"Politique de gribouille”, projet "vidé de sa substance"... La "zone apaisée" suscite des critiques à Paris

Initialement prévue cette année, la zone conçue pour interdire "le trafic de transit" de véhicules motorisés dans le centre de la capitale sera finalement mise en place en 2024. Alors que l’association Paris en Selle critique un recul de la part de la Ville, la préfecture de police "exprime de fortes réserves".

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Un an et demi de délai pour permettre une "concertation optimale". Le projet de "zone apaisée", porté par la maire PS Anne Hidalgo, verra finalement le jour début 2024. Un lancement à la mi-2022 avait été précédemment annoncé, en mai 2021. L’objectif reste le même : limiter le trafic automobile dans le centre-ville, en réservant la circulation à certains véhicules.

Le périmètre de cette "zone apaisée”, aussi appelée "zone à trafic limité" (ZTL), englobe les quatre premiers arrondissements et les parties des Ve, VIe et VIIe situées entre le boulevard Saint-Germain et la Seine. La zone doit être délimitée par les Grands Boulevards au nord, et le boulevard Saint-Germain au sud.

Du côté des commerçants, Robert Pronzato, un épicier italien situé rue des Petits-Champs (Ier arrondissement), se réjouit plutôt à l’idée de voir moins de voitures devant son magasin : "Au niveau respiratoire, franchement c’est mieux. Je vis depuis très longtemps dans cette rue. Avant c’était une voiture derrière l’autre, des pots d’échappement toute la journée… Je peux vous dire que les carreaux devaient être faits tous les trois jours."

Dans le quartier de la Bourse, Alain Fontaine, restaurateur dans le IIe arrondissement, critique au contraire le projet : "Il faut que les gens puissent stationner près des magasins pour charger. Donc c’est faire une place énorme aux grandes surfaces en extérieur de Paris. Et faire en sorte que la vie des Parisiens et des Parisiennes se limite à une ville-dortoir."

Pourtant, sur son site, la mairie de Paris inclut les véhicules réalisant des livraisons dans la liste des cas autorisés dans la zone. Au-delà des piétons, des vélos, des bus, des taxis et des résidents, pourront également circuler une série d’usagers : commerçants, artisans ou encore personnes à mobilité réduite.

"Contrôles aléatoires" et VTC autorisés "en contrepartie d'engagements pour des véhicules plus verts"

"J'y réalise une consultation médicale, je vais dans un magasin/commerce, je vais dans une galerie d’art, je vais chez des amis, je vais au cinéma, je réalise une intervention/un dépannage professionnel"... : la Ville liste de nombreux cas de figure. A noter que les VTC - dont les chauffeurs s’étaient insurgés contre le projet - pourront également accéder au périmètre, "en contrepartie d'engagements pour des véhicules plus verts et une amélioration des conditions sociales des conducteurs" d’après l’adjoint en charge de la transformation de l’espace public et des mobilités, David Belliard (EELV).

La mairie de Paris a fait un point jeudi après-midi sur le projet, en rappelant le but : diminuer le nombre de véhicules qui traversent la capitale sans s’arrêter. Environ 250 000 chaque jour, selon la Ville.

Pour entrer dans la zone, il faudra se munir d’un justificatif. "On va discuter dans la concertation pour choisir le document à produire, mais ça pourrait être par exemple un ticket de stationnement, un ticket de caisse, indique Emmanuel Grégoire (PS), premier adjoint à la mairie de Paris. On veut des choses extrêmement simples, c’est vraiment la règle : j’ai besoin d’y aller, j’ai le droit d’y aller. Par contre, on n’aura pas le droit de traverser."

Des "contrôles aléatoires" seront réalisés en sortie du périmètre. "Pour la plupart des véhicules bénéficiant d’une dérogation pour transiter, il n’y aura pas besoin de justificatif car les véhicules sont reconnaissables à l’œil nu (véhicules de secours et d’urgence, bus, vélo, taxi, autopartage, PMR, VTC qui doivent avoir un macaron, ambulances,…)", indique la Ville sur son site.

"La préfecture de police se charge d'achever le projet au nom de la sacro-sainte fluidité du trafic"

Malgré les changements annoncés par la mairie de Paris, le projet suscite toujours des critiques de la part des élus de droite. Jean-Pierre Lecoq, le maire LR du VIe arrondissement, pointe du doigt une "politique de gribouille” et s’oppose à la mise en double sens du boulevard Saint-Germain. Selon l’édile, la zone risque de reporter le trafic dans les zones adjacentes : "Si vous avez une congestion boulevard Saint-Germain et boulevard Saint-Michel, il est évident que la pollution mettra quelques minutes à attirer rue des Beaux-Arts ou rue de Seine, même s’il y a moins de voitures à cet endroit-là."

La préfecture de police, elle, "exprime de fortes réserves sur le projet tel qu'envisagé". Selon la PP, "les caractéristiques actuelles du projet risquent de créer des difficultés pour la circulation des services de secours et de police en périphérie de la zone, et pourrait par ailleurs avoir un impact négatif pour l’activité économique de la capitale". La PP, qui rappelle que "la police de la circulation est une compétence partagée entre le préfet de police et la mairie de Paris", dit pour autant ne pas s’opposer au "principe d’une ou plusieurs zones à trafic limité (...) qui répond à de légitimes enjeux environnementaux".

Suite à ces critiques, la mairie de Paris a annoncé interpeller l'Etat, même si elle entend toujours travailler "main dans la main" avec la préfecture sur ce dossier. "Nous allons interpeller (la ministre de la Transition écologique) Barbara Pompili et (le ministre des Transports) Jean-Baptiste Djebbari pour savoir si le préfet exprime une doctrine conservatrice de l'Etat ou une position individuelle", a déclaré vendredi à Emmanuel Grégoire, premier adjoint (PS) de la maire de Paris Anne Hidalgo.

Le communiqué de la PP, publié jeudi, a, par ailleurs suscité la colère de l’association Paris en Selle, qui milite pour le développement du vélo. "Sans surprise, la préfecture de police se charge d'achever le projet au nom de la sacro-sainte fluidité du trafic et, plus surprenant, du risque pour l'activité économique (quand toutes les études prouvent le contraire)", commente l’association sur Twitter.

Paris en Selle critique également la mairie de Paris : "La ZTL, initialement prévue pour début 2022, est repoussée à 2024, vidée de sa substance". L’association déplore un "flou total autour des moyens de contrôle" et l’absence "d'engagements clairs sur le plan de circulation".

Prochaines étapes du calendrier pour la Ville : saisir l'Autorité environnementale, réaliser une étude d'impact et lancer une enquête publique en consultant les autorités de transports et les commerçants.

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