Atteint par une grenade en septembre 2016, Laurent Theron est définitivement aveugle de l'oeil droit. Le syndicaliste a demandé mardi à la cour d'assises de mettre fin à une "impunité" et de "révoquer" le CRS jugé pour l'avoir "mutilé à vie". Mercredi l'accusation a requis 2 à 3 ans de prison avec sursis contre le membre des Forces de l'Ordre

L'accusation a requis mercredi deux à trois ans d'emprisonnement avec sursis à l'encontre d'un CRS, jugé devant la cour d'assises de Paris pour un lancer injustifié de grenade qui a éborgné un syndicaliste lors d'une manifestation contre la loi travail en 2016. 

L'avocat général Christophe Auger a demandé que cette peine de sursis simple soit assortie d'une interdiction de port d'arme pendant cinq ans, mais a dit "ne pas (souhaiter) que soit prononcée une interdiction d'exercer" contre le brigadier-chef de 54 ans. 

Ce secrétaire hospitalier et militant syndical de Sud-Santé a perdu définitivement l'usage de son oeil droit après avoir été atteint par un galet d'une grenade de désencerclement (GMD) le 15 septembre 2016 à Paris. 

Les faits s'étaient produits peu avant 17H00 ce jour-là, alors que les forces de l'ordre dispersaient les opposants à la loi travail sur la place de la République, à l'issue d'une manifestation marquée par des heurts et l'embrasement d'un policier touché par un cocktail Molotov. 

La vie de Laurent Theron, secrétaire hospitalier et militant du syndicat Sud-Santé, a "totalement basculé" à "16h53" ce 15 septembre 2016, quand à l'issue d'une manifestation contre la loi travail à Paris, le galet d'une grenade à main de désencerclement (GMD) lui percute l'œil.

Plus de six ans après, le syndicaliste, partie civile, fait face pour la première fois au CRS qui l'a lancé, poursuivi pour violences volontaires par personne dépositaire de l'autorité publique ayant entraîné une mutilation ou une infirmité permanente. 

C'est déjà "une victoire", glisse Laurent Theron à la barre, bien "rares" étant les policiers jugés, a fortiori devant une cour d'assises, pour ces "barbaries" causées par des armes du maintien de l'ordre.
Sans se retourner, le soignant de 53 ans s'adresse au policier, Alexandre M., 54 ans et comme lui père de deux enfants, qui lui a demandé "pardon" la veille à l'ouverture des débats.

"Les paroles, ça ne suffit pas, je voudrais qu'il comprenne ce qui s'est passé après son geste".
Ses notes à la main, Laurent Theron, décrit "la douleur immense" qu'il a ressentie immédiatement après avoir été touché, puis la "peur de mourir" et l'"interminable attente" de près d'une heure avant qu'il ne soit conduit à l'hôpital.

Il sait d'emblée qu'il ne récupérera jamais la vision de son œil droit. Il faut donc "vivre avec un nouveau corps, apprendre à (se) déplacer" autrement.

Derrière lui, l'accusé qui comparaît libre opine, l'air grave. 
"Quand vous dites que vous êtes désolé, j'ai du mal à vous croire", poursuit le syndicaliste, estimant que le CRS n'a "absolument pas pris la responsabilité" de son geste.

"Pas une tribune !" 

"Mon souhait, ce n'est pas que vous alliez en prison mais que vous soyez révoqué", martèle Laurent Theron, assurant n'avoir "aucun esprit de revanche".
"Des aide-soignants maltraitants ont été renvoyés, pourquoi ça n'arrive pas dans la police ?", s'insurge-t-il, s'attirant les regards approbateurs de ses soutiens massés dans le public. 
Après près d'une heure d'audition qui gagne le terrain des violences policières, la présidente Catherine

Sultan le coupe, voudrait "qu'il explique un peu plus ce qui s'est passé ce jour-là".
La cour devra notamment déterminer si le CRS a agi en état de légitime défense, comme il l'a toujours soutenu, ou sans être en danger comme l'avaient estimé les juges d'instruction qui ont décidé de son renvoi devant les assises. 

La magistrate cache mal son irritation plus tard quand trois témoins de moralité cités par la partie civile se succèdent à la barre pour discourir sur "les armes de la police qui mutilent".  
"Ce procès, ce n'est pas une tribune !", lance Mme Sultan afin de "cadrer" les débats sur le seul dossier. 
Dans la matinée ce mardi, la cour a longuement entendu un expert balisticien sur la réglementation et la dangerosité de la grenade GMD, qui a depuis les faits été remplacée par un autre modèle "plus ou moins identique".

La GMD, qui projette 18 petits galets de caoutchouc de près de 10 g chacun, à une vitesse moyenne de 131 mètres par seconde (environ 470 km/h), ne peut être utilisée qu'en "cas de nécessité", "en légitime défense" ou pour la dispersion d'attroupements après sommations, selon l'expert.
Un pictogramme sur la grenade, souligne-t-il encore, rappelle qu'elle doit être lancée ras du sol et non en l'air pour éviter qu'elle n'explose à hauteur de visage "et augmente considérablement le danger". 
Alexandre M., qui n'était pas habilité au lancer de GMD, est soupçonné de l'avoir lancée en cloche, et sans en avoir reçu l'ordre, ce dont il se défend. Il doit être interrogé mardi dans l'après-midi. Verdict attendu mercredi. 

Source : AFP

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