Peut mieux faire. Voici l'avis de la chambre régionale de la Cour des comptes qui publie un rapport sur le plan anti-crack mené depuis près de 3 ans dans la capitale. Elle pointe un certain nombre de dysfonctionnements.
Lancé en 2019, ce plan triennal a pour objectif de coordonner les actions de lutte contre la consommation de crack entre la municipalité, les préfectures de région et de police, le parquet, l’ARS, l’Agence régionale de santé et la Mission interministérielle de lutte contre les drogues et les conduites addictives.
Près de trois ans après, la CRC Île-de-France, la chambre régionale de la Cour des comptes, tire un bilan en demi-teinte. "Le plan a produit des résultats réels mais partiels et sans effet sur les atteintes à la tranquillité publique", expliquent les magistrats.
Le plan anti-crack a été passé au crible dans cet audit flash. "Sur 33 actions promises seules 20 ont été entreprises avec des effets inégaux", peut-on lire dans le rapport de la CCR. Si le plan semble avoir été majoritairement appliqué, ses "limites intrinsèques" n'ont pas permis de régler la crise, observe la CRC. L’audit pointe un certains différents dysfonctionnements.
Un plan sous-dimensionné
Le rapport émet des réserves sur ce plan sous-dimensionné dès le départ, pour les 700 à 800 consommateurs que compte la capitale.
Le budget initial était de 9 millions. Il a atteint les 25 millions d'euros. La stratégie collective des pouvoirs publics a permis de débloquer "de l'argent qui a été utilement dépensé", nuance Christian Martin, le président de la CRC francilienne. Environ 70% des 25 millions mobilisés ont permis la création de 440 places d'hébergement d'urgence pour sortir de la rue des toxicomanes. Les 30 autres pourcentages ont permis de renforcer les maraudes, peut-on lire dans le rapport.
Le manque de coordination des pouvoirs publics
Les magistrats sont plus sévères en ce qui concerne le manque de coordination entre les pouvoirs publics. La CRC regrette ainsi l'implication insuffisante de la police et la justice dans cette stratégie, qui n'intégrait pas la lutte contre le trafic comme objectif direct. "La préfecture de police et le parquet de Paris ont mené ce combat séparément, en contrecarrant parfois l'action de leurs partenaires sanitaires", ont-ils écrit.
Espaces de repos, Halte soin addiction et salles de consommation à moindre risques
Seuls deux espaces de repos sur les six prévus pour les usagers ont été ouverts sans ouverture nocturne, pointe la CRC.
L’hébergement "avec accompagnement sanitaire" lui, n’a pas connu le développement attendu par manque de personnels soignants, ou de locaux, pour faire face à un nombre de plus en plus importants de toxicomanes en errance dans l'est parisien notamment, soulignent les magistrats.
Christian Martin, président de la chambre régionale des comptes d’Île-de-France critique également la gestion des salles de consommation à moindres risques. "La réflexion ambigüe inscrite dans le plan sur de nouvelles salles de consommation à moindres risques a également nourri les tensions entre acteurs", affirme la CRC. Souhaitées par la mairie de Paris mais longtemps refusées par le ministère de l'Intérieur, elles se heurtent à l'opposition de collectifs de riverains et au manque de sites disponibles, malgré le feu vert du gouvernement.
En conclusion, selon les magistrats, "les toxicomanes sont en meilleure santé, mais la tranquillité n'a pas été rétablie". Ils appellent les autorités à "tirer les enseignements d'un dispositif désormais dépassé."
"Le plan crack est un premier pas"
Anne Souyris, élue en charge de la santé à la mairie de Paris a réagi à la publication de cet audit "demandé par la droite", a-t-elle tenu à préciser.
"Il faut aller plus loin affirme la Cour des comptes et ce en quoi, nous sommes complétement d’accord", assure-t-elle.
La ville veut se concentrer sur "l'hébergement et l'ouverture de lieux de repos avec des amplitudes horaires les plus larges possibles, quitte à mettre de côté pour le moment, le sujet des salles de consommation, rebaptisées Haltes soin addiction." (HSA), a annoncé Emmanuel Grégoire, le premier adjoint d'Anne Hidalgo.
"A chaque fois que l’on veut installer une structure pour les usagers de drogue, quelle qu’elle soit, cela provoque toujours beaucoup d’émotion auprès des riverains", confirme Anne Souyris. "La question est de faire de la concertation et des clauses de revoyure montrant que les choses peuvent être pacifiées avec les usagers quand on les prend en charge et cela dans de petites structures."
Concernant les manquements en matière de sécurité abordés par la chambre régionale de la cour des comptes, l'élue affirme : "cela fait des années que nous demandons à l’Etat d’agir sur cette question. On se sent seul face à cette mission sur laquelle nous n’avons aucun pouvoir. C’est une mission nationale. Rien n’a changé sur ce point."
Les pouvoirs publics travaillent sur "une phase 2 du plan crack", a annoncé la mairie.