Après deux mois restés confinés chez eux, certains salariés et commerçants ont repris le chemin de leur entreprise ce matin. Entre enthousiasme, crainte et fatalisme.



Nicolas Duny n’avait pas quitté le XIe arrondissement depuis le 16 mars. Après deux mois de télétravail, il a de nouveau enfourché son scooter à 7h30 pour retrouver ses bureaux à Vélizy, en traversant tout Paris. "J’ai eu comme un sentiment de liberté en redécouvrant la ville, c’était très agréable." Mais une fois arrivé dans sa société, ce directeur technique a quelque peu déchanté. Prise de température à l’entrée, déplacement selon un sens de circulation et ascenseurs quasi condamnés : "j’ai compris que ça allait être compliqué."

Ce lundi, seuls 10 % des salariés de son entreprise sont revenus sur le site. Le retour de l'effectif au complet n'est pas prévu avant mi-juin. Il n’y a donc pas de grandes retrouvailles comme espérées. Ni de petites. Avec les mesures de distanciation, chacun doit rester dans son bureau, quitte à continuer les réunions en visioconférences... comme à la maison. "Nous sommes revenus mais nous ne pouvons pas partager l’espace de travail. C’est absurde, regrette ce cadre. On aurait pu rester en télétravail qui fonctionnait très bien. On nous force à venir pour tester les procédures, on se sent un peu comme des cobayes."
 

"J'ai eu comme des nœuds dans le ventre"

Stéphanie Sénicourt, agent immobilier dans le XVIe arrondissement de Paris, aurait également souhaité continuer à travailler de chez elle. Mais avec la reprise des visites d’appartement et des permanences en agence, impossible. "Jusqu'il y a quelques jours, j'étais très impatiente à l’idée de retrouver mon équipe, une dynamique professionnelle. Mais ce week-end, j’ai eu comme des nœuds dans le ventre. Pas par peur du Covid. Mais parce que je quittais un cocon dans lequel j’étais bien avec mon mari et mon fils de 15 ans. Là, c’est reparti." L’agent a déjà plusieurs visites de programmées dans la journée. Des visites qui seront très encadrées. "Nous avons mis en place une charte. Nous devons nous équiper de masques et de surchaussures, tout comme les clients. Nous allons essayer d’éviter au maximum les contacts." Et pour se prémunir des contaminations, les clients sont incités à réaliser d’abord des visites virtuelles. Au bureau, les salariés travailleront par roulement. Et se déplaceront au maximum en covoiturage.

Reprendre le métro ? Pas question pour Frédéric Dabek, libraire dans le XIe arrondissement. Le magasin dans lequel il travaille ne rouvrira que demain. Mais tous les employés sont d'ores et déjà présents pour nettoyer, préparer les étals et ranger les cartons. "Moi, je suis venu à vélo ce matin et je vais continuer. Chez mes collègues, il y a beaucoup d’appréhension à reprendre les transports en commun. Le métro, c’est le gros problème, il y a de graves craintes. "
Pour éviter les contaminations, Michèle Levraud a également dû mettre en place un protocole dans son agence immobilière de Châtillon. Avant de rouvrir ses portes ce matin, cette directrice a distribué des gants, des masques, du gel et des lingettes à ses quatre salariés. Les bureaux ont été disposés à distance les uns des autres. "Malgré ces nouvelles consignes, ce matin, c’était un peu le soulagement pour tout le monde", confie cette quinquagénaire. Car pour elle et pour ses collaboratrices, mises en chômage partiel, la période de confinement n’a pas été simple à gérer. "Au début, ça a été comme un grand coup sur la tête, ça a été très brutal. Je suis passée par toutes les couleurs. Mais à partir du moment où la trésorerie a été assurée avec les aides de l’Etat, ça a été mieux." 
 

"J'ai besoin de retravailler de mes mains"

Des aides qui ont permis à de nombreux commerçants de passer le cap mais que n’a pas encore touché Hadjdida Elhouary, coordonnier installé depuis 30 ans dans le XIe arrondissement. L’homme a rouvert sa boutique à la première heure ce matin après deux mois passés à quatre dans un appartement de 35 mètres carrés. "C’était très très dur. Je tournais en rond avec mes factures. J’ai dû appeler ma propriétaire pour échelonner les paiements. J’ai aussi demandé une aide de 1500 euros à l’Etat mais je ne l’ai toujours pas reçue. Là, je retrouve le moral. J’ai besoin de retravailler de mes mains." 
 
L’artisan, ganté et masqué, a commencé sa journée par désinfecter les 15 mètres carrés de local. Puis par reprendre le travail laissé en friche au mois de mars. Car malgré sa porte grande ouverte, le passage de quelques clients venus le saluer, Hadjdida Elhouary n’a pour le moment pas de nouvelles commandes. "Après les attentats, il avait fallu attendre 2-3 mois pour que ça reparte. Il faudra certainement ce temps pour que la vie reprenne."

Un fatalisme partagé par Françoise Lecaplain. "On a loupé notre saison. On ne la rattrapera pas cet été." Ce lundi, cette commerçante a repris sa voiture pour se rendre sur le marché de Clamart pour réinstaller son stand et nettoyer son comptoir en espérant retrouver ses clients dès demain. "Je suis contente de les revoir mais je ne sais pas si eux vont être au rendez-vous. Ils vont certainement avoir peur de se rendre au marché surtout que nous avons eu des nouveaux cas de coronavirus ce week-end dans la ville."
En attendant, Françoise Lecaplain a déjà retrouvé les autres commerçants avec qui elle partage le chapiteau. "Ca fait un peu comme un retour de vacances,... Enfin, le repos des méninges en moins."

 
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