Alors qu’une pétition appelle à changer le nom de la future station de la ligne 11, plus de 70 artistes ont signé un texte pour demander à la mairie des Lilas de prendre position publiquement. Serge Gainsbourg a "romantisé" les violences sexuelles et "commis d’innombrables agressions sexuelles", dénoncent les signataires.
Près de trois mois après son lancement, la pétition "'Serge Gainsbourg' dans le métro, c’est non" s’approche des 17 000 signatures. "Au tout début, je ne m’attendais pas à un tel nombre de signatures, mais ça a bien pris, c’est une très bonne chose", réagit l’autrice de bandes dessinées Ludine P., qui avait publié le 23 novembre sur Instagram un texte et une série d’illustrations pour dénoncer le choix du nom de la station. Suite à quoi Marie G., militante féministe et habitante de Romainville, l’a contactée à propos du projet de pétition, avant d'écrire ensemble le texte.
Dans un communiqué publié vendredi, les autrices de la pétition dénoncent le choix de rendre hommage à un "chanteur qui a non seulement romantisé l’inceste, les féminicides et les violences sexuelles dans toute son œuvre, mais surtout qui a commis d’innombrables agressions sexuelles en public".
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"France Gall (la violence qui lui a été faite avec 'Les sucettes à l’anis' n’a pas de nom juridique en France, pourtant elle a été extrême), Withney Houston, Catherine Ringer, miss météo de Canal Plus, Catherine Deneuve, Jane Birkin, Bambou, Charlotte Gainsbourg… La liste de ses victimes célèbres sous les yeux médusés et devant les bouches muettes de la France entière est longue", pointe du doigt le communiqué.
"En 2024, il serait temps pour les institutions et les environnements urbains de célébrer des personnalités différentes, souligne Ludine P. Des personnes qui n’ont pas été accusées de violences conjugales - Jane Birkin a dénoncé les coups portés par Serge Gainsbourg dans son livre 'Munkey Diaries'. Il a aussi grandement participé à banaliser les violences sexuelles, notamment envers les enfants, et il a eu des comportements éminemment sexistes en public."
"Ils ne reprendraient pas la même décision aujourd’hui"
Le 19 février dernier, les autrices de la pétition ont rencontré le maire PS des Lilas Lionel Benharous et son adjointe Madeline Da Silva. "Ils expliquent qu’ils ne reprendraient pas la même décision aujourd’hui et qu’ils sont favorables aux idées qu'on porte, mais qu’ils sont pieds et poings liés : Île-de-France Mobilités (IDFM) demande d’engager un budget faramineux pour changer le nom, entre 900 000 et 1 million d’euros. La Ville explique qu’elle ne peut pas sortir cet argent", raconte l’autrice de bandes dessinées.
"On leur a demandé de lancer une demande officielle auprès d’IDFM, et de prendre position publiquement sur le sujet. Ils disent être une mairie féministe, ça ferait du bien à beaucoup de gens de voir une institution s’engager", ajoute-t-elle. Pour poursuivre leur mobilisation, les autrices de la pétition ont lancé avec l’artiste Cécile Cée une nouvelle action sur les réseaux sociaux : "Remplacer Gainsbourg".
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Anne Sylvestre, Audre Lorde, Monique Wittig, Charlotte Delbo, Judith Godrèche, France Gall, Annie Ernaux, Nicole Louvier… Sur Instagram, des artistes publient ainsi des illustrations, en proposant des noms alternatifs pour la future station, avec le hashtag le #dtiysremplacergainsbourg.
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"Il y a une vraie pluralité parmi les personnalités proposées. Des noms beaucoup plus appropriés que celui de Serge Gainsbourg, qui a déjà un jardin public à Paris, et un musée à son nom financé par la Région", estime Ludine P. Plus de 70 artistes ont également signé un texte pour demander "de débaptiser en urgence la future station", refusant "que l’art et la culture servent encore de caution morale à l’apologie de crimes sexuels, de la culture du viol et de l’inceste".
Des collages prévus "sur les palissades des travaux" et "dans la station"
Lors de la réunion avec la Ville, "la mairie nous a aussi expliqué que la station a été nommée ainsi suite à une suggestion de Jane Birkin", indique par ailleurs l’autrice de bandes dessinées. "Ils nous ont aussi raconté qu’il a fallu créer ad hoc un parvis Serge Gainsbourg devant la bouche de métro, pour respecter le cahier des charges d’IDFM. C’est un bout de trottoir. La décision a été entérinée en 2013", durant le mandat de l'ancien maire PS des Lilas Daniel Guiraud, ajoute-t-elle.
De son côté, IDFM répond que "le nom d’une station est décidé en lien avec la ville". "Il doit faire référence à la géographie du lieu. En l’occurrence, la station a été nommée 'Serge Gainsbourg', car l’esplanade à la sortie du métro est au nom de Serge Gainsbourg et par conséquent le nom de la station correspond à ce qui existe sur l’espace public. Le maire a voulu nommer cette esplanade ainsi en lien avec la famille", indique l’autorité organisatrice des transports franciliens.
Contactée, la mairie des Lilas "ne souhaite pas communiquer" sur le sujet. Ludine P., elle, annonce déjà "d’autres actions prévues", notamment "des collages sur les palissades des travaux et, à terme, dans la station". Les autrices de la pétition demandent aussi "un rendez-vous avec IDFM".