Le vendredi 3 février à Paris, le Cabaret Sauvage accueille la troisième édition de l’Intellectual Fight Club (IFC). L’événement regroupe quatre combats de chessboxing : un sport hybride imaginé par l’auteur de BD Enki Bilal, qui mélange boxe anglaise et échecs.
Force et concentration : pour gagner au chessboxing, il faut savoir manier ses poings mais aussi les pièces sur l'échiquier. L’IFC, un événement qui rassemble huit combattants, est de retour au Cabaret Sauvage (XIXe arrondissement) le 3 février. Pour chaque affrontement, deux athlètes s'affrontent sur un ring, en alternant six rounds d’échecs et cinq de boxe.
"On commence par trois minutes d’échecs, puis on enlève la table d'échecs avec une minute de pause et on enfile les gants pour trois minutes de boxe, puis de nouveau les échecs, et ainsi de suite. Le gagnant l’emporte soit avec un KO ou sur décision de l’arbitre en boxe, soit un échec et mat, soit au temps aux échecs - c’est décompté pour chaque combattant", résume Guillaume Salançon, président de la Fédération Française de Chessboxing et organisateur de l’IFC.
Conçu par deux artistes, le sport est passé de la science-fiction à la réalité il y a 20 ans. "A l’origine, le chessboxing a été inventé par Enki Bilal en 1992, dans l’album de bande dessinée Froid Equateur, le troisième volet de la trilogie Nikopol. L’idée était de créer un sport complet, qui symbolise à la fois la force physique et l’intellect. Puis en 2003, Lepe Rubingh, un artiste performeur néerlandais, qui était à la fois joueur d’échecs, boxeur et fan d’Enki Bilal, a décidé de lancer un premier combat, en vrai, en 2003 à Amsterdam. C’est lui qui a inventé les règles", retrace Guillaume Salançon.
"Le chessboxing est sport total… On ne peut pas se donner à moitié"
A Paris, l’événement proposera quatre combats, avec deux titres mis en jeu : l’un de champion de France en catégorie "Master Fight" (-85 kg), et l’autre de champion du monde en catégorie "Master Fight Eavyweight". Parmi les autres duels, Kevin Guedj, combattant et vice-président du Chessboxing Club de Paris, affrontera Sardoche, de son vrai nom Andréas Honnet : un streamer de jeux vidéo suivi par plus d’un million de personnes sur la plateforme Twitch.
"J’ai commencé à jouer aux échecs dans mon enfance, avec mon grand-père, raconte Kevin Guedj. J’ai fait un peu de compétition puis j’ai arrêté, avant de reprendre sur des sites en ligne. J’ai aussi fait de la boxe quand j’avais 16-17 ans, avant de me blesser. Quand j’ai découvert le chessboxing, il y a 5-6 ans, j’ai tout de suite trouvé ça génial."
Le Français a pour l’instant un combat à son actif. "C’est une ambiance à part, se souvient-il. D’un côté il y a la pression du combat : le chessboxing est sport total avec un engagement profond, on ne peut pas se donner à moitié. De l’autre, le public associe des geeks, des gros joueurs d’échecs, des fans de boxe, des gens qui s'intéressent aux sports insolites… Mais je n’étais pas assez préparé à l'époque, je manquais de cardio, l’autre combattant m’a eu à l’usure."
"La boxe et les échecs sont complémentaires"
Kevin Guedj a donc suivi une longue préparation pour le combat du 3 février. "Je m’entraîne comme je peux, raconte cet entrepreneur de 36 ans. Pour les échecs, j’ai essayé de combler mes lacunes sur la partie stratégique, en m’axant sur la résolution de problèmes. Pour la boxe, c’était compliqué de trouver le temps mais j’ai fait beaucoup d’entraînement fractionné, avec de la corde à sauter, des abdos et des pompes. Le 'sparring', lorsqu’on se met en situation de combat face à un adversaire, est aussi très important."
Pour gagner au chessboxing, il faut être performant dans les deux sports, souligne-t-il : "Contrairement à ce qu’on peut penser, la boxe n’est pas un sport de brut, même si ce n’est pas doux évidemment. Il faut gérer son combat, son souffle et son stress comme aux échecs. Il y a un côté très compétiteur dans les deux disciplines, et une mentalité similaire : à chaque fois il faut s’adapter constamment au profil de l’autre combattant. Le fait d’associer les deux change aussi les stratégies entre les rounds, le chessboxing est vraiment un sport à part entière."
"La boxe et les échecs sont complémentaires, ajoute Kevin Guedj. D’un côté, quand on s’entraîne à la boxe dans le cadre du chessboxing, on prend un peu plus soin de ses adversaires s’il y a un écart de niveau. De l’autre, alterner entre échecs et boxe évite de rester statique indéfiniment sur une chaise, ce qui n’est pas sain."
"Un très bon boxeur peut se faire éclater aux échecs, et inversement"
Russie, Inde, Angleterre, Italie, Etats-Unis… Pratiqué dans plus de 20 pays, le chessboxing continue de se développer. "En France, le sport a pris son essor en 2019 et il y a déjà une dizaine de clubs. Mais ce n’est pas encore reconnu donc on ne bénéficie pas de subventions. L’objectif, c’est de crédibiliser le chessboxing sur la scène sportive, en montrant que ce n’est pas un spectacle un peu loufoque", indique Guillaume Salançon.
"Il y a un très bon niveau en France, avec des personnes proches de la compétition en boxe et pas loin du niveau de maître d’échecs. On dépasse les 1000 adeptes dans le pays avec des profils très différents", explique Kevin Guedj.
"Au-delà de la compétition, le chessboxing est surtout une philosophie de vie, qui fait rencontrer des gens qui ne se seraient jamais vus autrement, souligne Guillaume Salançon. C’est hyper inclusif, on accepte tout le monde. Enki Bilal l’a créé pour ça : le chessboxing est un oxymore, alors que la société manque de nuances, de débats. Un très bon boxeur peut se faire éclater aux échecs, et inversement… L’idée est de sortir de sa zone de confort."