Alors que le collectif "Une école inclusive pour tous" organise une manifestation mercredi devant l’Assemblée nationale, Audrey Tatry, mère d’un enfant de 5 ans avec un trouble du déficit de l’attention, dénonce le manque d’Accompagnants des Élèves en Situation de Handicap (AESH).
Il appelle à une "mobilisation générale pour que l'inclusion ne soit pas une illusion". Le collectif "Une école inclusive pour tous", qui réunit des parents, des enseignants et des AESH (les personnels qui s’occupent de l'accompagnement des élèves en situation de handicap), organise une manifestation devant le palais Bourbon ce mercredi 29 mars, pour que "chaque enfant handicapé bénéficie d'une scolarisation adaptée à ses besoins".
"Nous serons reçus au sein de l’Assemblée nationale par la députée de Seine-Saint-Denis Fatiha Keloua Hachi (Nupes) pour une conférence de presse, avec un cahier de doléances qui regroupe les témoignages de nombreuses familles", raconte Audrey Tatry. Cette habitante de Rosny-sous-Bois se bat pour assurer la scolarisation de son enfant de 5 ans "dans de bonnes conditions".
"Il a un trouble du déficit de l’attention, un TDA, explique-t-elle. Il va rentrer en CP en septembre, il a besoin d’un accompagnement pour l’aider à récupérer son attention. C’est difficile pour lui de rester concentré, et la maîtresse ne peut pas toujours être derrière lui. Il a un dossier MDPH (Maison Départementale pour les Personnes Handicapées) qui permet d’être reconnu comme une personne en situation de handicap."
"L’inclusion des élèves en situation de handicap, c’est une catastrophe aujourd’hui"
"La plupart du temps, les AESH sont 'mutualisés'. L’accompagnant doit s’occuper de plusieurs enfants en même temps, dans plusieurs écoles. En réalité c’est impossible, il n’y aucun suivi. Certains découvrent le handicap de l’enfant le matin même", déplore Audrey Tatry. En octobre dernier, alors que son fils "n’avait toujours pas ses heures d’accompagnement individuel", elle a ainsi décidé de mettre en demeure l’Education nationale "auprès d’un tribunal administratif, pour faire respecter la loi".
"On a gagné le procès, le juge a rendu publique l’ordonnance le 6 janvier, raconte-t-elle. Depuis il a plus ou moins eu ses heures d’AESH. Mais en réalité c’est au détriment d’autres, pour faire respecter l’ordonnance on a retiré des heures à d’autres enfants en situation de handicap pour qu’il puisse avoir les siennes. C’est ce qu’on appelle déshabiller Pierre pour habiller Paul. Et l’AESH de mon fils est actuellement en arrêt, il n’y a pas de remplacement… Pour les parents, on est livré à soi-même et c’est un combat de tous les jours. Il faut payer l’avocat, et toujours réprouver par A + B le handicap de son enfant."
Pour "une meilleure prise en charge", Audrey Tatry appelle notamment à "débloquer des moyens" : "Il n’y a pas assez de personnels, qui sont épuisés et mal payés, sans valorisation ni prime de pénibilité. Il y a peu de recrutements d’AESH, et ça recouvre à peine les démissions. Il faut aussi sensibiliser au handicap, et former les enseignants. L’inclusion des élèves en situation de handicap, c’est une catastrophe aujourd’hui. Il y a la souffrance psychologique des enfants qui se retrouvent dans des classes de 26-27 élèves. Mais il y a aussi la souffrance des familles, des accompagnants et des enseignants."
"Il y a le risque d’un cercle vicieux, pointe-t-elle par ailleurs. Quand il n’y a pas d’intégration, ça peut entraîner les moqueries d’autres élèves, puis une perte de confiance de l’enfant. Beaucoup subissent un harcèlement, qu’est-ce qu’on attend pour éviter les drames que ça provoque ? Je connais cette réalité, ma mère était en fauteuil à cause de la sclérose en plaques. Quand elle venait me chercher à l’école, les autres se moquaient. J’ai vécu le harcèlement scolaire dès l’âge de 7 ans."
"Certains enfants ont parfois des comportements difficiles à gérer pour les enseignants"
"Le parcours du combattant imposé aux familles est injuste et humiliant", déplore de son côté Danièle Créachcadec, conseillère municipale déléguée à la petite enfance, au handicap et à la parentalité, à Montreuil. Elle dénonce également "la pénurie de personnels" et "le manque de structures médico-sociales spécialisées".
"J’ai été directrice d'école, il y a des situations ubuesques, explique l’élue. Je me souviens d’une AESH présente pour deux enfants : une fille avec un handicap moteur qui devait être accompagnée le matin dans ses déplacements, et un garçon avec des troubles autistiques qui ne pouvait donc être accompagné que l’après-midi, ce qui n’a aucun sens en CP… Et certains enfants en situation de handicap ont parfois des comportements difficiles à gérer pour les enseignants, et les familles vivent une situation de rejet."
"L'inclusion scolaire de ces enfants est un droit reconnu comme fondamental par la loi sur le handicap et l'égalité des chances de 2005, mais ce droit ne s’applique toujours pas, alerte Danièle Créachcadec. C’est une rupture de droite à l’égalité républicaine. Il y a de nombreuses conséquences, notamment pour des mères qui doivent s’arrêter de travailler parce que leur enfant ne va pas à l’école."
Il faut que l’école s'adapte aux enfants en situation de handicap, et non l'inverse
Danièle Creachcadec, conseillère municipale déléguée à la petite enfance
Alors que le maire de Montreuil Patrice Bessac (PCF) a apporté son soutien au collectif "Une école inclusive pour tous" dans un communiqué, pour "dénoncer des situations de discriminations d'accès à l'enseignement", Danièle Creachcadec cite plusieurs mesures prises par la Ville. "On ne peut pas recruter à la place de l'Éducation nationale, indique-t-elle. Mais on travaille sur l’inclusion des enfants sur le temps périscolaire, en payant des AESH comme animateurs de cantine sur la pause méridienne, pour permettre un accompagnement plus cohérent des élèves et apporter un complément de salaire aux personnels."
"Il y a aussi un plan de formation pour les animateurs en centre de loisirs, pour comprendre des comportements auxquels on n’est pas forcément habitué, ajoute l’élue. On a également mis en place un parcours de sensibilisation au handicap pour les élèves des écoles, avec notamment du céci-foot et une initiation à la langue des signes. Il faut que l’école s'adapte aux enfants en situation de handicap, et non l'inverse."
Audrey Tatry, elle, appelle à "une prise de conscience du gouvernement" : "L’inclusion scolaire des enfants en situation de handicap devrait être une cause nationale. Il faut changer le regard sur la différence."
Une pétition en ligne publiée par le collectif "Une école inclusive pour tous" sur Change.org regroupe à ce stade près de 900 signatures.