REPORTAGE. À la caféothèque, on apprend à déguster le café comme un grand vin

Déguster un café et s’initier à des grands crus, sur le modèle de cours d’œnologie, c’est ce que propose la caféothèque de Paris. Découverte de l'atelier de caféologie avec Gloria Monténégro, sommelière de café.

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Ceux qui se rendent à la Caféothèque aiment le très bon café. Situé au 52 rue de l’Hôtel-de-Ville, à quelques pas de l’Île-Saint-Louis, ce lieu est le temple des grands crus de café venus du monde entier. Ici, on le déguste comme du grand vin et on peut suivre sa trace, du caféier à sa tasse.
Mieux, encore, on peut apprendre à le choisir, et à l’apprécier en suivant des cours en amateurs ou professionnels. Comme ces trois élèves, simples consommateurs de café.

Pierrick, 23 ans, ce parisien est étudiant à l’École de Danse. Il participe à l’atelier animé par Gloria Monténégro, fondatrice des lieux et sommelière en café. "J’adore le café, mais je n’ai aucune connaissance. Je veux apprendre à bien choisir un café et comment le préparer", explique-t-il.
À ses côtés, Léonard, 23 ans et Alexandre, 26 ans, viennent d’Orléans. Tous deux, youtubeur, ils se sont inscrits à cet atelier pour initier leur palais à des grands crus de café. "Moi, à la base, le café, c’est comme tout le monde, je l’achète dans un supermarché et je le verse dans ma cafetière. Bon ou mauvais, je le bois, tous les matins. Avec Leonard, on a voulu suivre ce cours pour avoir des notions pour apprécier un bon café".

Souvent rivale du thé, le café est la boisson mondiale la plus consommée en France, juste après l’eau. De quoi avoir envie de s’initier et de devenir un fin goûteur.
Le cours débute par un voyage à travers différents coins du monde d’où provient cette précieuse graine… Dans la salle de cours, un mur de tiroir plein de café venu du monde entier, nous invite à voyager.
"Nous travaillons avec des producteurs qui produisent du café en Colombie, au Kenya, en Ethiopie, en Martinique, en Jamaïque.ou encore au Nicaragua. Et nous torréfions nous-mêmes le café", explique Gloria Monténégro.

De la terre à la tasse 

Gloria Monténégro, cheveux courts, dynamique, mince, souriante. Son visage s’illumine et ses yeux pétillent dès qu’elle parle de café. Ses connaissances, son talent de conteuse et son accent espagnol nous invitent à la suivre dans ce parcours initiatique. Origines observation, dégustation, le café est passé au crible durant ces quatre heures de cours de caféologie. L'exercice est loin d'être évident pour les trois élèves. Les cafés torréfiés comptent plus de 800 composés aromatiques différents. Il faut donc un entraînement non négligeable pour apprendre à les différencier.

Tout un protocole est à respecter, comme un sommelier ou un œnologue pour sélectionner un café d'appellation d'origine. C'est un cocktail de saveurs révélé par une dégustation visuelle, olfactive et gustative

Gloria Monténégro, fondatrice de la Caféothèque et sommelière en café


"Le café, c’est d’abord, un fruit de la nature" rappelle Gloria Monténégro. "Et chaque plantation donnera des cafés différents", précise-t-elle. Il en est de même pour les méthodes de culture qui diffèrent selon les pays et ses régions. "La meilleure qualité de grains est issue d’arbres cultivés en altitude, sous ombrage, entourés d’une riche biodiversité. Le rapport ensoleillement et ombrage du caféier, ainsi que les fleurs et les fruits qui l’entourent, la faune et la nature de son sol, entretiennent un lien puissant. C'est ce qu’on appelle « le profil de tasse », c’est-à-dire, les arômes propres à chaque Café de terroir", explique-t-elle.


Gloria Monténégro distribue ensuite trois barquettes contenant des grains différents. Leur couleur dépend de la terre où le caféier a poussé. Une note sur 100 selon une grille d’évaluation bien précise sera donnée. "Le grain qui obtient la note de 100 signifie que nous avons un grand cru de qualité", explique Gloria Monténégro. Plus le terroir est riche et la culture maîtrisée, meilleur sera le résultat en tasse. Cette note est délivrée par la SCA, la Specialty Coffee Association. Pour entrer dans la catégorie des cafés de spécialité, un café doit associer plusieurs critères : une traçabilité précise, une note de dégustation d’au moins 80 points (sur un total de 100).

"Les grands crus se distinguent comme on distingue un grand vin", explique Gloria Monténégro. "Tout un protocole est à respecter, comme un sommelier ou un œnologue. Car le café d'appellation d'origine est un cocktail de saveurs bien plus riche, que nous révèle une dégustation visuelle, olfactive et gustative que nous allons découvrir ensemble", explique l'experte.  

Pour cela, tout est rituel est dressé sur la table. Tasse, cuillère à entremets, verre d’eau pour se rincer la bouche entre chaque café. Après l’histoire de la graine, place à la pratique.

