire découvrir les églises rupestres cachées dans la montagne avec des fresques magnifiques à l’époque où les chrétiens se cachaient des invasions musulmanes. Ces églises existent toujours et restent des lieux de découvertes exceptionnelles.

Petite précision, tout de même, à mes yeux, le plus beau des voyages, c’est celui qu’on fait avec l’être qu’on aime. Il y a aussi une destination de cœur : la Bretagne. Ce sont mes racines. J'ai grandi dans les Hauts-de-Seine, mais je suis breton. Avec mes parents, nous revenions, pour les vacances, en Bretagne : des paysages magnifiques d'une beauté exceptionnelle.

Comment est né le Guide du Routard ?

Philippe Gloaguen :

J’ai toujours voulu devenir journaliste. En 1971, étudiant, j’ai proposé des piges à des journaux et François Bizot, le directeur du magazine Actuel  a accepté de me prendre dans son équipe de rédaction. Je lui ai proposé de faire un article pour suivre la route des Indes, car à l’époque, c’était la mode et tout le monde allait là-bas. On y allait par la route, en stop jusqu’à Istanbul, après on prenait le train, après le bus pour traverser l’Iran, le camion pour l’Afghanistan, puis le train pour le Pakistan et l’Inde. 

En plus, cette destination me faisait rêver. Ça a été accepté, car j’étais la personne la moins chère en notes de frais, je m’étais engagé à ne coûter que 1500 francs et je suis parti, en stop de porte de Charenton jusqu’au Sri Lanka.

Deux mois et demi plus tard, revenu avec six feuillets, je raconte mon périple, qui sera publié dans le magazine. Et le public est emballé, alors François Bizot me conseille d'en faire un guide. Mais c’était difficile de trouver un éditeur. J'ai essuyé une quinzaine de refus. J’ai fini par en trouver une maison d'édition, les éditions Gedalge. Le tout premier guide a failli s’appeler le guide “Ganesh", en référence au dieu éléphant indien, le dieu de la débrouillardise, un peu de la combine, de la démerde. Mais pour l'éditeur, personne ne connaissait Ganesh. Il m’a demandé de changer. Et comme Jean-François Bizot ne connaissait jamais mon nom, il m’appelait “le Routard”. Le nom est né ainsi !

Néanmoins, le Guide du Routard a failli s'arrêter très vite, car là, encore, coup du sort, un autobus écrase l'éditeur, qui le pauvre, âgé et sourd, s'est fait percuter. La maison d’édition a fait faillite. Ce qui m’a sauvé, c’est la médiatisation. J’allais à la radio pour parler de nos guides, et j’ai été contacté par quatre maisons d’édition. J'ai signé avec Hachette. Depuis, on ne s’est jamais quitté.

Né en 1973, le Guide du Routard fête ses 50 ans d’existence. Son esprit est-il resté le même ? C'est ce qui fait son succès ?  

Philippe Gloaguen : Son succès, c'est la fidélité de notre lectorat qui s'est transmise de génération en génération. Les grands-parents qui ont voyagé, et qui ne voyagent plus, ont transmis cette envie à leurs enfants, et ainsi de suite... Et chaque génération de routards, nous a ensuite suivie. La seule chose qui a changé, c'est son nom.

Pour fêter ses 40 ans, le guide a été rebaptisé "Le Routard", mais son esprit est absolument resté le même. Nous avons des fidèles qui adhèrent à nos principes, qui pourraient se résumer en trois points. Tout d’abord, le grand principe du Routard, c’est le voyage en liberté. Ensuite, c’est le meilleur rapport qualité prix, car il y en a pour tous les budgets. Et surtout, on veut proposer aux gens de voyager et de faire des découvertes de façon amusante et conviviale. C’est un vrai succès auprès du public et l’histoire du Routard plaît tellement qu’on est en train de réfléchir à la réalisation d’un film.

Quel est le Guide le plus vendu ?

