Alors que la France s’apprête à se déconfiner, pour certains le déconfinement est plutôt synonyme d’angoisse. Crainte d’être contaminé, difficulté à retrouver des obligations sociales, certains resteront confinés.
Pour Sofia (le prénom a été modifié) confinée à Paris avec son mari et leur chat, le déconfinement n’est pas synonyme de soulagement. "On nous déconfine pour des raisons fondamentalement politiques pas parce que le virus a disparu du jour au lendemain !", s’inquiète t-elle.
Cette Parisienne d’ordinaire plutôt fêtarde a respecté le confinement strictement depuis mars, quelques sorties pour faire des courses, moins d’une heure de promenade par semaine. Elle devrait garder le même rythme encore un moment. "Je vais déconfiner doucement. Les apéros avec 10 potes, après le 11, je suis pas sûre.", confie t-elle. "Il y a des places en réa, à partir du 11, c’est tout".
Confinée dans une maison en Bretagne avec son conjoint et ses enfants, Amélie stresse moins à l’idée d’attraper le virus que de retrouver son petit appartement. Elle ne sait d’ailleurs pas quand elle va rentrer. "Le déconfinement me donne un peu le blues, je me demande comment seront les gens à Paris ? Est-ce que l’ambiance ne sera pas trop lourde?", s’inquiète t-elle.Le déconfinement me donne un peu le blues
Sylvain Letuvée psychologue et psychothérapeute constate aussi chez ses patients ces craintes. "Il y avait l’angoisse du confinement quand ça a commencé et maintenant c’est comme s’il fallait à nouveau se réhabituer à sortir", explique-t-il.
40% des gens n’ont pas envie d’être déconfinés
Selon une étude menée depuis le début du confinement par l’ Human Adaptation Institute, en collaboration avec des chercheurs issus de plusieurs laboratoires et universités notamment l'université Paris 2 Panthéon-Assas, 40% des gens n’ont pas envie d’être déconfinés."Ce sont surtout les jeunes, entre 20 et 45-50 ans, qui sont pourtant les moins susceptibles d’être touchés gravement par la maladie", indique Christian Clot, responsable de l'étude Covadapt. "Le confinement, ça avait un côté clair, avec un risque sanitaire faible, alors que là, il y a beaucoup d’incertitudes avec la sortie, poursuit-il.
"On nous déconfine pour de mauvaises raisons"
Comme beaucoup, Sofia craint une deuxième vague, elle reconnaît faire "plus confiance au corps médical qu’aux politiciens.nes qui eux ont un intérêt économique".Un sentiment de défiance partagé aussi par les personnes interrogées dans l’étude de l’Human Adaptation Institude. "Il s’est construit pendant ces deux mois, une vraie méfiance envers les décisions gouvernementales. Cette défiance fait qu’on se dit : mais on nous déconfine pour de mauvaises raisons. Quelque part quel que soit la décision qui aurait été prise, elle aurait été soumise à la défiance", analyse Christian Clot
Aucune urgence à retrouver la vie d’avant
Sylvain Letuvée conseille de reprendre une vie sociale progressivement et consulter si besoin. "Il n’y a aucune urgence à retrouver une vie d’avant. Je pense qu’il faut se donner le temps, y aller à son rythme pour revoir ses proches d’une manière qui nous sécurise. Les gens peuvent s’autoriser à ne pas voir des gens ou ne pas se rendre dans certains lieux s’ils considèrent que leur sécurité n’est pas assurée et oser le dire !", assure t-il.Sofia attendra au moins la fin de l’été pour revoir ses parents en Italie et conclut sur cette citation de Paulo Coehlo. "Patience is not about waiting, but how we act when things take longer than we expect" -"La patience ne consiste pas à attendre, mais plutôt à voir de quelle façon nous agissons lorsque les choses prennent plus de temps que prévu ".