Une ancienne élue qui porte plainte pour menaces de mort, des irrégularités dans les embauches ou une enquête pour détournements de fonds publics : les accusations visant Jean-Christophe Lagarde, député (UDI) de Seine-Saint-Denis ou certains de ses proches s'accumulent.
En mars 2014, la liste "Rendez-nous Bobigny" menée par le novice en politique Stéphane De Paoli (UDI), remporte les élections municipales avec près de 54 % des voix, face à la maire sortante Catherine Peyge (PC).
C’est un séisme politique dans ce bastion communiste depuis plus de 90 ans. Dans cette ville où l’abstentionnisme est très fort, la victoire du centre est due à une forte mobilisation. Cette nouvelle équipe, qui compte plusieurs proches de Jean-Christophe Lagarde dans ses rangs, prend possession de l’Hôtel de Ville de Bobigny.
Quelques mois plus tard, un tract anonyme placardé dans toute la ville (les 3 et 4 juin 2014) fait l’effet d’une bombe. Il accuse une nouvelle embauchée, Lynda Benakouche, d’être la femme de Jean-Christophe Soumbou, le n° 2 du "gang des barbares". Ce Balbynien a été condamné en 2010 en appel à 18 ans de prison par la Cour d’assises des mineurs du Val-de-Marne pour avoir participé à l’enlèvement et la séquestration d’Ilan Halimi. "Drancy arrive en force !", résume ce tract, allusion à peine voilée à une possible mainmise de Jean-Christophe Lagarde.
Le député se défend de toute ingérence dans la gestion municipale de Bobigny : "Je ne me suis jamais mêlé de la gestion de cette ville, sauf à trois reprises pour des projets aux frontières de nos deux communes."
Plainte pour menaces de mort
Une élue de la majorité, Sabrina Saidi, est suspectée d’être l’auteure de ce tract. Elle est convoquée en mairie. Dans le bureau, la jeune femme est attendue de pied ferme par le premier adjoint du maire, Christian Bartholmé, le Directeur du développement territorial, Kianoush Moghadam, ancien attaché parlementaire de Jean-Christophe Lagarde, le directeur de l’OPH Jonathan Berrebi et Ramdane Ould Ahmed, nouvel embauché à la mairie.La jeune femme va porter plainte pour menace de mort et doit quitter Bobigny avec ses quatre enfants. Christian Bartholmé et Kianoush Moghadam sont condamnés à une semaine de stage de citoyenneté et 10.000 euros d’amende pour violence morale en réunion.
Dès 2014, l’hebdomadaire Marianne révèle certaines dérives au sein de la mairie de Bobigny. Nous avons sollicité le député. Voici ses réponses par écrit (en date du 13 février 2020). En 2016, le magazine Le Point s’interroge sur l’utilisation d’une partie des subventions et de la réserve parlementaire de Jean-Christophe Lagarde. De 2012 à 2014, le député aurait subventionné à hauteur de 150.000 euros des associations balbyniennes communautaires ou de quartiers. Ces associations sont dirigées pour certaines par des proches de Jean-Christophe Lagarde ou des membres de l’UDI.À cela, le député répond : "Pour ce qui concerne le choix des associations à Bobigny. C’est assez simple. Élu de Bobigny et de Drancy, je souhaitais que la réserve parlementaire bénéficie aux deux communes à proportion de leurs populations respectives. Mais j’avais un double problème. D’une part le Maire de Bobigny de l’époque refusait de me soumettre quelque projet communal que ce soit. D’autre part des pressions étaient exercées sur les associations balbyniennes pour qu’elles ne me sollicitent pas. Du coup, les seules associations qui me sollicitaient étaient des associations plus ou moins hostiles à la Municipalité PC. (…)"
Mais de l’argent aurait disparu des comptes de certaines de ces associations. Jean-Christophe Lagarde répond : "Je ne vois pas comment des détournements auraient pu avoir lieu, mais n’ai, en tout état de cause, aucun moyen de le savoir puisque nous n’avions qu’un rôle de fléchage des subventions. Nous n’avions aucun moyen de leur demander des comptes, et même pas le droit puisque c’est le rôle des services de l’Etat."
Dans le viseur de la Chambre régionale des comptes
En 2018, la mairie est épinglée par le rapport de la Chambre régionale des comptes sur sa gestion municipale sur l’exercice 2010-2017. Elle recommande notamment à la mairie de régulariser les conditions de recrutement. Douze cas précis sont ciblés. La CRC note que ces embauches comportent des irrégularités du fait du niveau de rémunération, des qualifications ou de l’existence d’un casier judiciaire.Jean-Christophe Lagarde affirme lui "que l’équipe de campagne de 2014 ait été composée de certains de mes proches est logique puisque je soutenais la candidature de M. De Paoli. Je n’ai pas lu le rapport de la CRC, je ne sais donc pas de qui vous parlez. Mais je vous invite à poser des questions à ceux qui gèrent la ville de Bobigny, ce qui n’a jamais été mon cas."
Le candidat UDI Christian Bartholomé (ancien premier-adjoint au maire actuel, Stéphane de Paoli), avance lui cette explication : "Dans cette précipitation des débuts et en l'absence d'une administration contrôlant de manière totalement fiable les procédures, une douzaine de cas listés par le rapport auquel vous faites référence ont été en effet entachés d'irrégularités, internes et externes, de différentes formes et gravité, et concernant aussi bien des agents d'exécution (catégorie C) que d'encadrement intermédiaire et supérieur. Avant même la publication du rapport de la Chambre régionale, un certain nombre de cas étaient en voie de résolution."
Dernière enquête en date : le livre "Le Maire et les Barbares". Il paraît ce mercredi 19 février 2020 aux éditions Albin Michel.