Philippe Gloaguen : La Corse qui reste toujours la meilleure vente depuis douze ans. Ensuite, on retrouve la Bretagne, les Châteaux de la Loire, la Côte d'Azur, la Provence. Voilà notre top 5 des ventes.

Est-ce qu’il y a une destination que vous auriez voulu faire et que vous n’avez jamais pu faire ?

Philippe Gloaguen : Oui, il y a la Corée du Sud, je crois que c’est une destination très riche et unique, et on ne l’a jamais publiée parce qu’on n’a jamais eu l’occasion de la faire. Je pense que c’est très différent de la culture japonaise, elle est très originale, mais on ne la connaît pas encore.

Est-il plus difficile de voyager aujourd'hui ?

Philippe Gloaguen : Il est plus facile économiquement de voyager maintenant, car il y a depuis 20 ans, l’avènement des avions et autobus low cost. De plus, il y a un tas de facilités économiques qui n’existaient pas au début du Guide du Routard dans les années soixante-dix. Mais a contrario, il y a plein de destinations qui ont disparu, soit fermées pour cause de guerre, et là, je ne pense pas seulement à l’Ukraine et à la Russie, mais l’Afghanistan, le Pakistan, avec les problèmes de guerres civiles, de terrorismes. Idem pour l’Iran qui pose problème, et toutes les destinations de l’Afrique noire francophone que nous avions autrefois dans le Guide du Routard. Le seul guide qui reste, c'est celui du Sénégal. Des destinations ont été arrêtées pour préserver la sécurité de nos lecteurs. Je pense à la Colombie ou le Venezuela. On vient aussi de stopper le Mali et enfin, les pays qu'on ne "sent pas", comme l'Arabie saoudite ou Abou Dhabi.

Depuis sa création en 1973, le Routard a vendu 55 millions de guides. Il recense 180 éditions dans le monde dont 60 sur la France et compte180 collaborateurs dans le monde. Quand on voit les chiffres, c’est la corne d’abondance le Routard ?

Philippe Gloaguen : Effectivement, notre éditeur est satisfait ! C’est aussi, le N°1 de nos ventes : Le Guide du Routard de l’Engagement pour le ministère de l'Education avec 1,2 million d’exemplaires. 

Tout ceci est porté par une équipe aux compétences très diverses et mes rédacteurs sont spécialisés : un spécialiste du vin, un spécialiste du vélo, etc. Personnellement, je suis passionné du néolithique, je connais toutes les cathédrales françaises, etc.

Ce sont 2 090 jours de voyage effectués chaque année. Chaque jour, 5,7 enquêteurs fureteurs vérifient et dénichent de nouvelles adresses. Avec les décalages horaires, il y en a toujours un en train de manger et un autre en train de dormir !

Le public, a-t-il changé en 50 ans ? Avez-vous également évolué avec lui ?

Philippe Gloaguen : Les jeunes de 20 ans voyagent beaucoup moins que nous au même âge. Et quand ils voyagent, ils cherchent le confort, que nous, on recherchait moins. Nous, nous faisions des voyages plus économiques et dans des conditions rustiques auto-stop, autobus, auberge de jeunesse, camping, sac à dos. Aujourd'hui, le public se diversifie.

Donc, au fil du temps, le guide a adapté ses adresses à son public. On a aujourd'hui une clientèle très favorisée socialement qui veut un standing plus élevé aussi. Du coup, si le public évolue, nos guides aussi, et c’est pour cela qu’on a publié des guides thématiques en plus des destinations.

En 50 ans, on a déjà, forcément écrit sur beaucoup de destinations, alors on a décidé de se diversifier. Deux nouveaux guides vont sortir sur la Bretagne et les châteaux de la Loire à vélo. C’est une collection plus familiale. On s’est aussi adapté au public, qui, à mon grand regret, car je suis très attaché au livre, veut des versions numériques. Du coup, Le Routard a lancé 10 applications pour smartphones, consacrées à de grandes villes d'Europe (Londres, Paris, Barcelone...).





 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

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