Avec le "siège de Paris" prévu dès ce lundi 29 janvier et annoncé par la FNSEA Grand Bassin parisien et les Jeunes Agriculteurs d’Île-de-France pour une "durée indéterminée", certains professionnels de l’alimentation craignent de ne plus pouvoir s’approvisionner sur le marché de Rungis, grenier alimentaire de toute l’Ile-de-France.
Chaque nuit, des centaines de milliers de marchandises arrivent à Rungis par camion, par train ou par avion, pour être ensuite revendus sur les étals du marché aux professionnels de l’alimentation. Si le MIN fournit des commerces et restaurants dans toute l’Europe, 65% de ses acheteurs sont situés dans la région Île-de-France. En cas de blocage, c’est toute la logistique du plus grand marché de produits frais au monde qui se retrouverait perturbée voire interrompue.
"S’il y a blocage, les camions ne pourraient pas accéder à Rungis pour récupérer la marchandise et donc on ne pourrait pas la redistribuer aux clients. La population d’Île-de-France ne pourrait plus être alimentée d’une certaine manière", réagit le président du syndicat des poissonniers-écaillers de France, une profession qui s’approvisionne au bâtiment A4 du Marché International, là où se situe l’une des plus importantes criées de France en termes de volume.
Le blocus serait 'une perte financière importante pour nous parce que 80 % de notre approvisionnement vient de Rungis'" précise Romain Do Nascimento qui dit surveiller de très près la situation et son évolution.
"On comprend que ce soit dur pour les agriculteurs comme pour nos pêcheurs que l’on soutient en ce moment sur le golfe de Gascogne".
Quelles solutions en cas de pénurie
En 2022, 3 millions de tonnes de marchandises dont 1.781.308 de produits alimentaires ont transité par Rungis.
Si le marché qui permet de nourrir 12 millions de personnes en Ile-de-France, habitants comme touristes, venait à être effectivement bloqué, "il y aurait des pénuries très importantes au bout de 3 à 4 jours dans les hôtels, les restaurants, les cafés, les bars", répond Frank Delveau, président de l'Union des métiers et des industries de l'hôtellerie Paris-Île-de-France.
"Chacun devrait alors trouver d’autres créneaux de distribution, des plans b. S’approvisionner chez des entreprises comme Metro par exemple, Promocash ou d'autres grands distributeurs. Tout ça n’avantagerait pas les agriculteurs", développe Frank Delveau qui soutient "globalement" le mouvement de grogne des agriculteurs.
"On a les mêmes problèmes dans nos métiers. On a aussi des problèmes de normes, des problèmes énergétiques. Mais bloquer Rungis ce n’est peut-être pas forcément la bonne idée parce que ça va impacter des petits commerçants et des entreprises comme nous qui avons déjà des problèmes de trésoreries et de nombreuses faillites. Tout ça a un impact sur nos activités. Et ça va les impacter aussi car les agriculteurs sont nos fournisseurs et nous sommes leurs clients".
Le scénario d’un blocus à venir du "ventre de Paris" pousse les professionnels à s’adapter. Pour éviter de se retrouver en situation de pénurie alimentaire ou pour tenter d’y pallier, du moins temporairement, la solution pourrait provenir des stocks.
"Certains sont allés à Rungis ce lundi pour faire des commandes un peu plus importantes puisque c’était encore accessible aujourd’hui, mais samedi on ne parlait pas encore de blocage, donc les gens ne s’organisent que depuis ce matin", nous apprend Frank Delvau.
"Mais pour pouvoir stocker, il faut aussi avoir l’emplacement nécessaire et une chambre froide n’est pas extensible à l’infini. Il faut avoir des réserves et on ne peut pas stocker des produits frais indéfiniment".
C’est également ce que souligne Romain Do Nascimento. "On a 2 ou 3 jours pour vendre, ensuite c’est poubelle. On ne peut pas stocker le poisson".
"Empêcher tout blocage"
En plus des aéroports franciliens, des grandes villes et de la capitale, ordre a été donné d'"empêcher tout blocage" du garde-manger de la région parisienne notamment. Pour ce faire, le ministre de l’Intérieur Gérald Darmanin a décidé dimanche 28 janvier de déployer un "dispositif défensif important" dont des forces de l’ordre, "ainsi que des véhicules blindés de la gendarmerie nationale, et des hélicoptères de la gendarmerie nationale".
Ce lundi en région parisienne, le mouvement de blocage a commencé très tôt. Une opération escargot était en cours sur l'A13 vers Paris dès 7h30. Tout au long de la journée, les agriculteurs prévoyaient de bloquer l'autoroute A1 (Paris-Lille) sur l'aire de Chennevières mais également la D311 dans le Val-d'Oise. L'autoroute A4 (Paris-Strasbourg) à hauteur de Jossigny et l'autoroute A5 (Paris-Langres) à Ourdy en Seine-et-Marne. Dans l'Essonne, l'autoroute A6 (Paris-Lyon) à Villabé. Dans les Yvelines, l'A10 (Paris-Bordeaux) à Longivilliers et l'A13 (Paris-Caen) au niveau de Buchelay. L'A15 (Paris-Cergy-Pontoise) au niveau du pont de Gennevilliers dans les Hauts-de-Seine. L'A16 (Paris-Dunkerque), au niveau de la commune de l'Isle-Adam, à hauteur de l'échangeur D301.
Les actions de revendications devraient durer jusqu’à au moins jeudi, date d’un Conseil européen extraordinaire auquel devrait participer Emmanuel Macron.