Ce mardi le personnel soignant est à nouveau dans la rue pour alerter sur les difficultés majeures de l'hôpital public. A Paris, les manifestants sont attendus devant le ministère de la Santé à partir de 13H30
Ce mardi, en pleine crise des urgences et à quelques jours des législatives, neuf syndicats et collectifs hospitaliers organisent une journée de mobilisation.
Pour cette première journée d'action du second quinquennat Macron, la CGT et ses alliés ont prévu des rassemblements dans au moins cinquante villes. A Paris, les manifestants sont attendus devant le ministère de la Santé à partir de 13H30. D'autres actions sont annoncées, souvent devant les hôpitaux, à Pontoise, à Grenoble, Marseille, Nantes et Toulouse, mais aussi dans de plus petites localités comme Aurillac, Epernay ou Cherbourg, où Emmanuel Macron est venu la semaine dernière annoncer une "mission flash" sur les services d'urgences.
Car c'est bien là que le feu couve : faute de soignants, au moins 120 services ont été forcés de limiter leur activité ou s'y préparent, selon un décompte fin mai de l'association Samu-Urgences de France.
Mobilisation à l'hôpital de Pontoise
Dans le Val-d'Oise, le personnel du centre hospitalier de Pontoise se mobilise pour sauver le service public. "Les urgences sont en difficultés", explique Véronique Hélie, déléguée de la CGT de l'hôpital de Pontoise. "Tous les établissements qu'ils soient privés ou publics éprouvent des difficultés de fonctionnement, les patients qui restent sur les brancards pendant des heures c'est le quotidien de l'hôpital", poursuit-elle. "Les patients viennent aux urgences par faute de lits, par faute de docteurs, et c'est comme ça que des hôpitaux, même des CHU se retrouvent à devoir fermer temporairement ou définitivement leurs urgences", déplore Véronique Hélie.
Le service public a besoin de plus de personnels et il faut rendre les métiers plus attractifs, explique Véronique Hélie. "Les salaires de la fonction publique hospitalière n'augmentent pas. Notre point d'indice est gelé depuis 12 ans. Si on veut que les agents ne fuient pas les établissements publics de santé, il va falloir les augmenter", argumente la déléguée syndicale.
Les conclusions de la mission flash seront connues fin juin
C'est le président de l'association Samu-Urgences de France, François Braun qui devra rendre les conclusions de la "mission flash" au chef de l'Etat d'ici fin juin. Un délai justifié afin de "regarder service d'urgence par service d'urgence et Samu par Samu, territoire par territoire où il y a des besoins", a expliqué M. Macron dans un entretien à la presse régionale vendredi, promettant de "prendre des décisions d'urgence dès juillet". Mais ses opposants y voient surtout un stratagème pour "repousser les décisions après les législatives" des 12 et 19 juin, alors que le système de santé est déjà "en situation de catastrophe", a dénoncé l'urgentiste Christophe Prudhomme, de la CGT-Santé, lundi sur RFI. "On s'attend à un mois de juillet particulièrement difficile et un mois d'août horrible" et "cette mission flash, c'est un peu une insulte pour nous", a même estimé Pierre Schwob-Tellier, du collectif Inter-Urgences, lors d'une conférence de presse jeudi.
Filtrer l'accès aux urgences via le 15, des "Smur sans docteurs", des idées qui inquiètent les professionnels de santé
La critique vise aussi le choix de M. Braun, chef des urgences du CHR de Metz et référent santé du candidat Macron lors de la récente campagne présidentielle. L'intéressé a assuré mercredi sur Franceinfo qu'il n'entendait pas produire "un énième rapport" mais bien "rédiger l'ordonnance" attendue par les hospitaliers, ajoutant avoir "déjà des pistes". Certaines figurent dans un courrier envoyé à la ministre de la Santé, Brigitte Bourguignon, le jour de sa nomination et publié sur le site internet de Samu-Urgences de France.
Certaines pistes sont parfois consensuelles, comme la revalorisation du travail de nuit et du weekend, "très pénible" mais majoré de seulement un euro de l'heure pour les infirmières, ce qui est "complètement aberrant", a-t-il souligné.
D'autres idées inquiètent, comme l'obligation d'appeler le 15 pour filtrer l'accès aux urgences, mise en œuvre à Cherbourg ou à Bordeaux. Un scénario "injouable" pour Patrick Pelloux, président de l'Association des médecins urgentistes de France (Amuf), qui prédit une explosion des appels vers des Samu "déjà débordés". Avec un risque de perte de chance pour les patients. L'option a toutefois des défenseurs dans la majorité, à l'instar du député de Charente Thomas Mesnier, lui aussi urgentiste, qui a jugé nécessaire dans le Journal du dimanche de "se remettre en mode gestion de crise pour passer le cap de l'été", quitte à "recentrer" ces services "sur leur vrai métier, les urgences vitales". Désireux de "secouer les tabous", l'élu plaide même pour des "Smur sans docteurs", avec seulement des infirmiers dans l'ambulance pour pallier l'absence de praticiens par endroits, et suggère de transformer en "antennes de jour" les services d'urgence que "nous ne parvenons plus à maintenir ouverts" en permanence.
Des propositions peu à même d'apaiser le "bouillonnement de mécontentements" observé par la secrétaire générale de la CGT-Santé, Mireille Stivala. Pour accroitre la pression, M. Pelloux envisage d'ailleurs de "lancer un mouvement de grève aux urgences avant l'été".