Tandis que les noms des futures stations du prolongement de la ligne 11 ont récemment été affichés dans les rames du métro, l’une d’entre elles, nommée en mémoire de Serge Gainsbourg, fait polémique. Alors qu'une pétition appelle à la rebaptiser, une rencontre est prévue avec la mairie.

"'Serge Gainsbourg' dans le métro, c’est non", réclame la pétition. Publié le 26 novembre, le texte, qui rassemble ce mardi plus de 4 000 signatures, demande "le changement de nom de la future station de la ligne 11", alors que le prolongement doit ouvrir début 2024. L’arrêt sera situé juste après l’actuel terminus, "Mairie des Lilas", en Seine-Saint-Denis.

Une "date à laquelle le nom d’un homme violent, misogyne notoire et chantre de l’inceste sera officiellement donné" à la nouvelle station, dénonce la pétition. "Les violences envers les femmes et les tendances pédocriminelles, voire incestueuses de Serge Gainsbourg (pour ne citer qu’elles) sont pourtant de notoriété publique, et nous sommes révolté.e.s que sa personne soit mise à l’honneur dans le métro de Paris", indique le texte.

La pétition est signée par Marie G., militante féministe et habitante de Romainville. "C’est une initiative collective", explique-t-elle à France 3 Paris Île-de-France. Au-delà de la "réputation sulfureuse" de l’artiste, elle pointe du doigt "ses paroles" mais aussi "des faits de sa vie".

Marie G. indique que l’idée du texte est partie d’une "certaine colère" face à "un personnage avec une aura misogyne", et face à "ce que tolère la société". "L’objectif est de faire émerger une discussion. Ça me semble hypocrite de se dire féministe et attaché à la lutte contre les violences et, en même temps, glorifier une personnalité qui — certes reconnue en tant qu’artiste — diffuse la culture du viol", argumente-t-elle.

"On n'imagine pas une station Bertrand Cantat, qui a commis un féminicide, alors qu’on pourrait dire 'c’est un super chanteur'. On ne parle pas des mêmes faits pour Serge Gainsbourg. Mais c’est difficile de séparer l’homme de l’artiste. On engage forcément l’homme qu’on est en tant qu’artiste, même s’il y a une distance. Et le monde artistique relaie des idées sociales et philosophiques", ajoute-t-elle. 

"Quel message envoie-t-on à la société et aux victimes ?"

La pétition a été écrite avec l’autrice de bandes dessinées Ludine P., qui avait publié le 23 novembre sur Instagram un texte et une série d’illustrations pour dénoncer le choix du nom de la station. Une publication qui rassemble aujourd’hui plus de 7 600 likes et 860 commentaires. "Je ne m’attendais pas à autant de réactions. C’est suite à cette publication que Marie G., une abonnée, m’a contactée à propos de la pétition et j’ai proposé qu'on l'écrive ensemble", retrace-t-elle.

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"Ce projet de station était dans les cartons depuis un moment", raconte Ludine P., qui explique avoir réagi suite à l’affichage des futurs arrêts dans les rames du métro. Elle cite notamment deux chansons de Serge Gainsbourg qui datent de 1973, "et qui restent assez méconnues par rapport à ses tubes" : Titicaca et La poupée qui fait. Des textes qui racontent "un féminicide sadique" et un "viol incestueux d’une enfant", dénonce l’autrice.

"Nommer une station de métro 'Serge Gainsbourg', c’est choisir de célébrer cet homme. C’est symbolique, c’est inscrit sur tous les plans de Paris. Quel message envoie-t-on à la société, et aux victimes de violences et de pédocriminalité ?", s’interroge-t-elle.

Ludine P. évoque également "les paroles de Lemon Incest", "les violences conjugales dénoncées par Jane Birkin", "le film Charlotte Forever qui met en scène une relation entre un père et sa fille", "ses relations avec des mineures à la fin de sa vie", mais aussi "son comportement à la télévision avec Whitney Houston et Catherine Ringer". "On ne parle pas de comportement déplacé, mais violent, c’est bien plus que ça", souligne-t-elle.

L'autrice reproche à Serge Gainsbourg de "banaliser l’inceste", "même si ses fans minimisent en parlant de fantasme et de provocation". "Je ne dis pas 'brûlons ses CD' ou 'arrêtons de chanter ses tubes'. Bien sûr que c’est un grand nom de la chanson française. Mais pourquoi célébrer une telle personnalité dans l'espace public ?", indique l’autrice, qui note que "le métro parisien reste extrêmement masculin". "On pourrait choisir de mettre en avant d’autres personnalités, par exemple Anne Sylvestre ou Agnès Varda", ajoute-t-elle.

Bientôt une rencontre avec la mairie

Dans une tribune publiée dans Le Monde en 2021, la conseillère de Paris Catherine Ibled (Renaissance) et Esther Malka, fondatrice de l’association "Le 5e, patrie des femmes", déploraient qu'"à peine 2 % des stations de métro" portaient un nom de femme.

Contactée, la RATP renvoie vers IDFM concernant le processus de sélection des noms de stations. L’autorité organisatrice des transports, elle, n’a pas répondu à nos questions à ce stade. Également contactée, la mairie des Lilas n’a pas non plus répondu à nos sollicitations. 

L’ancien maire des Lilas, Daniel Guiraud (PS), avait défendu le projet de nommer la station "Serge Gainsbourg", en hommage à l'auteur du Poinçonneur des Lilas, selon un article du Parisien publié en 2013. Marie G. annonce ce mercredi que la Ville a accepté une rencontre suite à la pétition.

Le prolongement de la ligne 11 vers l’Est, qui s’étend sur 6 km, prévoit au total la création de six nouvelles stations avec, au-delà de "Serge Gainsbourg", les arrêts "Romainville-Carnot", "Montreuil-Hôpital", "La Dhuys", "Coteaux Beauclair" et "Rosny-Bois-Perrier". 15 000 voyageurs quotidiens sont attendus selon le site du projet. Avant l’ouverture des futures stations, Ludine P. espère qu’"IDFM, la RATP et les élus des Lilas vont entendre" les arguments détaillés dans la pétition.

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