Municipales à Aubervilliers : entretiens d’embauche pour fauteuil de maire

Une association, l’Alliance Citoyenne d’Aubervilliers, a fait passer ce samedi des "entretiens d’embauche" aux différents candidats au poste de maire. Une initiative inédite et ludique pour faire entendre la parole des habitants des quartiers populaires.

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"C’est ici qu’on interpelle les candidats ?" Un jeune homme, en retard, s'engouffre dans la petite salle prêtée par le Foyer Protestant, juste en face de la mairie. C'est la première fois qu'il va voter pour élire son maire. Il rejoint la cinquantaine d’Albertivillariens déjà installés : tous sont venus écouter et surtout interpeller les candidats aux élections municipales d’Aubervilliers. Ils ont des "exigences" et attendent des réponses bien précises.

Cette idée ludique d’un entretien d’embauche a germé dans la tête des membres de l’Alliance Citoyenne d’Aubervilliers. "Nous utilisons les méthodes syndicales dans la vie de tous les jours", explique Yoan Pinaud, directeur de l'association, implantée à Aubervilliers depuis 2016. L'organisation se présente comme "un syndicat de locataires", et se bat pour donner la parole aux habitants des quartiers populaires. L'idée est de "lutter contre les injustices sociales face aux pouvoirs locaux, aux institutions ou aux bailleurs sociaux", selon Yoan Pinaud. 

Faire "remonter" les colères

Les membres de l’association veulent faire "remonter les colères". Celles du quotidien, de la vie de tous les jours : pannes d’ascenseurs à répétition, poubelles non ramassées, chauffages défectueux, prix de l’eau... Pour cela, les 200 membres effectuent du porte-à-porte dans les quartiers de la Maladrerie, la Frette Vallès et la Villette de cette ville populaire de Seine-Saint-Denis qui compte 90 000 habitants.

Organisés comme un syndicat, ils collectent la parole des habitants et engrangent les demandes des habitants. Fruit de ce travail de proximité : "10 exigences", que les membres de l’association comptent bien soumettre aux différents candidats venus postuler ce samedi pour le fauteuil de maire.

Pendant la vingtaine de minutes que dure leur grand oral, les candidats sont ainsi questionnés sur 10 points : "Mise en place d' une pétition graduelle pour meiux répondre aux attentes des habitants" ; "mise en place d’un expert public pour faire respecter le droit des citoyens" ; "création d'un comité de surveillance des droits associatifs" ; "un journal de la ville indépendant" ; "zéro passoire thermique dans les logements sociaux" ; "un logement social détruit, un logement social reconstruit" ; "un référundum auprès des habitants visés par les opérations ANRU" ; "reloger 100 victimes de marchands de sommeil par an" ; "étendre le permis de louer aux copropriété en difficultés" ; et enfin "pour une eau moins chère, le passage en régie publique".

Les questions se multiplient face aux candidats

"Êtes-vous pour ou contre la mise en place d’un référendum concernant la destruction des logements du quartier de la Villette ?", demande une habitante d'Aubervilliers à Jean-Jacques Kerman (DVG), premier candidat venu passer son "entretien d'embauche". Un projet de l'ANRU, l’Agence nationale pour la rénovation urbaine, prévoit la destruction d’un immeuble de 450 logements quartier de la Villette. Seuls 270 logements seraient reconstruits. L’Alliance Citoyenne souhaite donc la mise en place d’un référendum pour que les habitants concernés par cette opération soient entendus. Le candidat acquiesce. Murmures de soulagement dans la salle.

La parole se délie peu à peu et les questions se multiplient. "Êtes-vous favorable à la municipalisation de la gestion de l’eau ?", "Êtes-vous favorable à la construction de nouveaux logements sociaux ? Faut-il revoir leur mode d’attribution ?", "Les loyers sont de plus en plus chers, Aubervilliers va -t-elle devenir un Paris bis réservé aux bobos ?", "Quel avenir pour le Fort d’Aubervilliers et ses 2 000 nouveaux logements prévus ?"... Pas facile pour les postulants au titre de maire de répondre pendant le court temps imparti.

Deuxième candidat à se présenter : Marc Guerrien, candidat sans étiquette se présentant sur la liste "Réveiller Aubervilliers". "Êtes-vous prêt à créer un observatoire des engagements ?" : à l’exigence défendue par l’Alliance Citoyenne, le candidat répond par l’affirmative.

