Procès des attentats du 13-Novembre : le difficile parcours d’indemnisation des victimes du terrorisme

Au nom de la solidarité nationale, les victimes sont indemnisées par le Fonds de garantie des victimes des actes de terrorisme et d’autres infractions (FGTI). Le parcours d’indemnisation est parfois compliqué et douloureux. A ce jour, 2630 victimes des attentats du 13-Novembre sont accompagnées par le FGTI

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Le soir du 13 novembre 2015, 130 personnes ont perdu la vie, au Stade de France, sur les terrasses parisiennes et au Bataclan et deux personnes se sont données la mort suites aux attentats. Près de 500 personnes ont été blessées, touchées dans leur chair.

Service public d’indemnisation des victimes, le FGTI prend en charge, au nom de la solidarité nationale, les personnes victimes d’attentats et les proches des victimes décédées en assurant l’indemnisation de leurs préjudices physiques et psychiques.

2630 victimes accompagnées par le FGTI

Selon les derniers chiffres communiqués par le FGTI, 2630 personnes sont accompagnées par l'organisme. Le Fonds de Garantie a émis une offre d’indemnisation définitive pour 2 469 victimes, soit 94 % d’entre-elles. Sont concernées : 

  • 714 proches de victimes décédées
  • 598 victimes blessées et leur proches
  • 1318 victimes blessées psychiques

Cette indemnisation est financée par une contribution sur les contrats d’assurance. "C’est de l’argent public et notre mission est d’indemniser le préjudice, ni plus ni moins. Cette indemnisation est financée par les citoyens français", déclare Julien Rencki, le Directeur général du Fonds de garantie des victimes des actes de terrorisme et d’autres infractions (FGTI).

Pour la majeure partie d’entre elles, soit 1817 victimes, l’indemnisation est aujourd’hui terminée. Pour 652 victimes, cette offre qui s’accompagne du versement de 80 % du montant proposé n’est pas encore acceptée. Enfin, pour 161 victimes, la procédure d’indemnisation se poursuit. Il s’agit de victimes dont l’état de santé n’est pas encore stabilisé, et pour lesquelles des expertises médicales sont programmées, et majoritairement de victimes ayant subi des traumatismes psychiques mais qui n’ont saisi que relativement récemment le FGTI. Au total, 155 millions d'euros ont été versés aux victimes annonce le FGTI.

Notre mission est d’indemniser le préjudice, ni plus ni moins

Julien Rencki, Directeur général du FGTI

La réparation financière en question

Le processus d'indemnisation passe par des rendez-vous pour expertiser les traumatismes. "En France, l’indemnisation des victimes d’attentats repose sur une approche individualisée. Il ne s’agit donc pas d’une procédure automatique forfaitisée, mais d’une indemnisation au cas par cas, tenant compte du retentissement particulier de l’attentat pour chaque victime, au plan personnel (blessures physiques et psychiques) et au plan économique", explicite Julien Rencki, le Directeur du Fonds d'indemnisation.

"Il faut donc trouver l'indemnisation la plus ajustée à la réalité du retentissement pour une personne. Cela implique donc de pouvoir documenter les préjudices et cela est souvent mal vécu par les victimes (...) On essaye de pas bombarder la victime de courriers, on préfère la rencontrer en face-à-face pour expliquer la procédure, pour recueillir les informations, on essaye de personnaliser la relation et qu’elle ne soit pas confrontée à une bureaucratie", se défend Julien Rencki.

A ces expertises médicales et psychologiques s'ajoute l'obligation de démontrer les conséquences économiques des attentats sur la vie quotidienne et professionnelle (arrêts de travail, factures, perte de revenus) pour évaluer le montant de l'indemnisation auprès du FGTI.

"Quand j’ai repris mon travail à mi-temps thérapeutique, cela n’a pas convenu à mon employeur et j’ai été licenciée pour désorganisation de service. Le FGTI a eu énormément de mal à prendre en compte la perte du travail. Il va chercher dans notre vie d’avant les attentats, dans notre enfance, dans nos relations familiales pour expliquer telle ou telle situation, tel ou tel comportement pour minimiser l'impact de l'attentat et le dédommagement financier", expliquait Faustine, une victime des attentats, lors d'une interview faite durant le procès. Avant les attentats, elle était Responsable des ressources humaines.

"Cela fait peser sur les victimes déjà traumatisées un travail de preuves, de justifications, d’argumentations délétère dans un parcours de reconstruction. Beaucoup de victimes nous disent : 'j’ai fait une première expertise ça s’est très très mal passé, je n’y retournerai pas, je prendrai ce que l’on me donne'", ajoute Sophia Seco, la Directrice générale de la FENVAC, la Fédération nationale des victimes d'attentats et d'accidents collectifs, soulignant que beaucoup de victimes se sentent coupables, de ne pas avoir été physiquement blessées ou tuées.

