L'humoriste Pierre Palmade comparaîtra ce mercredi au tribunal de Melun pour blessures involontaires sous l'emprise de stupéfiants. Des faits pour lesquels l'homme de 56 ans encourt jusqu'à 14 ans d'emprisonnement. Avant le procès, retour sur cette affaire qui a défrayé la chronique.
Vendredi 10 février 2023. Il est environ 18h45 lorsque les pompiers sont appelés en urgence sur la départementale 372, à proximité de la commune de Villiers-en-Bière en Seine-et-Marne.
Sur cette route en ligne droite, bordée par des champs, trois véhicules viennent de se percuter de plein fouet. Un choc d’une extrême violence au regard des nombreux morceaux de tôle qui jonchent l’asphalte et de l’état des véhicules, totalement démolis.
Coincés dans les carcasses, plusieurs blessés semblent dans un état grave. Parmi eux, le conducteur d’une Peugeot 3008, décrit par les premiers secouristes comme "hagard", "les yeux dans le vague". Toujours conscient, l’homme décline son identité. Il s’appelle Pierre Palmade, 54 ans. Victime d’un pneumothorax et de multiples fractures, il a besoin d’être désincarcéré.
De l’autre côté de la chaussée, la santé des passagers d’une Renault Mégane est plus préoccupante encore. Le conducteur, Yuksel Y., a disséqué son aorte et il présente un polytraumatisme sévère avec des lésions viscérales et osseuses multiples. Son fils Devrim, 6 ans, qui gît allongé et semi-inconscient sur la banquette arrière, souffre quant à lui d’un traumatisme crânien et facial très grave. Enceinte de 7 mois, sa belle-sœur Mila C., se plaint de son côté de fortes douleurs en se tenant le ventre. Alors que leurs pronostics vitaux sont engagés, les membres de cette famille sont héliportés vers plusieurs hôpitaux parisiens. Tandis que le petit garçon est plongé dans un coma artificiel, la jeune femme doit subir une césarienne. Elle accouchera à 22h51 d’une petite fille déjà décédée, le traumatisme abdominal consécutif à l’accident ayant entraîné une hémorragie fatale au bébé.
Dans la troisième voiture qui a stoppé sa course en plein milieu de la voie, se trouve Michel G., 86 ans. Lui souffre de contusions multiples, mais c’est un miraculé. Aux enquêteurs, le vieil homme décrit ces quelques secondes où tout a basculé. "Un véhicule circulant en sens inverse, arrivé à la hauteur du véhicule devant moi, a mis un coup de volant et a percuté violemment celle-ci qui a pivoté sur la droite (…) Je n’ai pas eu le temps de réagir ni de freiner. Et j’ai percuté les deux véhicules. Ils bloquaient complètement la route, j’étais obligé de taper dedans."
Des automobilistes qui ont vu la scène précisent alors le déroulé. Selon eux, c’est la Peugeot conduite par Pierre Palmade qui s’est soudainement déportée sur la voie opposée pour venir percuter de front la Renault Megane qui arrivait en face. "Il s’est déporté à la façon d’une personne qui s’endort au volant. Pour moi, il roulait vite, bien plus vite que la limitation de vitesse", dit l’un des témoins.
Plusieurs personnes racontent également avoir vu deux hommes sortir du véhicule de Pierre Palmade après l’accident et prendre la fuite à pied. Deux hommes qui, malgré les recherches lancées aussitôt, ne seront appréhendés que cinq jours plus tard.
"Entre midi et l’accident, il s’était piqué environ huit fois"
Alors que l’affaire fait la une de tous les journaux, Mohcine E., est interpellé à Clichy-la-Garenne le 15 février. Le marocain de 33 ans, un "sex friend" de Pierre Palmade, prétend n’avoir aucun souvenir de la collision, moment où il dormait à l’arrière de la voiture. Mais il confirme ce que les enquêteurs savent déjà, à savoir la consommation très importante de drogue de Pierre Palmade ce vendredi-là. "Entre midi et l’accident, il s’était piqué environ huit fois en s’injectant de la 3-MMC. Dans le courant de l’après-midi, il avait pris de la cocaïne, mais en faible quantité et deux verres max de Jet 27." Il précise que la dernière injection a eu lieu 30 minutes avant leur départ en voiture.
Dès son arrivée à l’hôpital, le comédien avait en effet subi des prélèvements de sang revenus positifs à la cocaïne et aux drogues de synthèses : des dérivés des cathinones, généralement utilisés pour le sentiment d'euphorie et la sensation d'énergie qu’ils procurent. Selon l’observatoire français des drogues et des tendances addictives, il s’agit de substances majoritairement "consommées par des hommes ayant des relations sexuelles avec des hommes dans des contextes qui mêlent sexualité de groupe et consommation de produits de synthèse, ce que l’on appelle communément le chemsex".
Au domicile de l’humoriste, du matériel d’injection ainsi que de nombreuses traces de sang ont été retrouvés. Les investigations ont en outre permis d’apprendre que Mohcine E. a acquis 10 seringues stériles quelques heures avant l’accident.
