La commune de Seine-Saint-Denis a été choisie pour expérimenter le port de l’uniforme à l’école pendant deux ans. La ville d'Aubervilliers s'était portée candidate auprès du ministère de l’Éducation nationale.
Deux pantalons, deux pulls et cinq polos, tous identiques : voici la base de l’uniforme que pourraient porter les futurs élèves de la ville d’Aubervilliers. Tout comme Puteaux, Aubervilliers a été sélectionnée pour participer à l’expérimentation des uniformes en milieu scolaire, a annoncé la maire (UDI) Karine Franclet lors du dernier conseil municipal de l’année.
"Un beau projet qui verra le jour en 2024", sans en connaître la date exacte, a-t-elle précisé lors d'un conseil municipal le 21 décembre 2023. Il s’agit à l’origine d’une mesure gouvernementale portée par le ministre de l’Éducation nationale, Gabriel Attal, annoncée lors de la rentrée scolaire le 4 septembre 2023, en plein débat sur le port de l’abaya à l’école.
L'édile d’Aubervilliers, qui s’était portée candidate pour un test de deux ans dans un de ses groupes scolaires, se félicite de cette sélection qui permettra selon elle de créer "un sentiment d’appartenance" entre élèves. "Notre ville innove, et se positionne sur des sujets aussi importants que l’éducation de nos enfants, la lutte contre les inégalités et le décrochage scolaire", ajoute-t-elle.
"Une question de justice sociale"
Pour Karine Franclet, les arguments favorables à l’uniforme à l’école ne manquent pas. Pour défendre sa position, elle met en avant son passé de responsable d’établissements scolaires et sa mission de lutte contre le décrochage scolaire auprès de la région Île-de-France.
"C’est une question de justice sociale", indique-t-elle, "il y a plein de raisons positives". Et d’expliquer que les uniformes seront pris en charge par la Ville et l’État à 50% chacun et que des chercheurs indépendants évalueront les effets de cette mesure.
L'opposition dubitative
En réaction à cette annonce, le conseiller municipal d’opposition Anthony Daguet (PCF) s'est dit "dubitatif" lors du même conseil municipal. Il exige ainsi un débat de fond sur les objectifs pédagogiques visés afin d’en évaluer la pertinence et les résultats obtenus au bout des deux ans d’expérimentation.
"Ce qui compte, c’est la question des moyens à l’école, du nombre de professeurs devant les élèves et des professions intermédiaires, qu’on oublie souvent : des psychologues, des infirmières, ce qui est extrêmement important. Et le ministère a beau jeu de mettre un petit épouvantail, une sorte de fanfreluche sur la question vestimentaire", dénonce-t-il.
Pour preuve, selon lui, les résultats de la dernière enquête Pisa sur le classement des élèves français en mathématiques, qui témoigne d’un niveau "catastrophique".
L’uniforme, un mythe français ?
Le débat de l’uniforme à l'école revient souvent à l’aune des rentrées scolaires ou des interventions de la classe politique. En janvier dernier, Brigitte Macron s’est dite favorable à son instauration pour "gommer les différences".
Selon l’anthropologue Aude Le Guennec, commissaire de l’exposition "S’habiller pour l’école" au musée de l’Éducation de Rouen, l’uniforme a très peu existé dans l’histoire française, à l’exception de celui réservé aux internes garçons des lycées publics fondés par Napoléon en 1802. Un vêtement imaginé pour une future élite administrative et militaire de l’Empire.
Les autres exceptions étant les établissements privés souvent catholiques, qui obligent leurs élèves à porter l’uniforme. L’anthropologue révèle que le port de l'uniforme n’a aucune réalité légale jusqu’à aujourd’hui. Seuls les règlements intérieurs propres à chaque établissement l'imposent.
L’uniforme à l’école serait donc un mythe qui pourrait devenir réalité dès le printemps 2024 pour certains élèves d’Aubervilliers à condition que cette expérimentation soit approuvée par l’ensemble de la communauté éducative des établissements.