Hommage du 14 juillet aux soignants, qu'en pensent-ils, eux qui étaient "en première ligne" ?

On les a applaudis pendant le confinement. Ils sont reçus ce soir au Grand Palais par le ministre de la Santé, leur visages sont exposés à l'Opéra Bastille, un hommage leur est rendu demain lors du défilé du 14 juillet. Mais que pensent « les soignants » de ces honneurs et ces médailles ?

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En cette mi-juillet, le monde médical est à l'honneur. Le Grand Palais à Paris leur ouvre ses portes ce soir lundi 13 juillet. Les invités : près de 800 soignants mobilisés au plus haut de la crise sanitaire, reçus en grande pompe par le ministre de la santé, Olivier Véran. A l’initiative du photographe JR, 500 portraits en noir et blanc de personnels hospitaliers ornent la façade de l’Opéra Bastille dans le 12ème arrondissement de Paris depuis mercredi dernier. Une initiative du collectif #Protège ton soignant et de l’Opéra national de Paris. Les clichés ont été réalisés dans toute la France par les photographes Adrien Lachappelle, David Huguonot et Nathalie Naffzger. La fresque sera visible jusqu’à la fin du mois de juillet.

"Une nation engagée, unie et solidaire"

Le traditionnel défilé militaire du 14 juillet présidé par Emmanuel Macron qui a pour thème, "Une nation engagée, unie et solidaire" rend également hommage au personnel médical et à la société civile, "en première ligne" dans la lutte contre le Covid-19. "1400 personnes sont invitées dans les tribunes", a indiqué l'Elysée "et notamment les familles de soignants ayant perdu la vie durant l'épidémie, des soignants de toutes les régions, ainsi que des représentants de métiers très sollicités pendant l'épidémie, enseignants, caissiers, agents funéraires, policiers, gendarmes, pompiers, agents de collectivités locales, personnels ayant travaillé à la fabrication de biens liés à la crise, comme les tests et les masques".
Le défilé comprendra un "tableau d'hommage" aux professionnels de santé. Il sera "le symbole de la résilience de notre capitale et de notre Nation et un hommage à tous les héros du quotidien qui ont œuvré pendant la durée de l’épidémie", selon les mots d'un communiqué de la Ville et de la préfecture de police de Paris. La Patrouille de France réalisera un second passage exceptionnel en leur honneur.

Des avis partagés

Le personnel médical est unanimement salué mais que pense t-il de ces honneurs ? Les avis sont pour le moins partagés. Paroles de soignants.

Benjamin Davido, médecin-chercheur au service d'infectiologie de l'hôpital Raymond-Poincaré de Garches salue l'hommage rendu. "C' est bien de rendre hommage au personnel médical car nous avons été les acteurs de la lutte contre le covid-19 qui est la pandémie du siècle. Toutes les catégories de personnels, de l’aide soignant au médecin ont fait des efforts. Pour le 14 juillet, c'est un geste qui me semble logique. Tout ne va pas bien à l’hôpital public. J’ai vu les choses se détériorer au fil des années mais cette situation n’empeche pas de féliciter le travail des soignants. A contrario, on ne l’aurait pas fait, on aurait dit, "c’est lamentable, les politiques ont oublié tout ce qui a été fait comme si c’était un du". C’est un du, oui, de par notre métier, on est médecin c’est notre ADN mais la première étape c’est de valoriser ces différentes professions qui sont peu attractives en les mettant dans la lumière". 

 

Les honneurs, c’est bien mais pas suffisant 

Jérémy Arzoine, anethésiste-réanimateur 


"Difficile de critiquer la reconnaissance du travail des soignants" estime Jérémy Arzoine, docteur en médecine, anethésiste-réanimateur et chef de clinique à la Pitié-Salpêterière. "Je trouve que c’est très bien, il ne faut pas cracher sur cela, c’est l'occasion de reconnaitre le boulot fait par les soignants. Les honneurs, c’est bien mais pas suffisants. Ils doivent être suivis d'actes. La reconnaissance à elle seule n’a aucune utilité, elle ne va pas changer la vie des personnels. Ce qui change la vie, c’est une vraie valorisation du travail, pas d’avoir une médaille", juge t-il.
 

