Le ministère public avait requis mercredi à Paris une peine de 18 ans de prison à l'encontre du principal accusé (qui a vendu l'arme au tueur) dans le procès de l'assassinat du policier Xavier Jugelé sur les Champs-Élysées en avril 2017. La Cour l'a condamné à 10 ans de prison.
Le policier était au volant d'un fourgon de police en haut des Champs-Élysées quand il été mortellement touché par une arme de guerre. Karim Cheurfi avait blessé trois autres personnes, dont deux policiers, avant d'être abattu par les tirs de riposte des policiers.
Selon l'accusation, c'est Nourredine Allam, 31 ans, qui a vendu à Karim Cheurfi "la kalachnikov chargée de 25 balles minimum" avec laquelle ce dernier a tué Xavier Jugelé le 20 avril 2017.
Trois jours avant le premier tour de l'élection présidentielle, cet attentat aussitôt revendiqué par le groupe État islamique avait marqué la fin de la campagne électorale.
Il ne pouvait ignorer les projets du terroriste selon l'accusation
Sur fond d'actualité récente marquée par les attaques visant les forces de l'ordre, les avocates générales ont demandé d'assortir la peine requise contre M. Allam d'une période de sûreté des deux tiers.
Huit ans d'emprisonnement ont par ailleurs été requis contre deux des trois autres accusés, Yanis Aidouni et Mohammed Bouguerra, pour avoir participé à la vente de la kalachnikov à Nourredine Allam, le seul poursuivi sous la qualification terroriste. L'accusation a enfin demandé une peine de vingt-quatre mois de prison, dont douze avec sursis, à l'encontre du dernier accusé, poursuivi pour la détention du fusil d'assaut.
Selon le ministère public, Nourredine Allam a permis à Karim Cheurfi de "concrétiser son projet terroriste".
Pour les avocates générales, s'il n'adhérait pas idéologiquement au projet de Karim Cheurfi, il ne pouvait ignorer que ce dernier, qui habitait dans le même quartier que lui à Chelles (Seine-et-Marne), souhaitait tuer des policiers. Karim Cheurfi avait été condamné en 2005 à quinze ans de prison pour tentative d'assassinats de policiers.
Il affirme seulement lui avoir acheté une moto
Condamné à 19 reprises entre 2004 et 2013, Nourredine Allam a été dépeint par l'accusation comme un "magouilleur qui vit de petits trafics et embrouilles", "un être totalement dépourvu de repères, à la personnalité dominée par l'égocentrisme et l'immaturité et qui "ne recherche que le profit individuel".
Nourredine Allam a nié en bloc les accusations portées contre lui et affirmé avoir seulement acheté à Karim Cheurfi sa moto.
Son avocate a demandé ensuite l'acquittement "sans la moindre hésitation" au "bénéfice du doute" qui doit profiter à l'accusé. Me Clarisse Serre a ainsi réfuté la qualification terroriste retenue en soulignant qu'à "aucun moment n'avait été apportée la preuve que Karim Cheurfi était radicalisé" et donc que Nourredine Allam "était au courant de la mouvance" supposée à laquelle l'assaillant appartenait.
Elle le décrit comme "un taré", animé d'une volonté de tuer des policiers, mais "est-ce que tuer un policier avec une kalachnikov est-ce une AMT (association de malfaiteurs terroriste) ?" Non, cette qualification suppose une "adhésion idéologique", a-t-elle poursuivi.
"Du doute, des hypothèses"
L'autre avocat de Nourredine Allam, Me Jean-Baptiste Leclerc, s'est attaché à souligner les incohérences d'un dossier dont il ne ressort selon lui "que du doute, des hypothèses".
Aucune empreinte génétique ou papillaire de Nourredine Allam n'a été retrouvée sur la kalachnikov, qui a très bien pu être remise à Karim Cheurfi par Yanis Aidouni sans son intermédiaire.
Pour appuyer son hypothèse, il a notamment pointé du doigt le manque de fiabilité des éléments apportés par l'accusation (fadettes téléphoniques, géolocalisations) et de crédit des témoins.
Me Jean-Baptiste Leclerc a également souligné les incohérences et changements de version de Yanis Aidouni et Mohammed Bouguerra, qui accusent tous les deux Nourredine Allam d'avoir vendu la kalachnikov à Karim Cheurfi. Deux copains inséparables qui ont très bien pu se concerter pour ourdir un "complot" envers Nourredine Allam, qui lui "n'a jamais changé de version". Le verdict est attendu jeudi.