C'est une écrivaine en colère, l'autrice de "Vénère" et du "Paon" a donné rendez-vous à Toki Woki dans une fury room pour tout casser, notamment les codes du patriarcat.
Taous Merakchi : Salut Tokiwoki ! Comment ça va Taous ?
Ça va, ça va, c'est lundi matin, je suis vénère.
Taous Merakchi : T'es vénère ?
Ouais, je suis vénère. Taous, qu'est-ce qu'on fait devant une Fury Room, là, aujourd'hui ?
Taous Merakchi : On va se défouler un peu, parce que c'est difficile de vivre tous les jours avec cette envie de péter des gueules à tout le monde et pas pouvoir le faire. Donc voilà, il y a un endroit qui est fait pour ça. Donc on va pouvoir y aller et péter des trucs.
Taous, tu t'es fait connaître avec un livre qui s'appelle Vénère. Être une femme en colère dans un monde d'hommes. T'es vénère en ce moment ?
Taous Merakchi : Je suis vénère de naissance de toute façon.
Taous, moi je te propose une chose, c'est qu'on aille un peu s'apaiser. On va casser des murs chez Fury Room, c'est ça ?
Taous Merakchi : On y va ? Allez, let's go, on va tout frac. Moi aussi je suis vénère ce matin, je t'avoue.
Pourquoi t'as tenu à venir dans une Fury Room aujourd'hui, Taous ?
Taous Merakchi : Parce que j'ai toujours rêvé d'essayer le concept déjà.
C'est quoi le concept d'une Fury Room ?
Taous Merakchi : Le concept d'une Fury Room, c'est vraiment très simple, c'est on rentre dans une pièce, on est équipé, on a des armes, il y a plein de trucs à péter et on a le droit de tout péter. C'est vraiment le paradis pour les gens comme moi qui rêvent de tout péter.
T'es prête Taous là ?
Taous Merakchi : C'est un des plus beaux jours de ma vie.
Taous, pourquoi t'es en colère ? Qu'est-ce qui te met en colère dans notre monde ?
Taous Merakchi : Le patriarcat, l'intolérance, le capitalisme, les injustices. Vraiment ça fait très Damien 16 comme parole mais c'est la vérité. C'est l'insécurité, le fait d'être sans arrêt sur mes gardes, ça me rend folle, j'en ai marre.
Tu dis que parce que t'es une femme, tu as peur de sortir seule la nuit, t'as peur de porter des vêtements qui te plaisent, t'as peur d'exprimer ton opinion ou tes émotions, et tout ça, ça crée une immense colère qui te ronge au quotidien, c'est ça ?
Taous Merakchi : Oui, c'est ça. En fait, la colère, c'est pas forcément l'émotion de base. C'est un mélange de peur, de honte, de frustration, de tout un tas de trucs qui, au fur et à mesure, créent cette énorme boule de colère parce que c'est, encore une fois, parole très clichée, mais c'est la vérité, c'est pas juste. J'ai rien demandé. C'est pas juste, c'est tout.
Est-ce que tu peux me parler de Vénère, ton essai ?
Taous Merakchi : C'est un essai qui est né de mon obsession pour la colère. Comme tout ce que je fais, tout ce que j'écris, en fait, à chaque fois, c'est parce qu'il y a une obsession que je nourris. Et au bout d'un moment, ça devient un sujet. Et là, ça faisait un moment que je réfléchissais aux ramifications de ma colère et au fait que je commençais à en avoir marre qu'elle se retourne toujours contre les mêmes personnes, c'est à dire moi et mes proches. et qu'en fait, il fallait que je trouve la bonne cible, et cette bonne cible, c'est donc toutes celles que je décris dans le livre, y compris le patriarcat, le système homme, le capitalisme, tout ça, voilà. Et j'avais besoin de l'exprimer telle qu'elle est, avec mes mots, pour pouvoir donner leur chance à d'autres personnes de se retrouver dans ce texte, comme moi, j'aurais aimé me retrouver quand j'étais plus jeune.
Taous, tu as une écriture littéralement incendiaire. Je crois qu'au début, tu avais essayé de prendre un peu tes distances, mais finalement, la colère t'a rattrapée.
