Depuis trente ans, Patrice Moullet élabore des instruments incongrus dans son atelier situé sous la Défense. Toki Woki a eu le privilège d’entrer dans le laboratoire d'expérimentation musicale de l'inventeur.
Peux-tu te présenter et nous expliquer où l’on se trouve ?
Patrice Moullet : Nous sommes dans mon atelier sous la dalle de la Défense. C'est un espace qui fait à peu près 2 000 m3, consacré à l’élaboration d'instruments de musique. Il y a la stretchmachine pour piloter des synthétiseurs, l’OMNI – Objet Musical Non-Identifié – pour piloter des samples avec les mains ou avec les pieds. Il y a aussi un autre instrument, le percuphone, ma première création qui est passée par tous les stades de l'analogique et du numérique.
C'est quoi ton parcours Patrice ?
Patrice Moullet : J'ai commencé comme guitariste classique dans les années 60. Donc j'ai fait du très sérieux, du Bach, du Villa-Lobos, etc. Par la suite, j’ai électrifié mon son pendant mes années pop music avec un groupe qui s’appelait Alpes, emmené par la chanteuse Catherine Ribeiro. On a fait plus de onze albums avec de grosses maisons de disques, comme Philips et Phonogram. En 1982, j'ai arrêté le spectacle et le showbiz pour me consacrer à des instruments que j'avais développés à l'époque du groupe.
Parle-nous du premier instrument que tu as inventé
Patrice Moullet : Le percuphone est le tout premier instrument que j'ai fabriqué. La version que vous avez devant vous est à peu près le cinquantième prototype depuis 1967. Au début, c'était juste un instrument avec une corde de basse tendue sur une planche en sapin. Il y avait une ailette qui tournait au-dessus de la corde. Lorsqu’on soulevait la corde, elle entrait en contact avec l’ailette en produisant un son de percussion proche des tablas et des bongos. Je suis passé de l’analogique au numérique vers 1982, et les cordes ont été remplacées par des tiges percutées par des lamelles tournantes, montées sur des roues. Ici, on a des claviers qui permettent de faire monter les lamelles pour qu'elles entrent dans le champ de percussion. C'est un instrument que j'ai toujours fabriqué moi-même, de A à Z. Tout est en aluminium et en bronze.
Et cet autre instrument-là, qu’est-ce que c’est ?
Patrice Moullet : Cet instrument s'appelle l’OMNI. Il est composé de 108 plaques, produisant 108 sons différents. Mais en réalité, il y a une infinité de sons possibles en les combinant. Les plaques de couleur, faites de métal émaillé, forment une sorte de tortue multicolore. À chaque fois que l’on frappe une plaque, un capteur en-dessous transforme la vibration en courant électrique. Ensuite, il y a tout un système qui transforme ce courant électrique de signal analogique à signal numérique, pour aller chercher le son à jouer dans l'ordinateur.
Tu as d’autres instruments à nous montrer ?
Patrice Moullet : Je vais vous présenter un instrument qui pilote des sons de synthèse fabriqués en temps réel. Le principe de cet instrument est assez simple : il y a huit filins tendus en seize points, qui pilotent huit synthétiseurs : chaque filin a son synthétiseur attitré. En tirant un filin, je vais déclencher le son. Et plus je vais tirer le filin, plus je vais le déformer, en temps réel. Contrairement à l’OMNI, quand on déclenche le son, on ne peut plus le contrôler.
Découvrir de nouveaux instruments, c’est assez rare, non ?
Patrice Moullet : Les instruments nouveaux, c’est un monde assez complexe. Mais c'est fascinant, bien sûr ! Le côté « confidentiel » est intéressant : il y a un combat à mener pour arriver à les faire connaître.
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