Témoignage. "Elle ne voulait pas me lâcher", les médecins franciliens confrontés à la violence verbale ou physique

Publié le Écrit par Tom Rousset

Ce mercredi, le personnel de tous les hôpitaux de France a observé une minute de silence en hommage à une infirmière poignardée à Reims. Les agressions envers les soignants sont de plus en plus fréquentes en Île-de-France. Une médecin libérale à Paris et en Seine-Saint-Denis témoigne.

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"Elle ne voulait pas me lâcher". Une médecin libérale qui exerce à Paris et en Seine-Saint-Denis, qui témoigne anonymement, se souvient de chaque détail de l'agression qu'elle a subie. Celle-ci a eu lieu en 2022 lorsqu'elle a reçu une patiente qu'elle n'avait jamais vue auparavant.

À l'image de plus en plus de médecins franciliens, elle dit avoir été victime d'agissements violents de la part de cette dernière. "Elle a commencé par m'insulter, des mots très forts, démesurés même." Ce jour-là, sa patiente souhaite faire prolonger son accident de travail de travail de quinze jours. "J'ai refusé", raconte la praticienne.

S'ensuit un flot continu de grossièretés face auquel, elle demande à sa patiente de sortir. "J'ai voulu la raccompagner vers la porte mais elle refusait de sortir et continuait de m'insulter de tous les noms. Je sentais qu'elle souhaitait se confronter physiquement à moi". Lorsqu'elle s'approche de la porte, sa patiente lui attrape violemment les cheveux. "Elle les tirait si fort que je ne pouvais pas me défaire de sa prise", se rappelle la professionnelle de santé. Sous le choc, celle-ci décide de se réfugier dans son bureau afin de se protéger. "J'ai eu très peur, elle m'a ensuite suivie dans le bureau."

"Elle a dévasté mon bureau" 

Sous le coup de l'énervement, la patiente s'en prend au matériel de la professionnelle. "Elle a dévasté mon bureau en balançant l'imprimante et mon ordinateur par terre ", se souvient-elle. Une fois son agresseuse partie, elle décide de fermer tous les accès à son cabinet "afin de sécuriser les lieux", explique-t-elle. "J'ai prévenu la police en disant que je souhaitais déposer une main courante", poursuit-elle.

Aujourd'hui, elle affirme venir au travail "avec la boule au ventre" surtout "en ce qui concerne les nouveaux patients dont nous ne connaissons rien." et assure que beaucoup de ses collègues "ont déjà pensé à arrêter le métier" à cause de ce type de comportements. 

"On ne se sent pas en sécurité" 

Selon elle, les agressions physiques ou verbales à l'encontre de la profession sont quasiment quotidiennes. "On se retrouve face à des gens de plus en plus violents. Certains sont déjà énervés lorsqu'ils franchissent la porte de votre cabinet car ils ont lu des avis négatifs sur Internet. En tant que médecin, il arrive fréquemment que l'on se sente en insécurité", commente-t-elle. Une analyse que corrobore le bilan de l'Observatoire de la sécurité des médecins en 2022.

Publié par l'Ordre des médecins ce mardi, il atteste que les agressions physiques ou verbales envers les personnels sont en hausse par rapport à 2021 dans six départements sur huit en Île-de-France.

Paris et les Hauts-de-Seine sont les deux départements franciliens les plus touchés par ce phénomène. À l'échelle nationale, l'Île-de-France est la deuxième région qui compte le plus d'agressions déclarées derrière les Hauts-de-France. 176 agressions ont été recensées dans la région l'année dernière contre 135 en 2021.

En France,1 244 incidents ont été déclarés par des médecins. En 2021, il y avait eu 1 009 déclarations de violences.  A titre de comparaison, 638 incidents ont été recensés en 2003.  

"Une violence multifactorielle"  

Selon le Dr Jean-Jacques Avrane, président du Conseil de l'ordre des médecins de la Ville de Paris et délégué à l’Observatoire pour la sécurité des médecins, cette violence s'explique par plusieurs facteurs. "Il y a une progression de la violence année après année en France", souligne-t-il. "C'est une violence générale qui touche tout ce qui relève de l'institutionnel, donc les professionnels de santé ne sont pas épargnés."

Depuis la crise sanitaire, il observe une multiplication des risques de comportements violents. "D'abord, il y a eu la question de la vaccination qui a créé des tensions chez beaucoup de gens. On peut évoquer aussi la difficulté d'accès aux services médicaux dans certaines communes."

Autre facteur permettant d'expliquer la propagation de ces violences : "les contradictions entre les vérités d'Internet et celles de la médecine". Le délégué à l'Observatoire de la sécurité des médecins estime que "certaines personnes arrivent chez leur médecin avec une idée préconçue de ce qu'ils ont et refusent d'entendre le diagnostic du professionnel."

Un constat que partage la Dr Sophie Bauer, présidente du syndicat des médecins libéraux qui excerce en Seine-et-Marne. "Beaucoup de personnes nous demandent des traitements surdosés et des examens inutiles après s'être renseignées sur le web."

Pour prévenir ces agressions, le Dr Avrane encourage les médecins à les signaler dès que possible en portant plainte. Il rappelle également qu'à Paris, des policiers peuvent être missionnés pour "venir dans des cabinets pour donner des conseils de sécurisation."

Le Syndicat des médecins libéraux conseille aux professionnels de ne pas prendre en charge de nouveaux patients en fin de journée. "C'est souvent dans ces moments quand il y a moins de monde au cabinet que cela devient dangereux car s'il arrive quelque chose, vous êtes seuls face à l'agresseur", explique Dr Sophie Bauer. Son syndicat organise également des formations pour apprendre aux praticiens à gérer les conflits avec les patients.               .        

   

    

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