11e jour du procès des attentats de 2015 : la justice a entendu ce mercredi le témoignage de Michel Catalano. Ce gérant d’une imprimerie à Dammartin-en-Goële a fait face aux frères Kouachi, à la fin de leur cavale. Cinq ans après, l’ex-otage n’a rien oublié.
Le procès des Attentats de 2015 s’est poursuivi, ce mercredi, avec le témoignage de Michel Catalano. Gérant d’une imprimerie située à Dammartin-en-Goële (Seine-et-Marne), il se trouvait dans son établissement quand Chérif et Saïd Kouachi – auteurs de l'attentat contre Charlie Hebdo le 7 janvier 2015, alors recherchés par toutes les polices de France – ont décidé de s’y retrancher, deux jours plus tard.
Au 11e jour du procès, l’ex-otage, en costume bleu, était visiblement très ému, se tenant la gorge. A la barre, il a décrit son imprimerie, fondée en 2001, comme "l’entreprise de sa vie". Expliquant être sportif et "aimer la vie" à l’époque des faits, il a retracé cette journée du 9 janvier qu’il n’oubliera jamais. "J’étais persuadé que, quoiqu’il arrive, je ne sortirais pas vivant ce jour-là", a rappelé le survivant, qui s’est dit "vidé, exténué à chaque fois" qu’il doit raconter l’histoire.costume bleu Michel Catalano est le 1er à s’avancer à la barre .
— Laurence (@laurencebarbry) September 16, 2020
a créé son imprimerie en 2001 « l’entreprise de sa vie », c’est le 3eme enfant qu’il n’a pas voulu avoir en raison de son implication
Arrivée des terroristes, assaut des forces de l’ordre… Avant son passage à la barre, Michel Catalano s’est confié à France 3 Paris Île-de-France. Tout a commencé alors qu’il se trouvait à la fenêtre de son établissement. "C’est là qu’ils sont arrivés, raconte l’ex-otage. Je regardais et puis j’ai vu le lance-roquettes et la kalachnikov."#AttentatsJanvier2015 Manifestement Michel Catalano est très ému .. il s’étrangle à plusieurs reprises , la gorge prise par l’émotion , mais toujours lorsqu’il évoque sa peur pour ses employés .. pas pour lui »
— Laurence (@laurencebarbry) September 16, 2020
"Connaissant ce qu’ils ont fait avant… Pour moi, je suis évidemment mort"
Le matin des faits, le gérant n'était pas seul dans l’imprimerie. Il a en effet demandé à son jeune collaborateur Lilan L. de se cacher. "Quand ils ont sonné… Je lui ai dit de se cacher et de couper son portable", explique Michel Catalano. Alors qu’il se dirige vers les terroristes, le gérant pensait mourir : "Pour moi, ça se termine là. Connaissant ce qu’ils ont fait avant… Pour moi, je suis évidemment mort."A aucun moment, il ne révélera la présence de Lilian L., qui restera recroquevillé dans un meuble pendant des heures.
Michel Catalano a également été marqué par la vue des deux frères, suite à un affrontement avec les forces de l’ordre : "Quand ils sont remontés, ils avaient eu des échanges de coups de feu et ils étaient blessés… Ils avaient les yeux noirs. Ils respiraient forts… Sur le moment, il a fallu que je garde mon calme." L’imprimeur a ensuite fait un pansement à Chérif Kouachi, blessé au cou. Les terroristes accepteront peu après de le libérer.
"J’ai accepté que j’allais vivre avec ça tout le reste de ma vie"
Depuis, Michel Catalano vit avec le traumatisme de cette journée. Certains bruits sont encore "bien présents" dans son esprit : "Quand ils montaient les escaliers, comme ils avaient le lance-roquettes qui était accroché dans leur dos, ils tapaient sur la rambarde. Et ils avaient un pas lourd symptomatique, sur l’escalier métallique. Ça m’arrive de temps en temps, dans certains endroits, de reconnaître un bruit similaire.""Ma femme et mes enfants, ma famille… Tous ces gens-là ont été particulièrement bouleversés par ce qu’il nous ait arrivé, souligne-t-il. Ce qu’on a vécu, c’est un tsunami dans la tête. Votre cerveau est dans tous les sens. Et à un moment donné, je ne savais plus ce qui était réel et pas réel. Il y a eu des périodes très difficiles. J’ai accepté que j’allais vivre avec ça tout le reste de ma vie."
Les frères Kouachi, eux, ont été tués par le GIGN, en fin d’après-midi. Les terroristes tentaient de sortir de l'imprimerie, en faisant feu sur les gendarmes.