"Ils transporteraient des colis qu'on ne ferait pas la différence", la colère des usagers du PAM, le service de transport pour les personnes à mobilité réduite

Anciennement gérés par les départements, les services de transport public PAM à destination des personnes handicapés, dépendantes ou à mobilité réduite sont progressivement régionalisés depuis avril dernier. Un nouveau fonctionnement loin de faire ses preuves auprès des usagers.

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Depuis dix ans, Céline Bœuf utilise tous les mercredis soir le service de transport à la demande PAM, acronyme de "Pour Aider à la Mobilité", pour se rendre à son cours de natation à Paris, sur le seul créneau ouvert aux personnes aveugles et malvoyantes.

Pour cette non-voyante qui prend le métro quotidiennement, ce mode de transport dédié aux personnes à mobilité réduite lui permettait de rentrer à son domicile, dans le Val-de-Marne, sans avoir pour une fois à se poser trop de questions.

Un "luxe" qu'elle s'autorisait, mais qui ne lui est plus garanti aujourd'hui. Car depuis le mois d'avril 2023, le service de transport public, qui était jusque-là à la charge des départements, s'est progressivement régionalisé.

Des dysfonctionnements à répétition 

Les services PAM du Val-de-Marne, de Paris et de l'Essonne ont été unifiés dans un seul et unique PAM francilien, propriété d'Île-de-France Mobilités et géré par une filiale de Kéolis. Un service adapté censé simplifier la vie de ses usagers avec la création d'une plateforme unique de réservation. Mais dans les faits, rien ne se passe comme prévu.

"Avant, j'étais considérée comme une usagère régulière. Désormais, je dois réserver toutes les semaines pour ma course de la semaine prochaine", confie Céline Boeuf. "Ma charge mentale s'est considérablement accrue depuis la régionalisation. A priori, nous avons plusieurs moyens de contacter les services PAM, mais dans les faits ça ne fonctionne pas toujours. Maintenant, je ne vais à la piscine qu'une semaine sur deux environ, quand j'arrive à avoir une voiture", raconte-t-elle.

Plateforme qui n'enregistre pas sa réservation, mode de paiement moins adapté à son handicap, lenteur administrative… Depuis le mois d'avril, Céline Bœuf enchaîne les difficultés. "La dernière fois que je les ai eues au téléphone, j'ai fini en pleurs. Je ne sais plus comment leur dire qu'on a déjà un certain nombre de contraintes quotidiennes. Ils sont déconnectés des publics qu'ils doivent servir, se désespère-t-elle. Ils transporteraient des colis qu'on ne ferait pas la différence."

Une "automatisation du système"

Un constat partagé par Manuel Pereira, responsable du pôle accessibilité numérique au sein de l'association Valentin Haüy et utilisateur régulier du PAM. "Au départ, cette régionalisation partait d'un bon sentiment avec la création d'un numéro vert unique et la mutualisation des plateformes et des chauffeurs, mais dans les faits c'est une véritable catastrophe."

"Nous recevons beaucoup d'appels de bénéficiaires en détresse qui craignent de perdre leur emploi car ils arrivent en retard tous les jours."

Manuel Pereira

Selon lui, l'un des problèmes majeurs est l'accessibilité à la plateforme, qui n'est pas aux normes. "Actuellement, elle n'est utilisable que par des personnes technophiles et le site internet n'est pas accessible aux personnes déficientes visuelles", explique Manuel Pereira.

Depuis la régionalisation, il reçoit de nombreux témoignages d'usagers du PAM qui lui confient leur inquiétude alors que nombre de courses sont retardées chaque jour, quand elles ne sont pas tout bonnement annulées.

"Nous recevons beaucoup d'appels de bénéficiaires en détresse qui craignent de perdre leur emploi car ils arrivent en retard tous les jours. Dans le sens inverse, certaines personnes sont prises en charge mais le système informatique fait que les chauffeurs viennent les récupérer une demi-heure avant la fin de leur service, ce qui les met dans des situations très délicates vis-à-vis de leur employeur", déplore le représentant de la confédération française pour la promotion sociale des aveugles et amblyopes. (Œil paresseux, Ndlr) 

Manuel Pereira dénonce cette "automatisation du système", qui, poussée à l'extrême "met en danger les usagers". "Nous avons eu des échos de courses où les chauffeurs avaient pour consigne de déposer des enfants déficients mentaux devant leur institution avant l'heure d'ouverture du lieu, et ils devaient repartir pour une autre course. Autrement dit, si les chauffeurs suivaient scrupuleusement les consignes, ils devaient laisser des gamins seuls sur le trottoir, heureusement qu'ils ne l'ont pas fait."

"Il y a des signes d'amélioration"

La présidente d'Ile-de-France Mobilités, Valérie Pécresse, a annoncé ce vendredi un renforcement des moyens humains dans les mois à venir, avec un doublement des effectifs et un effort de recrutement sur les chauffeurs. Une simplification des démarches administratives est également prévue. 

"La présidente a également annoncé un assouplissement de la sous-traitance avec des recours aux taxis, en particulier aux heures de pointe", précise IDFM. Indiquant que ce jeudi, sur 13 000 courses commandées, 14 avaient été annulées, soit "moins d'1%". 

"Il y a des signes d'amélioration, l'objectif est d'atteindre un service 0 défaut", indique IDFM. Chaque année, 40 millions d'euros sont investis dans le PAM. En 2024, deux millions d'euros de plus vont être débloqués. De quoi permettre d'atteindre leurs objectifs, dont celui d'assurer un million de trajets annuels d'ici 2026, contre 700 000 actuellement. 

Autant de changements attendus par les 12 000 usagers du PAM et alors que la régionalisation doit s'étendre dès 2024 à l'ensemble des huit départements franciliens.

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