Un atelier d’éveil des sens 

J’ai senti comme une odeur de terre, de feuilles humides et je me suis souvenu d’une balade en forêt quand j’étais petit

Pierrick, 23 ans, parisien, étudiant à l’École de Danse

La sommelière pose devant chaque élève trois tasses contenant trois crus différents. À l’intérieur, 12 grammes de café sont pesés avec une petite balance de cuisine. "Il faut vraiment ne pas dépasser ce poids pour chaque tasse, car au-delà, le café piquera en bouche et ses arômes seront écrasés" prévient-elle.

L’étape de la mouture est une étape importante. "Quelle que soit la préparation envisagée, pour une boisson optimale, le grain doit être moulu juste avant l’extraction", prévient Gloria Monténégro.

Les élèves sont invités à sentir et noter chaque senteur, impression, souvenir, que cette odeur leur inspire. Pierrick lève la tasse jusqu’à ses narines et ferme les yeux. Interrogé par la spécialiste, il semble lui-même surpris par l’exercice : "J’ai senti comme une odeur de terre, de feuilles humides et je me suis souvenu d’une balade en forêt quand j’étais petit", avoue-t-il visiblement ému.

Gloria Monténégro frappe dans ses mains et lance : "C’est super ça, tu as été embarqué par tes émotions. C’est ce qu’on appelle la mémoire olfactive." Cette mémoire repose sur un phénomène complexe, rappelle-t-elle. "Lorsque l’on sent une odeur, il se crée un processus de mémorisation qui capture l’odeur, mais aussi l’environnement et les émotions qui y sont associées. Moi, lorsque je bois un café qui a un goût d’ananas, je me revois, petite au Guatemala, dans une fête foraine, sur une chaise volante avec ma jolie robe qui s’envolait", confie-t-elle en riant. Elle saisit la bouilloire et verse l’eau bouillante dans chaque tasse. Un réconfortant nuage de fumée s’élève.

Et la pièce se remplit d’une délicieuse odeur de café. Là, encore la formatrice apporte des explications : "Pour un café, la température de l’eau ne doit pas dépasser 92 °C, au-delà, les arômes seront altérés."

La mousse, la robe du café 


Les arômes se mélangent et une mousse onctueuse se pose à la surface de la tasse.
Pour la dégustation, les sommeliers du café évaluent plusieurs critères : l’aspect visuel, le parfum et le goût. C’est la combinaison des trois qui leur permettra d’apprécier le café à sa juste valeur, et de déterminer ceux qui sont le plus dignes d’intérêt.

L’analyse de la crème répond donc à cette première évaluation basée sur l’aspect visuel du café. L’onctuosité, l’épaisseur et la couleur donneront des indices précieux au sommelier, qui seront confirmés plus tard à la dégustation.

Observer la mousse de son café. Sa couleur et son épaisseur permettent d’enrichir la texture et la saveur du café, mais rendent également compte de la fraîcheur des grains. Plus la fève est éventée, moins elle produira de mousse et celle-ci peut d’ailleurs être épaisse, onctueuse ou encore fine. "Vous pouvez également observer la disposition de la mousse dans la tasse. Un aspect 'moucheté-tigré' avec une couleur située entre le brun et le noisette traduit une bonne extraction des grains. Ce contact visuel atteste d’un premier ressenti vis-à-vis du café, qui se confirmera ensuite au parfum puis en bouche", décrit Gloria Monténégro.

 

La dégustation

Un aspect « moucheté-tigré » avec une couleur située entre le brun et le noisette traduit une bonne extraction des grains

Gloria Monténégro

Le moment tant attendu arrive. Pas question de porter la tasse à sa bouche. C’est avec une cuillère à entremets, car il faut qu’elle soit creuse, que les élèves goûtent leurs trois cafés, avec un protocole particulier et plutôt bruyant. L'experte leur montre. Elle remplit sa cuillère, souffle très fort dessus, et boit en aspirant très bruyamment. "En aspirant un peu de café avec de l'air, cela permet de diffuser au mieux les arômes sur toute la langue et le palais. Recommencez pour chaque tasse, et je veux vous entendre souffler fort", conseille-t-elle ! D’abord gênés, les élèves s’y prêtent et un concerto s'élève dans la salle, entrecoupé par des petits rires. Le résultat surprend les élèves.

"Le palais et la langue vont chercher les éléments primaires à savoir l’amertume, l’acidité, le côté sucré ou fruité ou encore boisé", explique Gloria Monténégro.
Pierrick reconnaît qu’avec cette méthode les arômes se sont diffusés à l’ensemble de son palais, pour rester suspendu au bout de sa langue.

Choisir un café et l’apprécier ça s’apprend, au même titre qu’on apprend à choisir un bon vin

Gloria Monténégro

En dégustant un café, on évalue son aspect, mais aussi, et surtout, les sensations olfactives et gustatives produites lors de son passage en bouche. Voici le petit lexique à repérer. Les arômes (ou l'intensité aromatique), "ce sont toutes ces sensations olfactives qui s’échappent du café infusé et que vous ressentez par votre nez et votre pharynx, parmi lesquelles les arômes caramélisés, fruités, chocolatés, épicés, floraux", décrit la formatrice.

