Chroniques de Jeunesse en BD : quand le papa du Guide du Mauvais Père était un ado

Pendant le confinement, Guy Delisle redécouvre ses enfants devenus ados. L’occasion de se replonger dans sa propre adolescence pour se souvenir de ce que lui-même faisait à cet âge-là : travailler l'été à l’usine. Rencontre avec l'auteur qui trouve matière pour de nouvelles chroniques.

Le temps de trois étés successifs, et surtout de moments fondateurs, l'auteur de BD à succès Guy Delisle a découvert ce que serait son métier, s’il arrêtait ses études de dessin. Un job dans une usine de pâte à papier à Québec. Aujourd'hui, il est bien moins facile pour un étudiant de trouver un tel emploi.

De passage à Paris, nous l'avons rencontré afin qu'il nous décrypte son dernier album : Chroniques de jeunesse aux Editions Delcourt.

Guy Delisle s'est raconté au fil de ses différentes chroniques à travers le monde (Chine, Corée du Nord, Birmanie, Israël...) et ses enfants ont grandi dans ses albums jusqu'à tenir les premiers rôles dans les 4 tomes du Guide du mauvais père. Aujourd'hui ils sont devenus adolescents. Son fils, l'ainé, a aujourd'hui 17 ans - comme Guy Delisle quand il a été embauché pour la première fois dans l'usine où travaillait son propre père. L’occasion de se replonger dans sa propre adolescence et de se souvenir de ce qu’il faisait au même âge. Des chroniques décalées et tendres de l'auteur du Guide du mauvais père à la recherche du sien.

 

  • Au fil de vos carnets de bord, chroniques, de vos différentes expériences (Shenzhen, Pyongyang, Birmanie, Jérusalem...), on note une évolution dans le dessin de votre propre personnage.

Guy Delisle : Là c’est un peu spécial. Il a 17 ans alors il change un peu de look. Après quand on le regarde depuis Shenzhen, il s’est un peu stabilisé dans l’esprit de la ligne claire, ce qui m’a toujours influencé, ce que j’ai toujours aimé. Et je m’en rapproche de plus en plus j’ai l’impression. Quand je regarde les dernières pages de cet album, des fois je me souviens que j’ai pris un grand plaisir à dessiner tous ces décors d’usine de pâte à papier. Cela me rappelle certaines pages de Moëbius, non pas que je me compare à lui évidemment, mais à ces cases où il y a tous ces tuyaux qui coulent avec de l’eau. D’ailleurs une des raisons pour lesquelles j’ai eu envie de faire cet album, c’était justement de décrire l’usine et de la dessiner. J’y suis retourné pour prendre des photos. Cela m’a permis de faire quelque chose d’assez réaliste. Et cela a été un plaisir de me balader dans l’usine et de dessiner des flaques d’eau, des tuyaux, des fils électriques qui passent un peu partout. J’y ai passé du temps, plus que normalement, par plaisir. Elle fonctionne toujours. Au Québec, les usines de pâte à papier, il y en a eu beaucoup car c’est une industrie très importante. Beaucoup ont disparu car la demande de papier journal a diminué. Celle-ci a continué mais à mon époque il y avait plus de mille employés qui travaillaient. Ils sont 600 aujourd’hui.

  • Avec humour, vous racontez comment à cet age vous aviez encore de grands progès à faire pour dessiner le portrait de quelqu’un.

Guy Delisle : De façon graphique et symbolisé je sais me dessiner à peu près. Mais de temps en temps les gens me demandent un portrait d’eux. Je n’y arrive pas vraiment et cela ne me plait pas particulièrement. A l’époque dans l’usine, il y avait un décalage certain entre moi à 17 ans qui voulais faire de l’art plastique et ces gars qui étaient ouvriers pour toute leur vie en fait.

Quand je leur ai parlé de mes études il y a eu un grand blanc dans la conversation.

Guy Delisle

Ils ne comprenaient pas ce que c’était. Un jour, un de mes chefs m’a demandé de faire son portrait que j’ai essayé de faire réaliste. Avec l’assurance de mes 17 ans, je croyais bien me débrouiller. Au final, ce n’était pas très bien et la critique a été directe. Une leçon d’humilité : j’ai pris conscience que j’avais encore du travail devant moi. Mais je ne suis toujours pas très bon en portrait réaliste.

  • Le psychanalyste Guy Corneau a décrit dans Père manquant, fils manqué toute la complexité de ces liens familiaux. Après les 4 tomes du Guide du mauvais père, ces nouvelles chroniques seraient-elles un peu en filigrane l'histoire de la recherche de votre propre père ?

Guy Delisle : Je dirais qu’il y avait une exigence du récit de parler de lui. Nous, dans la famille, l’usine on la connaît car mon père y a passé toute sa vie. C’est pourquoi j’ai choisi d’aller y travailler l’été. C’était l’occasion d’expliquer la relation avec mon père qui n’a pas été très présent dans ma vie. Je n’avais pas envie de m’appesantir trop, mais il était important qu’il soit là pour expliquer notre relation. Et à la fin, l’épilogue s’est imposé suite à son décès il y a 5 ans pour conclure l’album : la recherche du père qui est en filigrane. C’est vrai pour les gens qui ont lu mes autres livres, je crois que cela peut mettre un éclairage sur Le Guide du mauvais père. On comprend bien que je fais partie de ces pères très présents, sûrement un contre-coup d’avoir eu un père absent. Moi j’avais lu L’invention de la Solitude de Paul Auster et j’avais vraiment apprécié les descriptions très justes de ce père qui était dans son monde. Je n’ai pas eu le même genre de père mais, par certains aspects, il me rappelait le mien. C’est sans doute générationnel aussi.

Pour lire un extrait de Chroniques de Jeunesse de Guy Delisle (Delcourt)

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