C’est une première. Le tribunal de Montreuil a estimé que la non-réouverture des écoles maternelles à Bobigny portait une "atteinte grave et illégale au droit à l’éducation". La justice demande au maire de la ville de définir d’ici juin les modalités pour accueillir les élèves.
Tout est parti d'un recours déposé par une parent d’élève, également élue d’opposition. En avril, Aline Charron apprend que sa fille scolarisée en grande section de maternelle ne pourra pas reprendre le chemin de l’école avant septembre. Car la mairie considère que le jeune âge des enfants accueillis à la crèche ou à l’école maternelle ne permet pas de respecter les gestes barrières telle que la distanciation physique. Une décision dont s’étonne cette maman en l’absence de concertation avec les services de l’Etat et les parents d’élèves. Après plusieurs courriers sans réponses adressés à la mairie, elle décide de saisir le juge le 14 mai. "Il me semblait qu’il y avait une zone d’ombre juridiquement. A savoir si fermer les écoles maternelles de Bobigny jusqu’en septembre était légal ou pas", explique-t-elle.
Alors que le retour en classe se déroule de manière progressive en France depuis le 11 mai et que la scolarisation en grande section est considérée comme prioritaire selon le ministre de l’éducation nationale, cette mère de famille estime que la fermeture prolongée des écoles maternelles de sa ville aggrave les inégalités scolaires. "A Bobigny, qui est en zone d’éducation prioritaire, en REP+, le fait de ne pas les rouvrir, c’est envoyer un très mauvais signal qui signifie que la maternelle ne serait qu’une halte-garderie. L’école c’est sur le territoire national et il n’y a pas d’exception ici." Pour Aline Charron, le retour à l’école est avant tout une urgence sociale et pédagogique, notamment dans une ville qui connait un taux élevé de difficultés et d’échecs scolaires.Un très mauvais signal
Un avis partagé par le fédération de parents d’élèves FCPE du 93 qui se félicite de la décision de justice. En avril, elle avait organisé un sondage pour connaitre la proportion de parents favorables à la reprise de l’école. "75 % des parents y étaient opposés. Mais 25% de personnes le souhaitaient. Les enfants ne peuvent pas être en bout de chaine d’un discours à la fois du Président et du Ministre de l’éducation nationale qui disent « mettez vos enfants à l’école, ça va bien se passer » et d’une décision contradictoire de la ville. C’est un véritable problème pour les familles", indique Alixe Rivière, co-présidente de la FCPE de Seine-Saint-Denis. Selon l’organisation, à peine 10 à 15 % des élèves ont retrouvé actuellement le chemin de l’école dans le département, avec des pointes à 20 % localement. Elle se dit prête à aider la mairie de Bobigny à trouver des solutions pour accueillir au mieux les enfants bien que selon la justice, la ville n’a établi "aucune circonstance sanitaire particulière" qui impose cette non-réouverture. "Bobigny dispose de salle des fêtes, de gymnases, de salle de mariage, de maisons de quartier… nous sommes prêts à travailler sur ces solutions avec la municipalité. Il n’y a pas seulement le bâti des écoles qui est à la disposition de la ville," indique la FCPE.
La municipalité fait appel de cette décision
Mais rouvrir ou pas, les élus centristes de Bobigny semblent avoir fait leur choix. Assumé. "Aujourd’hui on ne nous astreint pas à rouvrir les écoles mais à proposer des modalités d’accueil. On nous dit pas vous êtes obligés de…", résume Djafar Hamoum, adjoint à la jeunesse et au logement. Selon lui, il n’y a pas de mauvaise volonté de la part de la municipalité mais des difficultés réelles à appliquer le protocole pour accueillir en toute sécurité les enfants de ce département classé en "rouge" par les autorités. "On met la responsabilité sur le dos des maires mais aujourd’hui on ne réaménage pas une école comme un appartement. Certaines municipalités ont réussi mais c’est du cas par cas. Vous ne pouvez pas aménager une école comme l’école d’à côté. On essaie de faire au mieux, on a rouvert les écoles primaires."La municipalité centriste a décidé de faire appel du jugement. Une décision que regrette Aline Charron qui espère pouvoir remettre sa fille à l'école avant septembre. "Résister à une décision de justice de la sorte en décidant coute que coute de maintenir les maternelles fermées, je ne vois pas comment on peut le justifier."