Entendre et surtout être entendus

"Il y a quelques chose qui me chagrine, c’est la sécurité. Les agressions sont en hausse. J’attends que les élus fassent des efforts. Il y a un gros balayage à faire. Que comptez-vous faire ?" Claudine ne mâche pas ses mots. Cette Albertivillarienne est investie de longue date dans la vie des quartiers et ne craint pas de prendre la parole. Pas prévue dans les 10 exigences, la question de la sécurité est sensible et ne laisse pas les participants indifférents. Claudine avouera un peu plus tard ne pas encore savoir pour qui elle va voter : "Je n’ai pas entendu un seul candidat qui m’ait convaincue".

Au-delà des "10 exigences", parents d’élèves, membres d’associations ou simples citoyens sont venus poser des questions précises sur le financement du conservatoire intercommunal de musique, les rythmes scolaires ou encore le fonctionnement des centres de loisirs.

Olivier, entraineur du club de foot d’Aubervilliers, lui ne posera pas de question : « Je suis venu écouter les candidats sur des points précis, par intérêt et curiosité ». « Si je suis là, c’est qu’il y a un grand nombre de dysfonctionnements, après chacun fera son choix"s’exclame Fouad qui a grandi et travaillé toute sa vie à "Auber".

"Contrairement aux meetings, il n’y a pas que des convaincus"

De l’écoute, un dialogue avec les candidats, des réponses précises et des engagements concrets : les habitants des quartiers populaires ne veulent pas être les oubliés de la campagne électorale. Cinq candidats sur sept ont répondu positivement à l’invitation de l’Alliance Citoyenne. Karine Franclet (UDI), Sofienne Karroumi (tête liste d’"Alternative citoyenne") et Zishan Butt (d'"Aubervilliers en commun") se sont prêtés avec le sourire à ce jeu de questions réponses. Seuls la maire sortante, Myriam Derkaoui (PCF), et le candidat de Lutte Ouvrière, Alain Noé, ont décliné l’invitation.

Le public était également invité à voter avec un carton de couleur pour chaque proposition faite par les candidats qui se félicitent, campagne électorale oblige, de la tenue d’une telle initiative. La candidate de droite, Karine Franclet, conseillère régionale (UDI), se réjouit de se plier à l’exercice « où contrairement aux meetings, il n’y a pas que des convaincus ». D'après Marc Guerrien, candidat sans étiquette, l'idée est de « trouver l’équilibre entre la concertation et la prise de décisions ». 

Trois questions à Yoan Pinaud, directeur de l’Alliance Citoyenne d’Aubervilliers
► Qu’est-ce que l’Alliance Citoyenne ?
"L’association loi 1901 est un syndicat de quartier. L’idée est de faire les mêmes choses que font les syndicats dans les entreprises mais au niveau de la vie au quotidien dans un quartier : manque de propreté, factures abusives, discriminations qui touchent les habitants. Nous utilisons les méthodes syndicales dans la vie de tous les jours. Il faut que les citoyens s’organisent, travaillent ensemble et passent à l’action pour faire changer les choses. Nous sommes  implantés à Aubervilliers depuis quatre ans. Grenoble, Lyon et Villeurbanne ont créé des associations de ce type."

► Qu’est-ce qui vous différencie d’une liste citoyenne ?
"Chacun son travail ! Certains s’inscrivent dans le champ politique pour prendre le pouvoir et agir. Nous, on est un contre-pouvoir. On fait pression que les gens en responsabilité agissent dans le bon sens, dans l’intérêt des habitants. Nous n’avons pas de prétentions politiques, on ne ferait pas forcement mieux si jamais on se présentait demain. On reste à notre place mais ca n’empêche pas que des membres de l’association soient candidats sur telle ou telle liste."

► Comment recueillez-vous la parole des habitants dans les quartiers et qui touchez-vous ?
"On va à la rencontre des gens grâce au porte à porte. On a des réunions, des assemblées, des comités où l’on définit des priorités. Nous allons au devant d’habitants qui n’ont jamais eu d’engagement politique. Ils participent car nous parlons des colères du quotidien et non pas de sujets politiques. Ensuite nous interpellons et négocions avec ceux qui détiennent les clefs, élus, institutions, décideurs pour que les choses changent. Sur beaucoup de sujets nous avons obtenus des résultats. Par exemple concernant le quartier de la Villette, on s’est organisé. Nous avons dénoncé la saleté notamment. Depuis, l’Office Public HLM a pris des mesures pour améliorer la situation. Sur la question de la gestion de l ’eau, nous avons eu la tenue d’un débat public il y a trois ans pour étudier le passage en régie publique."
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