Le parcours douloureux de l'expertise psychologique

Pour les personnes atteintes de traumatismes psychologiques, celles que l'on appellent les "invisibles", car elles n'ont pas été blessées physiquement mais ont subi un choc traumatique important, le parcours d'indemnisation peut s'avérer un moment douloureux. "La plus grande difficulté réside dans la reconnaissance des victimes blessées sur le plan psychologique, on parle de blessures invisibles", explique Sophia Seco. 

"Le 13 novembre, j’étais au Bataclan avec mon mari et deux amis. Mon conjoint est décédé. J’ai un dossier de victime directe car j’ai été blessée et j’ai également un dossier de victime indirecte ayant perdu mon conjoint. Ce n’est pas du tout pareil aux yeux du Fonds de garantie (FGTI). Le traitement et le parcours d'indemnisation sont très différents", témoignait également, Faustine.

Les victimes "invisibles" doivent demander une expertise psychologique pour évaluer les séquelles psychiques. Elle est réalisée par un expert indépendant mandaté par le FGTI. Etape clé de la procédure d’indemnisation, elle est un des points de crispation du parcours d’indemnisation, selon plusieurs parties civiles qui ont pris la parole depuis le début des audiences au procès.

Il faut prouver son statut de victime

Faustine

"Quand on est une victime directe, on est automatiquement expertisée, quand on est une victime indirecte il n’y a pas d’expertise automatique. Les victimes indirectes sont obligées de réclamer des expertises pour prouver leur souffrance psychique. Ces expertises sont très compliquées car il faut apporter beaucoup de preuves comme les ordonnances de traitements médicamenteux, des suivis psy... Et puis cela dépend de l’expert sur lequel on va tomber. Certains sont tout à fait corrects, il faut le reconnaître. D’autres manquent de bienveillance. Nous ne demandons pas de l’empathie mais de la bienveillance. Beaucoup de victimes ont l’impression de se faire juger", ajoutait-t-elle.

ll se comporte comme un simple assureur

Faustine

"Quand vous avez l’organisme qui est chargé de réparer les conséquences de ce que vous avez vécu et qui au nom de la solidarité nationale, remet en cause ce que vous lui dites, c’est très compliqué. Au mieux cela génère de la colère au pire ça vous décourage et vous laissez tomber", abonde Sophia Seco.

Julien Rencki le reconnaît : "ce moment est toujours sensible et parfois douloureux pour les parties civiles, pour les victimes, car elles sont en présence d’un médecin expert qui n’est pas un soignant. Il est là pour évaluer de manière aussi objective que possible l’état de santé et les séquelles qui sont imputables à l’attentat. Pour les victimes c’est un moment où elles vont être confrontées à ce qu’elles ont vécu et c’est structurellement difficile."

Améliorer le parcours d’indemnisation

Le FGTI a entrepris en 2017 une réforme du processus d'indemnisation pour en améliorer le parcours en privilégiant le contact direct, la transparence et la pédagogie selon ses propres mots. Ces réformes ont été conduites avec les associations de victimes et d’aide aux victimes.

Nous sommes dans un processus d'amélioration continue

Julien Rencki, Directeur général FGTI

Une charte des bonnes pratiques de l’expertise médicale a été rédigée il y a maintenant 2 ans avec les associations, les médecins, les avocats. "Elle a pour objectif de faire en sorte que l’expertise se déroule dans les meilleures conditions possibles pour les victimes, en leur assurant un accueil et une écoute respectueux et bienveillants, une transparence complète sur le déroulement de l’expertise, ainsi que le strict respect de leur intimité et la garantie du principe du contradictoire", explique le FGTI.

Des propos confirmés par les associations de victimes comme la Fenvac. "Grâce au travail de l’association, au retour des victimes qui ont fait remonter un certain nombre de dysfonctionnements sur la pratique du fonds d’indemnisation, le FGTI a amorcé une réflexion sur ses pratiques pour améliorer la relation avec la victime. Reste cependant que les médecins experts sont rétribués par le Fonds de garantie et qu’il peut y avoir conflit d’intérêts", assure Sophia Seco.

De nouveaux préjudices en faveur des victimes ont également été reconnus par le droit français comme celui "d'attente et d'inquiétude des proches" et le "préjudice d'angoisse de mort imminente".

Pour aider au mieux les victimes, la DIAV, la Délégation interministérielle à l’aide aux victimes a été créée en 2017. Elle veille à améliorer les dispositifs d'aides. Elle s'est saisie du douloureux dossier de l'expertise médicale et psychologique. 

A noter qu'en cas de désaccord, les victimes peuvent saisir un médiateur ou un juge à la JIVAT, juridiction de l’indemnisation des victimes d’actes de terrorisme qui siège au tribunal judiciaire de Paris. Pour elles, cela signifie aussi avoir la force de se replonger pendant de longues années dans l’attentat et ses traumatismes. "Pour se reconstruire, il faut en avoir fini avec le procès pénal et la page indemnitaire. Les victimes lâchent l’affaire avant, par fatigue. Le fonds de garantie le sait et il joue la montre en se vantant de n’avoir que peu de recours devant le juge", soulignait néanmoins Faustine.

 

  

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