Taous Merakchi : Ouais, j'ai essayé d'écrire un truc comme mon premier livre, Le Grand Mystère des Règles, qui soit un peu plus théorique, qui reprenne l'histoire de la colère d'un point de vue féminin à travers les mythes, les légendes, l'histoire, etc. Et en fait, ça ne marchait pas du tout, je n'y arrivais pas du tout. Donc j'ai eu une réunion avec mon éditeur en disant ça ne marche pas. Mais qu'est-ce que tu veux faire ? Je sais pas, je suis vénère, j'ai envie de dire que je suis vénère. Il me dit bah vas-y, juste dis que t'es vénère et si c'est un pamphlet de 100 pages, ce sera très bien, on se débrouillera avec ça et puis voilà. Mais c'est aussi une lettre d'amour à toutes les personnes qui subissent tout ça.
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Est-ce que t'as l'impression que les choses bougent en ce moment ?
Taous Merakchi : Oui, bien sûr que les choses bougent, mais les choses bougent depuis un moment, en fait. C'est juste que comme on est à une époque où enfin tout le monde peut parler, on gère beaucoup, beaucoup de causes en même temps, ce qui est très cool. Mais c'est pour ça qu'il y a beaucoup de gens qui ont l'impression qu'on ne peut plus rien dire. Il y a toujours un problème par-ci, par-là. Parce qu'enfin, il y a des gens qui ont droit à la parole grâce aux réseaux sociaux, notamment, alors qu'avant, on n'entendait jamais ces voix-là. Donc, ça accélère forcément le processus et c'est très cool. Mais on a encore énormément de travail à faire.
Qu'est-ce que tu prépares après ton essai vénère ? C'est quoi tes plans ?
Taous Merakchi : J'aimerais bien écrire un livre sur mon père, ça fait partie des projets que j'ai en cours. Mais pour l'instant, j'ai surtout l'adaptation de mon podcast Feu de camp qui vient de sortir en livre illustré. La version poche de l'adaptation de mon podcast mortel qui vient de sortir aussi. Et je continue à faire des podcasts et l'année prochaine j'en aurai peut-être un nouveau à vous proposer. Et je continue à avoir plein d'idées de bouquins aussi, je vais pas m'arrêter.
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Parle-nous de ces podcasts qui sont excessivement suivis.
Taous Merakchi : Alors, Mortel, c'est le premier que j'ai fait. C'est un podcast sur la mort et le deuil qui prenait comme point de départ la mort de mon père et la relation très compliquée qu'on avait. Après, à travers les épisodes, j'ai exploré plein de thèmes liés à la mort. Et Feu de camp, c'est beaucoup plus relax. C'est des histoires paranormales vraies, racontées avec ma voix qui normalement n'est pas cassée et une réalisation sonore au top pour pouvoir se faire un peu flipper en 10-15 minutes.
Qu'est-ce que tu as envie de dire à toutes ces femmes, à toutes ces jeunes femmes, toutes ces personnes qui sont victimes.
Taous Merakchi : Que c'est dur, c'est relou, et je vais pas minimiser le truc en disant, ça va passer, parce qu'on sait pas. Mais par contre, vous êtes pas seules, et on est nombreux et nombreuses à se battre à différents niveaux pour essayer de faire en sorte que ce soit un peu moins flippant d'exister, juste. Et en attendant, on se parle, on est là les unes pour les autres, et advienne que pourra.
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Sans rentrer dans ta vie intime, je crois que tu es maman. Tu es maman d'une petite fille. Comment on éduque une petite fille en 2022 ?
Taous Merakchi : C'est dur. J'en suis qu'au début, elle a que deux ans et demi. Mais déjà, on essaie de poser quelques bases, notamment sur le consentement des bisous, les câlins, c'est jamais obligé. La politesse, oui, mais le contact physique, non. Et apprendre à lui faire respecter sa bulle et en même temps respecter celle des autres et gérer la colère, ce qui n'est pas évident dans notre foyer. Du coup, on apprend tous. Et c'est très flippant de savoir qu'elle va être... Qu'elle va grandir dans ce monde qui lui voudra du mal toute sa vie. Donc on va essayer de l'armer physiquement et mentalement au maximum pour qu'elle s'en sorte le mieux possible.
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