REPORTAGE. Fin de vie : "il existe des fins de vie, pas une seule", des ateliers "derniers secours" pour accompagner un proche vers la mort

Alors que le projet de loi sur la fin de vie est examiné à l'Assemblée nationale, la Société française d’accompagnement et de soins palliatifs (SFAP), propose des formations aux "derniers secours". Nous avons assisté à ces ateliers qui, à l’image des gestes de premiers secours, apprennent à accompagner ses proches vers la mort.

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Ils sont quinze, autour d’une table et échangent sur un sujet parfois tabou : celui de la fin de vie. Françoise est venue car une de ses amies est atteinte d’une maladie incurable, Isabelle est bénévole dans une association de lutte contre le cancer, certains ont fait face au décès d’un proche sans savoir comment l’aider…

Ensemble, ils participent à une formation aux derniers secours, proposée par la Société française d'accompagnement et de soins palliatifs, afin d'apprendre à accompagner et soigner des personnes gravement malades et en fin de vie.

"C’est important d’être formé aux derniers secours au même titre qu’aux premiers secours", raconte Isabelle Arbaret, cheffe de service à l’Unité de soins palliatifs de la maison médicale Jeanne Garnier à Paris et formatrice bénévole ce jour-là. "L’idée est d’apprendre des gestes simples et de savoir garder la tête un peu plus froide quand cela arrive, pour ne pas se laisser entièrement submerger par une multitude d’émotions. Notre rôle, c’est de leur donner des repères et des ressources."

Dans une ambiance feutrée mais détendue, les participants parlent de la mort, sérieusement, parfois avec émotion ou avec des rires. "La maladie, le vieillissement et la mort, nous y sommes tous confrontés, que ce soit notre propre finitude ou celle des personnes qui nous entourent et nous ne sommes pas armés face à cela".

En parler simplement, mettre des mots, permet de dédramatiser et de faire en sorte que cette fin de vie se déroule au mieux pour tout le monde.

Isabelle Arbaret, médecin et formatrice bénévole


L’atelier est axé autour de quatre grands thèmes : "la mort fait partie de la vie", "savoir anticiper et décider", "apaiser les souffrances" et "dire adieu". La journée débute par des aspects plus théoriques et l’explication de ce que sont les soins palliatifs. "On ne va pas uniquement parler du temps de la toute fin de vie mais d’un continuum de soins et d’accompagnements", précise Elisabeth Balladur, la deuxième formatrice bénévole, médecin retraitée et ancienne responsable du département d’hospitalisation à domicile au sein de l’AP-HP.

"De nombreuses questions sont abordées et on essaie d’y répondre au mieux : comment gérer les symptômes de la personne malade, comment s’adresser à elle, quand se taire, comment entrer en contact physique avec elle. Autant de choses concrètes."

Les formatrices donnent des clés pour reconnaître des signes de la fin de vie : la fatigue, la perte d’intérêt, le repli sur soi, la diminution de la réactivité diminuée… Elles délivrent également des conseils pour savoir se comporter avec un malade. "Quand on entre dans la pièce, même si la conscience de la personne est altérée, c’est bien de toujours se présenter à elle, d’expliquer pourquoi on est venu, car elle continue à percevoir les odeurs ou le ton de votre voix", explique Isabelle Arbaret.

Se questionner sur sa propre mort

Une autre partie de la matinée est consacrée à un exercice entre participants. Plusieurs questions sont posées pour réfléchir à sa propre fin de vie et deux par deux, ils peuvent en discuter et confronter leurs visions.

Laurence et Françoise ont deux profils différents. La première est bénévole auprès de malades et connaît déjà bien le sujet. La seconde vient ici de manière plus personnelle, pour s’informer car une de ses amies est malade. "Pour moi, la question essentielle serait de savoir qui pourrait être ma personne de confiance et porter ma parole si je tombe gravement malade. J’en ai discuté avec mon conjoint et moi, j’aimerais des soins palliatifs précoces et une sédation profonde", raconte Laurence.

Pour Françoise, c’est plutôt le lieu où elle souhaite mourir, "chez moi, entourée de mes proches idéalement."

Pas de débat ni de confrontation, mais plutôt des discussions pour permettre à chacun d’alimenter sa réflexion. "Actuellement, on est bien portants, mais on ne sait pas comment on réagirait en fin de vie", ajoute Laurence, "ce qui est intéressant, c’est que c’est un questionnement en évolution perpétuelle."

L’après-midi, l’atelier est orienté vers des questions plus concrètes, basées directement sur le vécu de chacun. "Nous allons parler de la gestion des symptômes, et des choses aussi plus simples comment la nutrition par exemple, est-ce normal si la personne ne mange plus, faut-il la forcer ou pas… Si la personne est trop faible, faut-il la laisser allonger ou lui permettre de s’asseoir ? Et notre dernier temps d’échange est autour de la mort en elle-même, sur le deuil et l’accompagnement de personnes en deuil", relate Elisabeth Balladur.

"Des fins de vies"

Eugénio est bénévole en soins palliatifs et il est venu avant tout pour obtenir des clés sur des points précis, les directives anticipées ou les retours à domicile. "Mais tout ce qu’on a évoqué résonne en moi, ça a beaucoup de sens. On parle de sujets difficiles, comment la sédation profonde, mais c’est bien d’en parler collectivement."

Sa voisine, Isabelle, est aussi bénévole dans une association de malades et l’atelier est aussi un moyen pour elle de s’interroger sur ses émotions. "Approchant de la soixantaine je me dis que c’est une réflexion intéressante à avoir, sur le sens de la vie, sur ce que j’ai accompli. J’ai été confrontée au départ brutal de plusieurs personnes avec des cancers foudroyants, et j’ai besoin d’apprendre à réagir et à faire face, sur le plan émotionnel."

Au bout de six heures de formation, chaque participant repart mieux armé, plus confiant dans ses capacités à soutenir une personne en fin de vie. "Chacun a son propre parcours et nous ne délivrons pas une seule recette magique qui pourrait s’appliquer à tout le monde, il existe des fins de vie, pas une seule", concluent Isabelle et Elisabeth, les deux soignantes formatrices, "l’incertitude plane toujours et planera toujours sur la fin de vie, mais c'est déjà bien de pouvoir commencer à mettre des mots dessus."

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