Justice : un CRS devant la Cour d’assises pour un « lancer injustifié » de grenade

Dès ce lundi, un CRS est jugé devant la Cour d’assises de Paris pour « violences volontaires ayant entraîné une mutilation ou une infirmité permanente par personne dépositaire de l'autorité publique » sur Laurent Théron. Ce militant syndical SUD avait été touché à l’œil droit pendant une manifestation contre la loi Travail.

Les faits se sont déroulés le 15 septembre 2016. Il est environ 16 h 20 cet après-midi-là quand Laurent Théron, secrétaire hospitalier et syndicaliste, gagne la place de la République à la fin de la manifestation contre la loi Travail. Le cortège est alors dispersé. "Quand on est arrivé, on a entendu quelques pétards, on a vu les CRS qui commençaient à se positionner. (...) J'ai vu des lacrymogènes et des jeunes qui les renvoyaient à coups de pied", avait raconté Laurent Théron à l'époque des faits.

"Il y a eu une première charge des CRS et puis une deuxième. J'ai vu que ça commençait à se rapprocher et je me suis dit : il vaut peut-être mieux que je sorte", avait-il poursuivi. "Les mains dans les poches", le militant s'apprête à quitter les lieux.

Laurent Théron est alors touché à l’œil droit par une grenade de désencerclement (GMD) dont l’usage est aujourd’hui interdit. Elle a été remplacée par un nouveau modèle, la grenade à éclats non létaux (GENL), décrite comme moins dangereuse par le ministère de l'Intérieur. 

La légitime défense écartée par les magistrats instructeurs

Une version confirmée par les caméras de vidéosurveillance. Le brigadier-chef et sa compagnie n'étaient au moment du lancer de la grenade "ni assaillis, ni encerclés, ni même réellement pris à partie", ont relevé les juges d'instruction qui ont ordonné le renvoi du CRS devant les assises, et non devant un tribunal correctionnel comme l'avait demandé le parquet. Pour les magistrats instructeurs, ni les vidéos ni les témoins n'ont confirmé les dires du brigadier-chef, qui a toujours soutenu avoir agi en légitime défense après avoir reçu sur le bras un projectile d'un groupe de manifestants hostiles.

Le policier se voit aussi reprocher d'avoir "agi de sa propre initiative, sans recevoir d'ordre" et d'avoir "effectué un lancer en cloche", ce qui est interdit. La doctrine d'emploi des grenades de désencerclement exige en effet un lancer au ras du sol.

Il n'était par ailleurs pas habilité au lancer de GMD, une arme puissante qui projette 18 petits galets de caoutchouc de 10 g chacun à une vitesse moyenne de 450 km/h, et n'avait reçu aucune formation au maintien de l'ordre.

Le brigadier-chef venait de rejoindre deux semaines plus tôt sa compagnie de CRS après avoir exercé 20 ans dans un commissariat de nuit du Val-d'Oise.

Le débat sur les violences policières relancé

Les procès aux assises de fonctionnaires de police pour des violences volontaires ayant entraîné une infirmité permanente restent rares. Un policier a été condamné en octobre à Reims à deux ans de prison avec sursis pour avoir éborgné un supporter bastiais avec sa matraque en 2016. Il a interjeté appel.

En 2018, trois policiers étaient jugés devant la cour d’assises de Seine-Saint-Denis pour violences volontaires à Villemomble, en 2013. Fatouma Kebé avait alors été éborgnée par une grenade de désencerclement. Les fonctionnaires ont été acquittés en première instance et en appel. La Cour d’assises avait retenu la légitime défense.

Pour le collectif Désarmons-les, qui sera aux côtés de Laurent Théron pendant les 3 jours d’audience, le procès de ce policier est une occasion de mettre en lumière les violences policières. Selon ce collectif, 66 personnes auraient été éborgnées par la police en moins de 25 ans. 

Source : AFP

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