"Je suis obsédé par ça, pour le bébé qui est mort "
Alors que le second passager, Sambou G., décide à son tour de se rendre, Pierre Palmade est interpellé et placé en garde à vue. Sur son lit d’hôpital, l’acteur indique d’emblée n’avoir aucun souvenir entre le départ de son domicile avec ses "deux amis de bringue" et son réveil en réanimation. Il confie sa "honte" et ses regrets "d’avoir gâché la vie des gens et leur santé", avouant être toxicomane depuis ses vingt ans. En sus de la cocaïne, consommée de manière croissante, Pierre Palmade dit avoir découvert depuis deux ans les injections de 3-MMC "un produit très fort et plus addictif que la cocaïne", utilisé pour augmenter sa libido et son désir sexuel. Tellement puissant qui le rend incapable de remonter sur scène.
Au moment de l’accident, il reconnaît que cela faisait trois jours qu’il consommait des produits stupéfiants sans dormir. Des propos réitérés lors de son premier interrogatoire devant le magistrat instructeur : "Je suis complètement catastrophé d’avoir mis en danger la famille que j’ai percutée. Je suis obsédé par ça, pour le bébé qui est mort, je prie pour que les autres personnes restent vivantes. Il faut que mon rapport à la drogue soit résolu, que la drogue soit bannie de ma vie. Je suis dangereux à cause de la drogue, je suis un chic type, je suis quelqu’un de bien." Puis il ajoute : "Je reconnais l’inconscience d’avoir pris la voiture avec cette drogue, tous les stupéfiants, ce que je ne fais jamais ou très rarement."
Assigné dans un premier temps à résidence à l’hôpital Paul Brousse de Villejuif, sous surveillance électronique, Pierre Palmade est remis en liberté sous contrôle judiciaire le 6 mars 2023 après avoir fait un AVC. Malgré sa "volonté de rester abstinent", il est réhospitalisé quelques mois plus tard après avoir fait une rechute. Depuis, le comédien est suivi en hôpital de jour et se rend régulièrement à des réunions des narcotiques anonymes.
Selon l’expert psychiatre chargé de l’examiner pendant l'instruction, Pierre Palmade a alterné pendant des années entre deux visages : "celui du comédien humoriste, travailleur acharné à jeun et intéressé par les femmes d’âge mûr. Et celui de noceur, débridé, vivant son homosexualité de façon affichée et toute puissante. Progressivement, c’est ce deuxième visage qui a pris le dessus, dans une recherche toujours plus poussée d’hédonisme, au risque du reste de sa vie (…) La recherche hédonique frénétique étant devenue sa priorité depuis 2020 et la découverte de la 3-MMC et de ses effets psychiques et sexuels."
L’expert ajoute que la prise de conscience de ses conduites fut progressive et partielle. "Bien que conscient de la gravité de ses conduites addictives, il peine à lutter contre celles-ci (…) Mais il commence à prendre conscience de l’ampleur des efforts qu’il devra fournir."
"Il a transformé notre vie en enfer"
Ses deux passagers ayant bénéficié d’un non-lieu, c’est donc seul que Pierre Palmade comparaîtra ce mercredi pour blessures involontaires sous l’emprise de stupéfiants.
Les faits d’homicide n’ayant finalement pas été retenus puisque le bébé que portait la passagère enceinte est mort avant sa naissance et qu’il ne peut donc pas être juridiquement considéré comme un être humain.
Condamné en 2019 pour usage illicite et acquisition non autorisée de stupéfiants, l’humoriste encourt cette fois-ci une peine de 14 ans de prison et 200 000 euros d’amende.
Celui qui a toujours gardé le silence depuis cette affaire, s’exprimera pour la première fois devant la cour de Melun où il fera notamment face au conducteur de la Mégane, Yuksel Y..
Le père de famille, hospitalisé pendant cinq mois, et resté handicapé, est revenu sur cette nuit d’horreur il y a quelques jours sur TF1. "J'ai été opéré du ventre, des épaules, des jambes, des pieds. Les médecins m'ont dit que j'aurai des séquelles (…) J'ai des douleurs tellement intenses que je suis épuisé et que j'ai l'impression que mon cerveau va exploser", a-t-il confié avant de poursuivre. "Quand je marche, les plaques que j’ai dans les jambes me font beaucoup souffrir. Même pour faire ma toilette et pour marcher, je dois demander de l’aide à mes proches."
Concernant son fils aujourd’hui âgé de 8 ans, Yuksel Y. raconte que le petit garçon est de son côté en proie à des crises de panique récurrentes. "Il ne va pas bien du tout (…) Il a dû redoubler son CE1. Il ne veut plus sortir à cause des cicatrices qu'il a à la tête, il a mal en permanence." L’homme de 40 ans n’espère aujourd’hui qu’une seule chose : "ll a transformé notre vie en enfer. Je veux qu'il paye pour ce qu'il a fait."