Les comédiens de doublage s'inquiètent de l'impact de l'intelligence artificielle sur leur métier. Ils ont manifesté à Paris ce mardi pour obtenir la protection de leur voix et de leurs droits.
Lauryanne, 29 ans, est comédienne, mais ses activités professionnelles l'ont amenée à pratiquer le doublage pour des séries, à être la voix off de films d’animation, de jeux vidéo ou de livres audio. "Je m'intéresse à tout ce qui se rapporte au domaine de la voix", explique-t-elle.
Récemment, elle a enregistré le dernier livre de Mélissa Da Costa, "Tenir debout" en version livre audio. "Mon travail consiste à lire l’ouvrage, à le raconter à des personnes qui ont envie de l'entendre plutôt que de le lire". "Les livres audio sont très prisés", précise-t-elle, "c'est un travail très humain et l'IA n’est pas encore incarnée au point de donner des émotions humaines."
Ce mardi matin, environ deux cents personnes se sont rassemblées derrière l'Opéra Garnier. Ils demandent à l'État de réguler et de légiférer sur la place de l'intelligence artificielle (IA) dans les métiers de la voix. "Les comédiens comme les techniciens sont concernés, on est tous en danger si l’I.A prend totalement notre travail", insiste Lauryanne.
La petite pluie qui s'est abattue sur le trottoir parisien ne démotive les manifestants. Au milieu des parapluies, les pancartes égrènent leurs slogans. "Intelligence artificielle = Culture artificielle". "Oui à l'intelligence artistique", "L'IA dehors, nos voix sont des trésors".
"IA casse-toi, tu ne touches pas à ma voix", scande les manifestants inquiets par l'essor de l'intelligence artificielle, qui menace leur métier.
Alors que des négociations ont lieu, au même moment, sur le trottoir d'en face entre syndicats, studios de production et grandes plateformes, les comédiens de doublage réclament des contrats garantissant la protection de leur outil de travail, leur voix.
Tous demandent un cadre face aux abus de l'IA. "On sait que ça avance, très vite et ce qu’on veut c’est légiférer. On est d'accord pour travailler avec IA mais sur quelle base ? À quel tarif ?" s'interroge Lauryanne.
15.000 emplois menacés dont 5000 comédiens
On ne connaît pas son visage, mais sa voix oui. Philippe Peythieu, est entre autres, la voix française d’Homer Simpson depuis 35 ans. Comme la plupart des manifestants, il demande aux studios et aux plateformes davantage de protection.
"Nous voulons que soit inscrite dans nos contrats une clause qui nous protège par rapport à l’IA. L'IA est un algorithme qui va puiser dans des bases de données et nous piquer nos voix", explique-t-il.
"On veut protéger nos métiers de la voix, on veut aussi protéger les techniciens qui travaillent dans ces secteurs, mais aussi les traducteurs, il y a tout un tas de métier, il y a 15 000 personnes qui sont menacées actuellement par l’IA".
La filière doublage représente en France 15.000 emplois dont 5.000 comédiens intermittents répartis sur une centaine d’entreprises, principalement en Île-de-France, rappelle dans un communiqué le collectif #TouchePasMaVF.
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"Nous ne sommes pas contre l'IA, mais au moins qu’on ait notre mot à dire et qu’on puisse monnayer cette utilisation de nos voix." (...)"C’est notre personnalité, notre création, nos émotions, ce sont nos données personnelles qui sont volées", résume Philippe Peythieu.
Ce spécialiste du doublage met en garde contre des utilisations illicites des voix des comédiens. "Il y a des sites payants qui font de l’argent avec nos voix", insiste Philippe Peythieux, "mais il y a aussi des youtubeurs qui utilisent nos voix avec des propos qu’on ne valide pas."
"On devrait avoir notre mot à dire sur ce type de contenus", renchérit Véronique Augereau, plus connue comme la voix française de Marge Simpson.
Le rassemblement des artistes de doublage sera suivi ce mardi soir par une assemblée générale afin de décider des prochaines actions à venir.