Après s'être évadé une première fois à l'occasion d'un parloir en 2013 de la prison de Sequedin (Nord), Rédoine Faïd s'était fait la belle une seconde fois de la prison de Réau (Seine-et-Marne) en 2018. Il sera jugé pour cette évasion à partir de ce mardi.
Les images de l'hélicoptère s'envolant loin au-dessus de la prison de banlieue parisienne, filmées par des détenus enthousiastes, avaient fait le tour des médias.
Profitant de l'absence de filins de sécurité (ils ont depuis été installés) un commando de trois hommes encagoulés, conduit par un pilote pris en otage au prétexte d'un baptême de l'air, se pose dans la cour d'honneur de la prison, le 1er juillet 2018, vers 11h.
Pendant qu'un homme reste dans l'hélicoptère, son arme braquée sur la tête du pilote, les deux autres sortent en jetant des fumigènes. L'un monte la garde Kalachnikov au poing, le second, un brassard "police" au bras, fait sauter à la disqueuse les verrous du couloir des parloirs, où se trouvent Rédoine Faïd avec son frère Brahim.
Libéré, le braqueur marche "calmement" vers la sortie. L'hélicoptère repart sans qu'aucun coup de feu n'ait été tiré.
Ce coup d'éclat va le mener devant la cour d'assises de Paris qui le juge à partir de mardi, ainsi que onze autres personnes dont cinq de sa famille.
Cavale ratée
Car après trois mois de cavale et un renseignement sur une silhouette masculine sous un voile intégral à Creil (Oise), la ville où il a grandi, Rédoine Faïd y sera arrêté à 4h du matin chez l'amie d'un neveu.
Son évasion a été construite méticuleusement autour d'une "cellule familiale très resserrée", selon les enquêteurs, ayant pour chef le grand frère Rachid, l'un des membres du commando. Le deuxième a été identifié comme un neveu du braqueur, et deux autres neveux sont également accusés d'être impliqués.
"C'est l'histoire d'un frère qui va chercher son frère, c'est ça le dossier", balaie l'une des avocates de Rédoine Faïd, Me Marie Violleau.
À l'approche du procès, prévu sur sept semaines, son client, 51 ans, est "serein, combatif", "toujours debout" malgré des mesures de sécurité drastiques en détention, dit-elle. Au cours de l'enquête, il a gardé le silence, sauf pour regretter d'avoir mêlé ses proches.
Son frère Brahim, qui soutient n'avoir rien su, "attend avec impatience d'être entendu par ses juges et que son innocence soit reconnue", ont déclaré ses avocates Margot Pugliese et Sophie Rey-Gascon.
Quant à Rachid Faïd, 65 ans, il a juste expliqué pourquoi il avait participé : "Les raisons c'est l'accumulation de peines. C'est un mouroir".
L'identité mystère du "Corse"
Les accusés comparaîtront notamment pour "évasion en bande organisée", "détournement d'aéronef", "association de malfaiteurs". La logeuse de Creil, qui avait d'abord bénéficié d'un non-lieu, sera finalement jugée.
Si les investigations ont permis de retracer une partie des préparatifs, de nombreuses questions restent en suspens, notamment sur l'origine de l'arsenal retrouvé ou son financement.
Les enquêteurs sont aussi persuadés qu'un "pro de l'aviation" se trouvait à bord de l'Alouette II. Peut-être le troisième membre du commando, qui n'a jamais été identifié. Des mis en cause ont parlé d'un homme surnommé "le Corse", ou "le C."
Une figure du grand banditisme corse, Jacques Mariani, sera en tout cas sur le banc des accusés, mais pour un précédent projet d'évasion, de la prison de Fresnes, en 2017. Selon l'un des coaccusés, qui avait obtenu le rare statut de "repenti" pour ses aveux avant de se faire exclure du programme, Rédoine Faïd aurait pris contact avec Jacques Mariani pour lui demander de financer son évasion, en échange d'une aide à se venger d'un clan corse rival que Mariani tenait pour responsable de la mort de son père.
Jacques Mariani, qui "conteste tout", selon l'un de ses avocats, Me Hedi Dakhlaoui, a demandé à la cour un supplément d'information sur le "contexte" d'octroi de ce statut de repenti et l'audition du magistrat Bruno Sturlèse, l'ex-président de la commission chargée de l'attribuer.
En prison au moins jusqu'en 2046
Au moment de son évasion, Rédoine Faïd purgeait de lourdes condamnations. Pour ses activités de "saucissonneur", il est notamment condamné en appel, en 2003, à 12 ans de réclusion. Il avait déjà l'année précédente écopé de 15 ans de prison pour une attaque à main armée de Villepinte.
Après plus de dix ans derrière les barreaux, il sort au printemps 2009 en libération conditionnelle. L'unique fois où il quitte licitement une prison.
En avril 2018, il est condamné en appel à 25 ans de prison pour son rôle en tant qu'"organisateur" du braquage raté de 2010 qui a coûté la vie à une policière municipale morte à l'âge de 26 ans à Villiers-sur-Marne. Puis en mars 2020, également en appel, à 28 années, cette fois pour une attaque dans le Pas-de-Calais. Cette peine est confondue avec la précédente. Ses pourvois en cassation sont rejetés.
Cette fois-ci, son procès doit durer jusqu'au 20 octobre. Sa sortie était fixée initialement à 2046.