Alors qu'un cheminot a été éborgné lors d'une manifestation contre la réforme des retraites à Paris en mars 2023, un policier a été placé sous le statut de témoin assisté. L'information judiciaire vise des violences volontaires par personne dépositaire de l'autorité publique, ayant entraîné une infirmité permanente.
Un commissaire de police a été récemment placé sous le statut de témoin assisté par deux juges d'instruction dans l'enquête sur la blessure d'un syndicaliste éborgné par une grenade lors d'une manifestation contre la réforme des retraites, indique l'AFP de source proche du dossier. Le 17 janvier, après un interrogatoire de six heures, le policier âgé de 33 ans a ainsi échappé à ce stade à la mise en examen.
L'information judiciaire est ouverte à Paris contre X depuis le printemps 2023. Elle vise des violences volontaires par personne dépositaire de l'autorité publique, ayant entraîné une infirmité permanente. L'avocate du policier, Me Anne-Laure Compoint, n'a pas souhaité s'exprimer.
L'enjeu des investigations est de déterminer si le lancer d'une grenade de désencerclement GENL lors de la première manifestation intersyndicale contre la réforme des retraites, le 23 mars 2023, était proportionné et réalisé dans les règles. Le policier a assuré avoir lancé "en direction des individus qui tiraient au mortier depuis plusieurs minutes". "Il y avait des blessés dans les rangs" des policiers avec des "traumas sonores", a-t-il précisé lors de son interrogatoire, consulté samedi par l'AFP.
Pourtant, Sébastien N., délégué syndical SUD-Rail et agent ferroviaire, a indiqué aux juges que la zone autour de lui était "calme" quand il a été blessé et que, justement, il "rebroussait chemin" car il voyait la situation "se dégrader au loin". "Je pense qu'il se trompe sur la réalité de ce qu'il se passait", rétorque le policier.
Sans vidéosurveillance, "aucune identification n'aurait été possible"
Les magistrates font remarquer au commissaire qu'il a "couru" et a donc "eu le temps de regarder ce qui se trouvait dans la zone devant" lui avant de lancer. N'a-t-il pas vu Sébastien N., affublé de sa chasuble fluo siglée SUD-Rail dans le dos ? "Non", assure le commissaire, se disant "mortifié" de l'avoir blessé.
Sébastien N., qui manifestait aux côtés de son fils, a perdu l'usage de son oeil. Son avocate, Me Aïnoha Pascual, souligne auprès de l'AFP l'importance de la vidéosurveillance de la Ville de Paris dans cette affaire, "sans laquelle aucune identification n'aurait été possible". "Ce lancer de grenade n'existe nulle part dans les fichiers policiers", s'indigne l'avocate.
"J'ai oublié" de rédiger le rapport sur le Traitement relatif aux usages des armes (TSAU), lâche le commissaire. Il n'avait pas non plus déclenché sa caméra-piéton.
L'homme, rompu aux manifestations, est décrit par sa hiérarchie comme "un leader aux yeux des effectifs de la voie publique", notent les magistrates, sa "disponibilité hors du commun" lui ayant valu des honneurs de ses supérieurs. Mais les juges relèvent aussi que lui et ses services ont fait l'objet de plusieurs plaintes pour violences, et qu'il est mis en cause dans au moins deux autres affaires en cours. L'une part d'un signalement. L'autre concerne des violences sur des photographes journalistes, lors d'une manifestation parisienne en novembre 2020.