Alors que la journée mondiale de lutte contre l'obésité se tient ce lundi 4 mars, les personnes obèses peuvent rencontrer de nombreuses difficultés au quotidien dans l’espace public. Anne-Sophie Joly, présidente du Collectif National des Associations d'Obèses (CNAO) alerte notamment sur les discriminations subies dans les transports.
"Dans le métro parisien, j’ai parfois l’impression que les places assises sont conçues pour des lilliputiens", raconte Anne-Sophie Joly. Fondatrice et présidente de la CNAO, un collectif qui regroupe 12 associations, elle pointe du doigt le manque d’adaptation des transports aux personnes obèses.
"On a l’impression que l’évolution des morphologies, en hauteur ou en largeur, n’est pas prise en compte. Qu’il s'agisse d’obésité ou d’une personne qui mesure 1,90, les sièges ne sont pas adaptés. Je ne connais pas l’intégralité du réseau francilien, mais dans les trams à Montpellier par exemple, il y a des banquettes sans séparation entre les sièges, et non deux places séparées. Les gens se posent moins la question et c’est plus confortable", explique Anne-Sophie Joly, elle-même en situation d’obésité.
La présidente du CNAO, qui habite à Puteaux (Hauts-de-Seine) et qui vit en région parisienne depuis plus de 30 ans, déplore "un manque d’anticipation" : "Quand vous concevez un métro ou un bus, le véhicule va être en service pendant de nombreuses années… En France, les derniers chiffres datent de 2020. On compte 8,5 millions de personnes obèses. Et si on ajoute les personnes en surpoids aux personnes obèses, ça représente 47% de la société. L’OMS prévoit qu’en 2030, en France, 29% de la population sera obèse. 2030, c’est demain."
"Dans le métro, il y a également les marches et le manque d’ascenseurs, ça concerne toutes les problématiques médicales et même les poussettes. Il y a aussi le problème de la taille des tourniquets. Le métro parisien a plus de 100 ans, je l’entends, mais ça pose un problème d’égalité. Qu’on parle d’obésité ou de n’importe quel handicap, ce n’est pas un choix de vie", souligne-t-elle.
Anne-Sophie Joly pointe également du doigt les incivilités et "le regard des gens". "On vous dévisage quand vous entrez dans un métro bondé, pour vous faire comprendre qu’il faut dégager. C’est la guerre, on vous regarde de travers si vous demandez à vous asseoir. J’ai des problèmes aux deux genoux, je marche avec une canne. Quand je suis dans le métro, j’ai du mal à rester debout longtemps. Parfois vous tombez sur des gens sympas, mais il y a souvent un vrai manque de bienveillance, c’est chacun pour soi. Dans les bus, quand le conducteur déplie la passerelle, parfois les gens râlent", déplore-t-elle.
"Ça ne concerne évidemment pas que les transports"
"C’est une question d’inclusivité et ça ne concerne évidemment pas que les transports, mais l’ensemble du mobilier urbain et de l’espace public, ou encore la taille des lits à l’hôpital. Les sièges doivent être plus larges que dans les années 50, et les voies doivent permettre le passage des fauteuils roulants. Il faut essayer de se projeter et de s’adapter", ajoute la présidente du CNAO.
Contactée, la RATP n’a pas répondu à nos sollicitations. Pour ce qui est de l’accessibilité des gares franciliennes, SNCF Gares & Connexions indique qu’un service "Assist'en gare" existe pour les personnes qui ont des difficultés à se déplacer et qui sont porteurs d’une carte d'invalidité égale ou supérieure à 80%. "Il s’agit d’un service d’assistance gratuit, avec une plateforme unique pour l’ensemble des transporteurs depuis le 1er janvier 2024 dans le cadre de l’ouverture à la concurrence. Pour les personnes à mobilité réduite, un agent d’assistance peut par exemple guider le voyageur du train vers un taxi ou vers le parvis", décrit l’entreprise.
SNCF Gares & Connexions ajoute qu’un programme d’accessibilité concerne plus de 700 gares au niveau national. "On mène des travaux, avec par exemple le rehaussement des quais, ou l’aménagement des passerelles et des souterrains avec des ascenseurs, afin de permettre aux personnes à mobilité réduite de voyager sans avoir besoin de demander une assistance", indique le gestionnaire.
À l’occasion de la journée mondiale de lutte contre l'obésité, Anne-Sophie Joly rappelle de son côté le rôle de son collectif, "agréé par le ministère de la Santé". "Notre job est d’essayer d’accompagner les personnes qui souffrent d’obésité et de plaidoyer en leur faveur au niveau de la santé et contre les discriminations. L’obésité est une épidémie non transmissible. L’obésité est le quatrième facteur de risque de décès au niveau mondial. C’est une maladie qui génère 19 pathologies associées, la 19e étant le Covid", détaille-t-elle.
La présidente du CNAO plaide pour la mise en place d’un "plan obésité sur 10 ans renouvelables, basé à Matignon". "Il faut des décisions politiques fortes pour la prévention et la reconnaissance de l’obésité comme maladie, mais aussi une vraie formation, obligatoire, pour les personnels de santé", ajoute-t-elle.