Ensuite vient l’amertume. C’est cette sensation gustative qui permet de qualifier le caractère du café, allant du doux, au corsé. Puis on étudie le corps. "C’est ce qui détermine l’épaisseur en bouche du café, léger ou plus dense. Cette caractéristique dépend des origines et de la torréfaction du café", rappelle-t-elle. Enfin, on termine avec l’acidité : "C’est critère essentiel de l’équilibre et de la finesse du café, car l’acidité renforce l’expression des arômes et atténue l’amertume", termine la spécialiste.

Les élèves procèdent à l’étude de ces caractéristiques pour chaque tasse. Alexandre apprécie le café de la tasse numéro une et n’apprécie pas du tout celui de la tasse 3. Pierrick et Leonard n’apprécient pas non plus le dernier breuvage. Le verdict tombe.

La tasse une et deux sont des grands crus artisanaux et la tasse trois, un café industriel. En quelques heures, les trois élèves ont su éveiller leurs sens.

"Le café de spécialité, c’est l’équivalent d’un grand cru pour le vin. Choisir un café et l’apprécier ça s’apprend, au même titre qu’on apprend à choisir un bon vin" , explique Gloria Monténégro. Ex-ambassadrice du Guatemala, le café, c’est sa passion. Elle a publié un livre dédié à ce sujet et milite pour faire boire de bons cafés. "Il vaut mieux boire moins de café, mais mieux. Un café industriel est un café trop torréfié, dont la graine a brûlé, qui est non seulement néfaste pour la santé, mais dont le goût est dénaturé totalement. En plus, il n’est pas forcément moins cher qu’un café de spécialité", avertit-elle.
Alors, le « what's else» de Georges Clooney, un mythe ?,ose-t-on lui demander. Elle lève les yeux au ciel et balaie de sa main la remarque en s’exclamant : "mais enfin, c’est du marketing tout ça. Ce n’est pas une machine qui fait un bon café, c’est l’origine du café, sa torréfaction et la température de sa cuisson qui font un bon café".



L’atelier s’achève sur une évasion olfactive. Digne d’un grand nez, Gloria pose sur la table, une longue boîte noire qui conserve une cinquantaine de petits flacons. Elle en distribue cinq à chacun de ses élèves accompagnés d’une fiche où ils cochent les cases des senteurs qu’ils ont décelées.
"Ces ateliers sensoriels permettent aussi de s’initier à la distinction des arômes, comme dans le vin, on trouve des notes aromatiques dans le café : réglisse, citron, chocolat noir, tabac, miel, pomme, poire… On en sent cinq, car au-delà, cela devient trop compliqué. Notre cerveau est chargé d’odeur et se fatigue", rappelle Gloria Monténégro.

L’atelier prend des allures de parfumerie. Chacun fait sentir à son voisin, sa trouvaille olfactive. Les échanges sont vifs et joyeux. Les nez sont stimulés. Alexandre a presque un sans-faute. "Je me suis loupé sur la poire, j’ai coché la pomme. Mais je suis plutôt content, j’ai trouvé les autres. En même temps, j’ai un grand nez, donc je comprends maintenant, pourquoi ", dit-il en faisant rire toute la classe.

Devenu insatiable à la fin de la formation, le trio souhaite poursuivre la découverte d’autres crus, mais cette fois à une table de la caféothèque, pour mettre en pratique leurs apprentissages.


Car, en plus d’être un lieu de formation, la caféothèque est un coffee-shop et une épicerie fine. Amateurs et initiés de grands crus s’attablent à l’intérieur ou en terrasse. On y voit la torréfaction des cafés en direct et on découvre les différentes méthodes de préparation d’un café.

"Là, je ne vais rien dire, car je sais que je suis dans la maison des experts, mais je n’exclus pas de dire, à un cafetier si son café est bon ou pas, maintenant que j’ai certaines connaissances", avertit Alexandre. Leonard ne regrette pas d’avoir investi 160 euros. "J’ai appris énormément de choses sur le café. Gloria nous a fait découvrir plein de senteurs et d’odeurs. Je ne savais pas qu’il fallait tous ces sens en éveil, pour apprécier un café". Pierrick quitte la salle de cours presque à reculons. Il n’a pas envie que son voyage s’arrête. "J’ai revécu trop de moments enfouis. Mes sens ont réveillé de vieux souvenirs. Wouah, je ne pensais pas être aussi touché, juste en suivant un cours sur le café", dit-il, tout sourire, enchaînant, qu’il est déterminé à pousser ses connaissances, et pourquoi pas, un jour, en faire son métier. Il reviendra se former, ici, car l’école propose des formations professionnelles au métier de barista et de torréfacteur. En fonction des profils des participants, la formation peut être prise en charge par certains organismes professionnels ou par Pôle Emploi.

"Parcourir le monde et boire des cafés, qui dit mieux... ? "

 

 

 

 

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