Ca m’est absolument égal. Soigner les gens, c’est mon travail

Hafid Ait-Oufella, médecin cardiologue 

En première ligne, lui aussi, le professeur Hafid Ait-Oufella, médecin en cardiologie et maladies vasculaires à l'hôpital en poste à Saint-Antoine à Paris en médecine intensive et réanimation . Il avoue que cette reconnaissance, ces honneurs, sont flatteurs. Mais ce qu'il souhaite avant tout, à travers ces hommages, c'est que les gens n'oublient pas trop vite la crise épidémique à la veille d'un probable rebond. ", en médecine intensiveLes commémorations, ce n’est pas pour se gargariser, c’est aussi pour que les gens se rappellent qu’il faut porter un masque pour éviter une nouvelle crise sanitaire. Nous sommes fatigués. Aujourd’hui tous les soignants ont envie de prendre des vacances", gronde t'-il sans oublier, ajoute t-il "le combat pour l'hôpital public qui lui aussi a besoin de personnels et de moyens".

Même son de cloche pour Judith, infirmière en psychiatrie au GHU Paris appelée en réserve pour lutter contre la pandémie. L'hommage de la nation la laisse indifférente. "Je ne suis ni scandalisée ni me sens valorisée. J'avoue que je ne me sens pas concernée. Moi ce que je veux, c’est que mon salaire soit revalorisé, que l’on repense au fonctionnement des services de soins en prennant en compte la parole de ceux qui sont au contact des malades. Durant la période Covid, il y a eu énormement d’initatives prises par les gens du terrain et ça prouve que l’on est plein de ressources alors que le système administratif est lent et détaché de la réalité."

 

Les médailles et les réceptions, ce n’est pas ce que nous demandions

Christophe Prudhomme, médecin urgentiste

Ni médailles, ni réceptions pour Christophe Prudhomme, médecin urgentiste à l'hôpital Avicennes de Bobigny mais plutôt de la colère pour ce militant syndical qui ira manifester demain, mardi 14 juillet à l'appel de plusieurs syndicats hospitaliers contre le "Ségur de la Santé" . "Ce n’est pas ce que nous demandions. On considère que le protocole d’accord est très en deça de ce que nous attendions. La première revendication n’était pas la rémunération même si c' est important, 2 fois 90 euros c’est toujours bon à prendre, ça rattrape le retard de salaire depuis 2010 mais dans le protocole, il n’ y a rien sur les créations d’emplois. C’est complètement à la marge. Il y a une grande décéption. Pour nous les médailles et les remerciements ne peuvent pas se substituer à la réponse à nos revendications. Ces hommages à visée médiatique sont instrumentalisés et c'est choquant. Les collègues qui ont accepté de participer à ce cirque là, ne vont pas s’en vanter auprès de leurs collègues quand ils vont revenir dans les établissements", dénonce t-il.

Pas de défilé du 14 juillet mais une manifestation 

Six syndicats, la CGT santé, Sud-santé, Amuf, et le SNPI, syndicat national des infirmiers, appellent à une journée d'action nationale demain mercredi 14 juillet et à une manifestation dans les rues de la capitale dénonçant "le Ségur de la santé comme une imposture".

Cette concertation lancée fin mai avec le gouvernement vient tout juste d'être signée ce lundi 13 juillet. Ces accords octroient 8,1 milliards d'euros aux personnels hospitaliers. "Cet effort historique se veut d'abord une reconnaissance considérable à l'égard de celles et ceux qui ont été en première ligne dans la lutte contre cette épidémie", s'est félicité le chef du gouvernement à l'issue de la cérémonie de signature de ces accords, organisée à Matignon. 
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